Cofondatrice de la marque de mode éthique Loom, coprésidente du Mouvement Impact France, Julia Faure plaide pour une loi qui pénalise les mauvaises pratiques industrielles.
Elle porte ses vêtements comme un étendard. En 2017, à 30 ans à peine, Julia Faure a cofondé la marque Loom, fabriquée en France et au Portugal. Depuis, elle est devenue un des porte-voix les plus actifs contre la fast fashion et ses dommages sociaux et environnementaux. « En tant qu’ingénieure agronome, j’étais sensible au vivant, replace la jeune femme à l’allure androgyne. L’effondrement du Rana Plaza en 2013 a marqué notre génération d’entrepreneurs du textile. J’avais des convictions liées aux conditions de travail dans l’industrie, mais avec le temps, je suis devenue plus militante. »
En 2021, elle participe au lancement de l’association En mode climat, qui regroupe des acteurs du textile demandant la régulation d’une des industries les plus polluantes au monde. La même année, elle apparaît dans le documentaire Sur le front : où finissent nos vêtements ? d’Hugo Clément, où on la voit visiter une usine au Bangladesh : « Alors que je ne prends pratiquement plus l’avion, j’y suis allée pour voir la réalité : des usines modernes mais des ouvrières en-dessous du salaire vital. »
Moins mais mieux
Cette année, Julia Faure est devenue coprésidente aux côtés de Pascal Demurger, le directeur de la Maif, du Mouvement Impact France, le « Medef » des entreprises engagées. Pour elle, la bonne volonté de quelques marques, comme Loom, qui prône le « moins mais mieux », ne suffit plus : « Il n’y aura pas de changement systémique de l’économie sans changement de la loi. Il faut pénaliser les modèles qui incitent à sur-consommer. Pourquoi est-on passé en 40 ans de 1,4 milliard de vêtements neufs vendus en France chaque année à 3,3 milliards ? D’une part, à cause des délocalisations dans des pays moins disant socialement et écologiquement, mais aussi parce qu’on y est incité en permanence par le renouvellement des collections. »
Réserver la commande publique aux entreprises européennes serait un levier pour la jeune femme au discours qui fait mouche : « La France a déjà institué l’affichage environnemental, l’éco-contribution, le devoir de vigilance. Elle peut peser sur l’Europe pour faire adopter un Buy European Act, à la façon des États-Unis. » Autre proposition : interdire que le prix d’un produit neuf soit inférieur au prix de sa réparation. « L’indice de réparabilité est une bonne chose, mais la fast fashion inonde le marché de vêtements qui n’ont pas de valeur en seconde main », souligne-t-elle.
Ce qui vaut pour les entreprises vaut aussi pour les consommateurs : « On peut reprocher aux adolescents d’acheter des vêtements à bas prix, mais ils sont matraqués de messages sur les réseaux sociaux. On ne peut pas leur demander de se réguler. C’est à la nation de protéger le consommateur et le citoyen. » Pour Julia Faure, c’est aussi du bon sens économique : « On ne sait plus faire de textile en France alors qu’on est le pays de la mode. C’est une perte de souveraineté qui pèse dans la balance commerciale. » Alors que la filière, des fabricants aux distributeurs, est en plein marasme, elle assure : « Il est faux de dire qu’on ne peut rien faire. »