Auchan inaugure une nouvelle campagne qui réconcilie le pouvoir d’achat et la production française. Marie Vanoye, la directrice de la communication externe d’Auchan Retail France, explique les raisons de cette prise de parole et revient plus largement sur la relation de l'enseigne au monde agricole.

Le 14 juin, vous avez lancé une grande campagne en presse quotidienne régionale sur « Le pouvoir d’acheter français ». Quel est le sens de ce slogan ?

Notre mission est de promouvoir la bonne alimentation dans le respect du monde agricole et des producteurs. Auchan est engagé depuis longtemps dans une démarche de filière agricole responsable. Dès 1996, nous avons signé un partenariat avec les éleveurs de veau d’Aveyron et du Ségala pour garantir une juste rémunération des producteurs français, le respect de l'environnement et des produits de qualité. Aujourd’hui, nous travaillons avec 3 000 producteurs locaux, nous animons 227 filières agricoles identifiées dans nos magasins par l’affichage « Auchan, cultivons le bon ».

Mener une démarche de filière responsable, c’est proposer des produits bons pour ceux qui les produisent et pour ceux qui les consomment à la fois en termes de goût et de pouvoir d’achat. Notre directeur général arrivé il y a 18 mois, Philippe Brochard, en a fait un angle stratégique pour l’entreprise. Cependant, cet engagement n’est pas assez connu. Nos concurrents communiquent beaucoup sur ces sujets sans en faire forcément autant que nous, et pour certains, la problématique de l’inflation incite à acheter à l’étranger pour préserver les prix. Ce n’est pas du tout notre discours.

Justement, comment camper sur vos convictions alors que le pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations des Français ?

Cela suppose une vraie volonté au niveau de la direction générale et de la direction de l’offre. Les consommateurs ne le savent pas forcément mais un cultivateur de carottes, par exemple, va pouvoir vendre toute sa production au même prix à un magasin de sa région, qui va les revendre en produits bruts et, pour les légumes moins présentables, en surgelés, en jus ou en blanquette de veau au rayon traiteur. Nous entrons dans la saison de la cerise, nous aidons les producteurs à écouler leurs récoltes main dans la main avec les services achats. On s’engage à ne vendre que des pommes et de la viande bovine 100% françaises.

Ce soutien sur le long terme est important en cas de sécheresse et de pénuries afin que les agriculteurs poursuivent leur activité. C’est justement en période d’arbitrage sur les produits frais lié à l’inflation qu’il faut informer le consommateur et le citoyen sur le bien-manger et la préservation des filières. Et pour garantir le pouvoir d’achat, on serre nos marges au maximum sur les produits frais… On sera peut-être plus chers sur les produits transformés. C’est notre rôle de commerçant de demain, qui doit évoluer de distributeur vers une marque de sens.

Est-ce la peur du greenwashing qui vous rendait discrets ? 

Cela venait de notre culture d’entreprise nordiste, « faiseux et taiseux », comme on dit dans le Nord ! Mais les choses évoluent et les consommateurs ont besoin de plus de transparence, de connaître d’où viennent les produits, comment sont fixés les prix, dans quelles conditions sont élevés les animaux. La crise sanitaire a renforcé cette exigence et les ONG sont très vigilantes sur le bien-être animal. C’est pour cela que nous nous sommes associés à Édouard Bergeon, le réalisateur du film Au nom de la terre, qui connaît bien le monde agricole et qui nous accompagne pour faire connaître nos engagements à la façon d’un tiers de confiance. On préfère laisser les autres raconter ce qu’on fait de bien, cela a plus d’impact et de crédibilité qu’une simple pub.

Vous avez choisi de travailler avec une nouvelle structure, Court-Circuit Circuit-Court, co-fondée par les réalisateurs Édouard Bergeon et Antoine Robin, du média engagé aunomdelaterre.tv, et la publicitaire Élisabeth Billiemaz, de l’agence Change. Quelle est sa particularité par rapport à une agence de publicité classique ?

C’est une agence atypique, qui réunit des publicitaires, des journalistes et des experts du monde agricole. Sur une démarche aussi globale, l’écriture publicitaire ne peut pas être la seule solution, il faut varier les formes de narration. Nous avons d’abord rencontré Édouard Bergeon et Antoine Robin à l’occasion de l’événement Auchan Tour, rebaptisé Tous aux champs le tour. Suite à l’annulation du Salon de l’agriculture en 2021, nous avons organisé 20 étapes en France pour aller à la rencontre des producteurs de nos filières, au cours desquelles aunomdelaterre.tv a réalisé 10 documentaires. 

Nous avons voulu donner à ce sujet une place plus importante, en l’intégrant dans une vraie stratégie de communication à 360°. Nous utilisons aussi bien des formes publicitaires classiques qu’une écriture plus journalistique, des relais sur les réseaux sociaux… Cet été, nous reprenons l’opération Tous Auchan le tour, jusqu’au 6 juillet, et en septembre nous serons partenaires des Terres de Jim, organisées par les Jeunes Agriculteurs, la plus grande fête agricole en plein air d’Europe, à Cambrai.

Diriez-vous que votre stratégie se rapproche de celle de La Poste, qui a confié un documentaire au réalisateur militant Cyril Dion [lire Stratégies n° 2153] ?

La différence, c’est que le film de La Poste est un « one shot », alors que nous avons confié notre budget à Court-Circuit Circuit-Court pour trois ans. Ce qui a séduit Auchan, c’est d’abord ce trio aux compétences complémentaires, qui nous permet d’être accompagnés au mieux dans notre mission de promouvoir la bonne alimentation dans le respect du monde agricole et des salariés.

Vous parlez des salariés, comment les embarquer dans vos engagements ?

Les collaborateurs sont un maillon essentiel de la relation entre le monde agricole et les consommateurs, c’est eux qui mettent dans nos rayons les produits bons, sains, locaux. Nous avons notamment à cœur de valoriser les apprentis de nos métiers de bouche, qui représentent la relève. Nous avons organisé un concours des meilleurs apprentis de France chez Auchan, relayé sur TikTok, pour récompenser les meilleurs apprentis en formation dans nos magasins. Les collaborateurs sont aussi appelés à aller sur le terrain comme dans le cadre du Tous aux champs le tour, où ils vont à la découverte des agriculteurs derrière les produits proposés en magasin. C’est indispensable pour donner du sens.

Parcours

1998-2010. Chargée de promotion interne chez Promod.

2010-2015. Responsable communication du groupe 3SI.

2015-2016. Responsable communication de Dispeo.

2016-2023. Responsable communication externe d’Auchan Retail France.

Depuis février 2023. Directrice communication externe d’Auchan Retail France.