[Tribune] Les débats récents sur la sobriété, le bien-être des individus et des écosystèmes comme la nature même de notre prospérité nous obligent à piloter de façon équilibrée la performance économique de nos activités comme leur impact dans une vision globale.
Nos sociétés prélèvent de plus en plus de ressources à un rythme supérieur au taux de renouvellement pour celles qui se renouvellent ; et ce qui est transformé devient le plus souvent des déchets. De l'amont à l'aval, la pression exercée par nos activités humaines sur le système Terre dépasse depuis longtemps la capacité de celui-ci à encaisser, pour preuve le recul continu de la date à laquelle, chaque année, nous vivons à son crédit.
Désormais, intégrer la limitation des ressources naturelles et diminuer les flux d’énergie et de matière devient l’enjeu vital de notre temps. C’est ce qu’a représenté l’Institut de Wuppertal en Allemagne dans les années 1990 avec la définition du MIPS (Material Input Per Service unit), c’est-à-dire la quantité de ressources nécessaires à la fabrication d’un produit ou d’un service. Regarder ce qui entre dans la composition d’un objet ou d'un service et ce qui en résulte en mode d’usage, voilà un changement de paradigme pour appréhender notre impact, dans une logique - obligatoirement - systémique.
Si le MIPS est indispensable, il serait dangereux de ne pas aussi considérer le HIPS (Human Impact Per Service unit) ou le EIPS ( Ethical Impact Per Service unit). Loin d’être des variables d’ajustement, les enjeux d’éthique et de bien-être des individus interagissent au même titre que notre impact sur les ressources naturelles. A un échelon plus organisationnel, on peut ainsi considérer que toutes les entreprises et/ou les collectivités se caractérisent par une «empreinte» sur les matériaux, sur l’humain et sur l’éthique.
Référentiel commun
Mais à quel référentiel commun se fier ? Les rapports RSE des grandes entreprises (CAC 40 et SBF 250) sont aussi nombreux que divers avec une perception de l’impact hypercentrée sur les émissions de CO2 et/ou sur des critères souvent spécifiques difficiles à comparer. Et surtout pour quelle(s) matérialisation(s) tangible(s) en entreprise ?
Depuis longtemps, la bonne santé de nos organisations s’apprécie à l’aune de leurs résultats financiers selon des standards mondiaux ou nationaux, à travers des comptes d’exploitation et des bilans. Même pour une organisation non lucrative se pose la question de l’équilibre budgétaire à atteindre chaque année. Un budget (financier) est voté pour anticiper et préparer l’activité à venir.
S’agissant de l’empreinte de nos activités et de l’impact de nos actions, il n’existe ni unité, ni standard de mesure unique couvrant toutes les formes d’impact, même si des standards plus ou moins efficients sont en cours d’élaboration au niveau européen, ou si des entreprises comme Bloomberg tentent d’en imposer. L’impact de nos activités n’est évalué que partiellement, sous le prisme du symptôme, en mode réaction, essentiellement à travers les émissions de CO2. Traiter le symptôme peut soulager, mais cela ne peut soigner.
Paramètres d’impact pragmatiques
Pour y parvenir, il faut nécessairement que les organisations associent le pilotage de leurs activités et de leurs impacts pour de meilleures prises de décision en conscience. Pour avancer sereinement et dans une approche dépassionnée, pourquoi ne pas tendre vers des paramètres de mesure universels et tenir aussi une comptabilité annuelle de l’impact ?
C’est au sein même des organisations actuelles que l’impact peut se matérialiser, à travers les processus de fonctionnement en place qui régissent le quotidien de nos entreprises. Pas de théorie anxiogène et décorrélée du quotidien mais des paramètres d’impact pragmatiques en lien direct avec les process en place déclinés dans toutes les strates de l’entreprise, à chaque niveau hiérarchique.
C’est en mobilisant chacun de nous, au plus près de son quotidien, qu’une démarche consciente et assumée de l’impact peut prendre corps et nous réconcilier avec notre monde : vivre en harmonie.