Réduction du plastique, décarbonation, économies d’eau… Le secteur de l’hôtellerie a un rôle à jouer dans la transition écologique. Alors que la saison touristique est lancée, Karine Morot-Gaudry, directrice générale adjointe du Groupe Logis Hôtels, détaille les initiatives pour développer un voyage plus responsable.

Présentez-nous en quelques mots le Groupe Logis Hôtels.

KARINE MOROT-GAUDRY. Le groupe a été fondé en 1948 avec la volonté de développer le tourisme dans la France rurale. Aujourd’hui, nous représentons 15 % de l’hôtellerie française avec six marques (Singuliers Hôtels, Demeures & Châteaux, Cit’Hotel, Urban Style, Logis, Auberge de pays), 2 200 établissements, 40 000 chambres et 1 600 restaurants, principalement dans des villes de taille intermédiaire. Nous sommes aussi présents en Europe et au Québec pour un volume d’affaires total d’1,3 milliard d’euros. Nos hôteliers sont des entrepreneurs que nous accompagnons dans la transition environnementale et numérique grâce à des services communs. Notre modèle décentralisé, à échelle humaine, est en phase avec notre objectif d’être un acteur du tourisme durable.

Quels sont les principaux postes d’émissions de gaz à effet de serre dans l’hôtellerie ?

Dans le tourisme en général, selon l’Ademe, 77 % des émissions viennent des mobilités. Nous développons les bornes électriques dans nos établissements pour accompagner la décarbonation des déplacements de nos clients. Les véhicules électriques, en obligeant à faire des pauses de rechargement, vont dans le sens du « slow tourisme », un tourisme plus lent où l’on ne traverse pas la France d’une traite mais où l’on prend des petites routes, où l’on s’arrête pour déjeuner. Nous bénéficions d’un maillage exceptionnel, avec un hôtel tous les 11 kilomètres sur le territoire français.

Six cents de nos établissements sont aussi labellisés Logis Vélo. Situés à proximité de pistes cyclables, ils disposent de tout l’équipement pour nettoyer et réparer les vélos. On voit se développer une tendance aux vacances itinérantes, le long de la Seine ou de la Loire, avec des cyclotouristes qui se déplacent d’un hôtel à un autre. En tant qu’hébergeur officiel du Tour de France depuis quatre ans, nous avons l’habitude de recevoir les équipes, de mettre des équipements à disposition et de proposer des menus adaptés aux sportifs.

Quel est l’impact environnemental des hôtels eux-mêmes ?

L’hébergement pèse pour 7 % des gaz à effet de serre, principalement à travers la consommation d’énergie. Notre effort principal porte sur la rénovation énergétique : il faut isoler les bâtiments et passer à du matériel moins énergivore, par exemple, remplacer les éclairages par des leds. Nous travaillons avec l’Ademe, via le Fonds Tourisme Durable, pour aider les hôteliers à se moderniser. Il faut réaliser des diagnostics énergétiques, former les équipes, identifier les fournisseurs, monter des dossiers de subvention… Actuellement, 200 établissements sont accompagnés.

Nous développons aussi une solution de blanchisserie interne, qui améliore à la fois le bilan carbone et les conditions de travail. La plupart du linge dans les hôtels est lavé dans des blanchisseries industrielles. Le fait de le laver sur place entraîne moins de transport et moins de manutention pour les équipes. Nous privilégions du linge qui n’a pas besoin d’être repassé, ce qui représente une économie d’énergie importante. Nous avons mesuré l’impact sur un hôtel de 20 chambres avec l’Ademe : ces actions représentent environ 5 tonnes de CO2 économisées par an. Sachant que l’énergie la plus responsable est celle que l’on ne consomme pas, et que les hôteliers ont tout intérêt à limiter leurs dépenses. Une serviette lavée alors qu’elle n’en a pas besoin, c’est un coût, surtout avec la hausse du prix de l’énergie.

Lire aussi : À bord du premier navire vert de la compagnie du Ponant

Qu’est-ce que la crise du covid a changé pour votre activité ?

Un certain nombre de nos établissements sont restés ouverts pendant les confinements. Nous avons continué de proposer de vrais repas en chambre, de recevoir avec le sourire malgré le masque. Le fait d’avoir gardé ce lien a permis de fidéliser la clientèle. Depuis la crise sanitaire, les Européens sont revenus massivement en France et les Français qui avaient redécouvert leur pays sont restés. Une bonne nouvelle sur le front des gaz à effet de serre.

Une des tendances fortes de ces dernières années est la déstandardisation de l’offre hôtelière. Les clients attendent plus d’expériences, des offres différenciées selon les régions. Ancrés dans les territoires, nos établissements proposent à 80 % des produits faits maison, locaux, en circuit court. Là encore, cela génère moins de transports.

Comment embarquer vos adhérents dans la transition ?

Le classement hôtelier a évolué et inclut désormais des critères RSE. Nous avons besoin de faire monter nos adhérents en expertise sur ces sujets. Nous avons créé une académie de formation et un pôle de compétences RSE qui travaille sur les 70 critères de l’indicateur Act-Eco, permettant d’identifier nos établissements en fonction de leur engagement écologique, social et sociétal. Nous sommes en cours de certification Lucie 26 000, qui devrait aboutir en fin d’année. Nous travaillons avec les cabinets de conseil InFrance et Socotec, qui comprennent les problématiques des métiers de l’hôtellerie et les spécificités de petites structures comme les nôtres.

Dans la perspective de la Coupe du monde de rugby en septembre 2023 et des Jeux olympiques de 2024, nous mettons aussi en place des formations pour renforcer le niveau d’anglais du personnel.

On parle beaucoup des difficultés de recrutement dans l’hôtellerie. Comment donner envie de pratiquer ces métiers ?

Les jeunes générations sont en attente de sens dans leur travail, et la RSE y participe. Depuis le covid, beaucoup de personnels ont quitté le métier et certains ne reviendront pas. Mais les employeurs ont pris conscience qu’il fallait être plus à l’écoute, plus créatifs, aménager les horaires pour éviter les coupures en milieu de journée, limiter le port de charges lourdes, développer la polyvalence entre le service et la réception, qui donne plus de richesse aux postes. Nous faisons des métiers fondés sur l’humain et l’échange, cela passe aussi par la qualité de vie au travail.

Parcours

1998. Master en business management, université Paris Dauphine.

2002-2007. Manager marketing & e-commerce Châteaux & Hôtels Collection, groupe Alain Ducasse.

2010-2013. Directrice marketing de Pierre & Vacances.

2013-2018. Directrice marketing stratégie puis nouvelles activités et expérience client de Michelin Food & Travel.

Depuis 2020. Directrice générale adjointe, Groupe Logis Hôtels.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.