Superway, le nouveau récit de Recyclivre

La France, terre de livres ? Même si l’appétence des 15-24 ans pour la lecture décroche au fil des ans, une certitude demeure : le pays reste un cas à part avec 86% de personnes s’identifiant spontanément comme des lecteurs. Tels sont les principaux enseignements du baromètre 2023 du Centre national du livre, qui souligne également le développement constant des alternatives à l’achat de livres neufs. Parmi les entreprises à l’origine de cette tendance vertueuse, Recyclivre, acteur de l’économie sociale et solidaire créé en 2008 par David Lorrain, à qui cette donnée d’importance n’a évidemment pas échappé. La société, qui collecte chaque année près de 3,5 millions de livres dont 2 millions environ sont remis en circulation, a décidé de franchir un cap supplémentaire en se dotant de sa propre marketplace, baptisée Superway, laquelle doit permettre de consommer neuf ou d’occasion auprès de vendeurs dits engagés. Un projet aux allures de virage stratégique majeur que Recyclivre a mené à bien avec le concours de l’agence digitale Big Youth (Makheia).

« Le marché de la seconde main est très dynamique », confirme d’entrée Sylvain Joly, codirigeant de Recyclivre, identifiant deux types d’acheteurs que Superway cible indifféremment : le client avide de petits prix et celui qui souhaite mieux consommer. D’après les chiffres du Centre national du livre, « les achats d’occasion se développent de façon significative (+6 points vs 2021 ; +14 points vs 2015), en particulier chez les grands lecteurs, augurant certainement d’une (…) tendance de fond à plus long terme dans un contexte économique en tension. Les librairies et les grandes surfaces culturelles restent les principaux lieux d’achat de livres, mais la vente en ligne affiche une forte augmentation (+10 points) », synthétise le baromètre. Dans ce contexte porteur, Recyclivre opte pour un site e-commerce destiné à agréger dans un premier temps des acteurs (éditeurs, associations, ressourceries...) dont le modèle s’avère plus ou moins vertueux, mais avec une contrainte : « que ceux-ci empruntent une réelle démarche de progrès sur le volet RSE », précise le dirigeant, qui en veut pour garantie l’Impact Score adopté comme critère commun à cette occasion. De quoi disposer déjà à date de 900 000 à 1 million de références différentes.

Pour bien comprendre les enjeux d’un tel déploiement, une explication quant au modèle actuel s’impose. « Aujourd’hui, Recyclivre fonctionne avec un réseau de collecte et de revente de livres d’occasion déployé en France mais aussi en Espagne avec Reciclibro. Les canaux utilisés pour remettre les livres en circulation sont les principales marketplaces existantes type Fnac, Amazon ou Rakuten, le site de Recyclivre ainsi que près de 500 000 livres via une logique B to B », recontextualise-t-il au sujet de canaux de distribution qui ne seront pas pour autant abandonnés. Alors, pourquoi se doter d’une nouvelle marketplace ? « La volonté est de permettre à certains vendeurs qui ne souhaitent pas aller sur les plateformes majeures de trouver un canal de vente en ligne correspondant à leurs attentes mais également de permettre à l’acheteur, qui peut être perdu face à l’offre à disposition, de se repérer et de connaître l’impact précis de chaque produit acheté », complète-t-il.

D'autres produits en ligne de mire

Autant dire que pour parvenir à un tel résultat, rien n’a été négligé. « La marketplace a nécessité près d’un an de développement, avec pour principal défi le travail tripartite à mener avec Origami Marketplace sur la partie backoffice et Big Youth sur la partie front. Le choix a été fait de recourir à Origami Marketplace dans la mesure où cette solution SaaS paramétrable a permis de mettre en place un certain nombre de spécificités, par exemple la fonction additionnelle permettant aux utilisateurs de dépenser le cashback généré par l’achat auprès d’acteurs engagés », développe Sylvain Joly, évoquant dès le départ le souhait d’« être au niveau de ce qui se fait de mieux sur le marché en termes de parcours, d’UX et de design ». Une évidence partagée avec Amélie Ponchau, directrice générale de Big Youth. « En e-commerce, la première brique est simple : l’expérience doit être à la hauteur des concurrents majeurs. Vient ensuite le cas des fonctionnalités spécifiques, sans omettre le sujet de la montée du catalogue car près d’un million de références, ce n’est pas rien », retrace-t-elle à propos d’un travail au long cours ayant mobilisé près d’une dizaine de salariés de l’agence digitale du groupe Makheia. 

Au-delà du projet initial, dont l’enjeu RP consiste à se faire connaître rapidement sans recourir à des stratégies d’acquisition payantes – « pour des articles à petits prix et donc à marges faibles, les coûts d’acquisition sont trop élevés au regard du ROI », éclaire Amélie Ponchau –, un choix stratégique encore plus ambitieux se dessine avec Superway. Car si les livres constituent le premier maillon de la chaîne, Recyclivre entend ouvrir sa marketplace aux biens culturels au sens large. En ligne de mire : une marketplace beaucoup plus généraliste qui pourrait rapidement voir jouets ou autres produits électroménagers côtoyer les livres. « L’idée consiste aussi à jouer la complémentarité et ne pas se priver du site et de la marque Recyclivre, qui bénéficient d’une forte notoriété et dont le modèle originel reste le même, à savoir que plus aucun livre ne finisse à la poubelle dans la mesure du possible », ajoute Sylvain Joly. Difficile à cet égard de ne pas voir dans le nom de la nouvelle marketplace des envies d’internationalisation. « Ce qui est certain, c’est que cette appellation peut rapidement permettre à Superway de se déployer à l’international », répond en creux le codirigeant quant à un nouveau récit qui reste à écrire.