Le groupe immobilier Foncia s’appellera désormais Emeria. Un nouveau nom qui porte notamment ses ambitions européennes.
Foncia la joue comme Facebook – ou plutôt Meta. Début janvier, l’entreprise de l’immobilier spécialisée dans la gestion de copropriétés, la gestion locative et la location de biens a annoncé se rebaptiser Emeria. Seul le nom du groupe change, pas celui des marques commerciales. Autrement dit, pas d’évolution à guetter sur les enseignes des 500 agences du réseau. « Née il y a 50 ans, la marque Foncia a progressivement diversifié ses activités et s’est étendue à l’international. Le groupe portait le nom de la marque historique. Cela devenait confusant », expose Frédéric Fougerat, directeur de la communication et de la RSE du groupe.
Le nouveau nom vise également à incarner une stratégie déployée par le groupe depuis environ quatre ans et l’arrivée à la présidence de Philippe Salle fin 2017. Celle-ci est orientée vers le digital et l’internationalisation ou du moins une extension de la présence européenne. L’entreprise, déjà présente en Allemagne, en Belgique, en Suisse et au Luxembourg en plus de la France, vient de mettre un pied aux Pays-Bas.
« Depuis quatre à cinq ans, Foncia a pas mal changé de dimension notamment sur le B to B, ajoute Vincent Desruelles, directeur d’études en charge de l’immobilier au sein de l’institut Xerfi. En activant le levier de la croissance externe de façon intensive (trois rachats en un an et demi), il s’est hissé à un niveau assez proche des deux leaders du property management [gestion déléguée d’un bien pour le compte d’un propriétaire], Nexity et BNP Paribas Real Estate. » Une évolution de l’activité sans doute pas étrangère non plus à ce changement.
Une com 100% B to B
Ce nouveau nom corporate et non commercial, les clients particuliers en entendront donc a priori peu parler, à l’inverse des institutionnels, des investisseurs et des journalistes, qu’il ciblait. La communication autour de cette nouveauté a été adaptée en conséquence. Sans volet B to C, elle a été déployée à 100% vers le B to B via les moyens traditionnels : communiqué de presse, mailing aux investisseurs, interviews télévisées, sur BFM Business et B Smart. Autres démarches entreprises : un toilettage des mentions légales sur les supports de communication, une transformation du nom du site web dédié aux investisseurs. Et si Foncia, de son côté, a opéré fin 2021 un retour en publicité télévisée après dix ans d’absence, Emeria n’est – logiquement – pas mentionné dans les spots.
Déesse grecque
Fruit de quatre mois de travail, la création de cette nouvelle identité a été réalisée avec l’agence Havas Paris, déjà partenaire du groupe sur les RP. « Le brief était de créer une marque ombrelle qui devait être internationale, différenciante par rapport aux marques commerciales », retrace Frédéric Fougerat. Si l’on veut en croire le storytelling du groupe, le vocable retenu a notamment été choisi pour sa prononciation facile et aisément mémorisable ainsi que pour ses similarités sonores avec les mots émergence et « merge » (performance), sans compter une parenté avec la déesse grecque de la lumière Héméra… Un autre rôle d'Havas Paris a été de vérifier que le mot n’avait pas de sens négatifs ou offusquants dans certaines langues. L’identité visuelle d’Emeria, notamment le nouveau logo qui, sur les documents dédiés à la communication, se déploie sur fond de ville nocturne, a été réalisé en interne. « La principale difficulté de ce type de démarche est de rester professionnel : de sortir du j’aime/je n’aime pas, d’aller vers les objectifs à servir et de le rappeler aux parties prenantes », estime le directeur de la communication.
Répondant à des enjeux propres, ce rebranding, qui intervient à un moment où l’immobilier se porte plutôt bien avec notamment une hausse de près de 16% des transactions sur les logements anciens en 2021 selon Xerfi – une conjoncture qui tirerait aussi le marché locatif –, n’est pas unique dans le secteur. Par exemple, à l’été 2021, la Bourse de l’Immobilier s’est rebaptisée Human Immobilier. En 2018, la Foncière des Régions devenait Covivio et en 2017, Nestenn voyait le jour suite à la fusion des groupes Solvimmo et Avis-immobilier. « Sans doute par volonté de dépoussiérer », analyse Vincent Desruelles. Et, avec des noms moins directement évocateurs de l’activité, de s’ouvrir de nouvelles perspectives.
Trois questions à…
Marcel Botton, directeur général délégué du groupe Nomen, spécialisé dans la création de noms de marques
Quel regard portez-vous sur le changement de nom du groupe Foncia en Emeria ?
On ne saura si le changement est réussi que dans quelque temps. En son temps, « Engie » a été critiqué, le nom est maintenant installé. En réalité, la réussite ne vient pas de la qualité du nom mais de celle de son lancement. Ce que nous disons à nos clients est que lorsqu’une marque décrit trop spécifiquement l’activité, elle en bloque le développement (« Foncia » renvoyant au foncier, par exemple). Emeria est un nom ouvert.
Lorsqu’on change un nom, quelle est la principale question à se poser et quelle est l’erreur à éviter ?
Il faut se poser la question de l’acceptabilité à l’international du nouveau nom. Par ailleurs, la difficulté la plus grande est la disponibilité juridique. Plus le périmètre visé est large, plus il est compliqué de trouver un nom libre...
Un exemple de naming réussi dans l’actualité récente ?
Meta n’est pas un vrai changement de nom [Facebook reste]. Il a été annoncé très vite sans la vérification des dispositions juridiques de rigueur. En réalité, les Américains font peu de cas de cela. Quoi qu’il en soit, le choix montre que la culture gréco-latine est dominante. Meta est une lettre grecque – comme Omicron d’ailleurs. Cela montre que la mondialisation arrive à une vitesse ahurissante. Aujourd’hui, une marque doit être très vite mondiale.