La Commission européenne a approuvé lundi le rachat de l'éditeur américain de jeux vidéo Activision Blizzard par Microsoft pour 69 milliards de dollars, trois semaines après un veto britannique qui met en péril l'opération.
L'avenir de la fusion géante Activision Blizzard reste totalement incertain. Non seulement l'avis positif de Bruxelles contredit le rejet prononcé fin avril par l'autorité britannique de la concurrence (CMA), mais en plus l'autorité américaine (FTC) a lancé en décembre des poursuites pour bloquer ce rachat.
Le feu vert de Bruxelles est conditionné au respect par Microsoft de mesures proposées pour garantir la concurrence sur le marché des jeux dématérialisés accessibles en streaming. Ces engagements « remédient pleinement aux problèmes soulevés par la Commission », a déclaré l'exécutif européen dans un communiqué.
Dans un secteur du jeu vidéo en pleine consolidation, Microsoft, qui commercialise la console Xbox, avait annoncé en janvier 2022 le rachat d'Activision Blizzard, éditeur de succès comme « Call of Duty », « World of Warcraft » et « Candy Crush », pour 69 milliards de dollars, un montant record dans ce secteur.
La fusion, si elle est menée à son terme, donnera naissance au troisième acteur de la filière en termes de chiffre d'affaires, derrière le chinois Tencent et le japonais Sony, fabricant de la PlayStation.
A lire : Microsoft défend sa fusion avec Activision
La Commission européenne, gardienne de la concurrence dans l'UE, avait ouvert en novembre une enquête approfondie sur cette opération. La procédure aura finalement permis de lever ses craintes.
Mais, pour la première fois depuis le Brexit dans un dossier d'une telle ampleur, Bruxelles et Londres ont adopté des positions divergentes.
L'autorité britannique de la concurrence avait annoncé le 26 avril sa décision de bloquer la méga-fusion, jugeant les risques trop élevés.
Microsoft avait aussitôt annoncé qu'il ferait appel. « Cette décision semble refléter une mauvaise compréhension de ce marché et du fonctionnement réel de la technologie cloud », avait alors estimé le groupe.
Le feu vert de Bruxelles devrait lui fournir des arguments solides pour contester l'avis de la CMA devant le Tribunal d'appel de la concurrence (CAT) au Royaume-Uni.
Licences gratuites
« Si Microsoft ne gagne pas l'appel devant le CAT, il ne pourra pas procéder à l'acquisition même si la Commission européenne l'approuve », estime Anne Witt, spécialiste du droit de la concurrence à l'EDHEC (France).
« A moins, bien sûr, que Microsoft décide de quitter le marché britannique, mais cela semble peu probable », a-t-elle expliqué à l'AFP.
Comme son homologue du Royaume-Uni, le régulateur européen écarte tout risque pour la concurrence sur le marché des consoles de jeux, alors que Sony s'était inquiété de se voir refuser l'accès aux grands succès d'Activision Blizzard.
« Microsoft n'aurait aucun intérêt à refuser de distribuer les jeux d'Activision à Sony, qui est le principal distributeur mondial de jeux pour consoles », a jugé la Commission, soulignant qu'il se vend quatre fois plus de PlayStation de Sony que de Xbox de Microsoft.
« Sony pourrait tirer parti de sa taille, de son catalogue de jeux étoffé et de sa position sur le marché pour contrer toute tentative d'affaiblissement de sa position concurrentielle », explique l'exécutif européen.
La Commission s'inquiétait, comme la CMA, pour le marché en plein essor des jeux dématérialisés accessibles en streaming qui permettent de jouer indifféremment sur tablette, smartphone ou ordinateur...
Veto de l'Autorité britannique
Mais, contrairement à l'autorité britannique, elle a accepté les solutions proposées par Microsoft. « Pour une durée de 10 ans », le géant américain accordera aux consommateurs européens des licences gratuites « pour tous les jeux actuels et futurs d'Activision Blizzard » acquis légalement, leur permettant de jouer sur tout appareil, peu importe le système d'exploitation. Une licence gratuite correspondante sera également accordée aux services concurrents de jeux en streaming.
« Cette mesure s'appliquera à l'échelle mondiale et permettra à des millions de consommateurs dans le monde entier de jouer à ces jeux sur l'appareil de leur choix », s'est félicité Brad Smith, le président de Microsoft, cité dans un communiqué.
« Nous avons l'intention d'accroître considérablement nos investissements et nos équipes dans l'UE, et nous sommes impatients de voir les avantages que cette transaction apportera aux joueurs d'Europe et du monde entier », a déclaré de son côté Bobby Kotick, le patron d'Activision Blizzard.
L'autorité britannique de la concurrence a cependant réitéré son veto lundi soir. « Les propositions de Microsoft, acceptées aujourd'hui par la Commission européenne, permettraient à Microsoft de fixer les modalités de ce marché pour les dix prochaines années », a affirmé Sarah Cardell, directrice générale de la CMA.
Les mesures proposées par Microsoft « remplaceraient un marché libre, ouvert et concurrentiel par un marché soumis à une réglementation permanente des jeux vendus par Microsoft, des plateformes sur lesquelles il les vend et des conditions de vente », a-t-elle expliqué.