Législation

Pour tenter de réguler l’activité des influenceurs, en pleine expansion, les députés examinent cette semaine une proposition de loi transpartisane qui vise à imposer un cadre aux promotions sur les réseaux sociaux.

Mettre un peu d’ordre dans les promotions sur les réseaux sociaux. Tel est l’objectif de la proposition de loi transpartisane étudiée cette semaine, à l’Assemblée Nationale. « C’est un texte qui va responsabiliser et protéger » les influenceurs, fait valoir Stéphane Vojetta (majorité présidentielle), quand son co-auteur, le socialiste Arthur Delaporte, abonde sur le besoin d’ordonner « une jungle » laissée à l’auto-régulation.

L’examen du texte doit débuter mardi 28 mars ou mercredi 29 mars. Largement adopté en commission, il prévoit une définition légale de l’activité des 150 000 influenceurs français : elle consiste à mobiliser « leur notoriété » pour faire la promotion « de biens, de services ou d’une cause quelconque » contre un bénéfice économique ou un avantage en nature. Le secteur est dans l’œil du cyclone. Devenus pour certains des stars avec des millions d’abonnés, les influenceurs diffusent des contenus sur les réseaux sociaux qui peuvent grandement orienter les comportements.

Ces derniers mois, la pression est montée pour réguler cette activité souvent décriée : partenariats rémunérés non explicites, concurrence déloyale, exil fiscal ou accusations d’arnaques. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié une étude accablante sur leurs pratiques. Le rappeur Booba a aussi servi de caisse de résonance en s’en prenant à la papesse des influenceurs Magali Berdah, celle-ci le qualifiant de « harceleur ».

Meta (Facebook, Instagram) a également supprimé une série de comptes aux millions d’abonnés, dont ceux du couple Blata, visé par une action collective pour une vaste arnaque présumée. Signe que l’initiative est scrutée, 150 influenceurs ont appelé dans le JDD les députés à « ne pas casser (leur) modèle » à cause de la « dérive d’une minorité ». Certains signataires de premier plan, comme Squeezie, plus gros Youtubeur français (17,9 millions d’abonnés), ont depuis retiré leur paraphe et le collectif à l’origine de la tribune a assuré « soutenir » la proposition de loi.

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Le texte interdirait la promotion d’actes de chirurgie esthétique et entérinerait le fait que les influenceurs sont soumis aux règles de la loi Evin sur la promotion des boissons alcoolisées. Faut-il interdire la promotion de médicaments ou de paris et jeux de hasard ? Des députés Renaissance ont retoqué la piste en commission mais les socialistes comptent revenir à la charge en séance publique.

Certains placements financiers à risque sont aussi dans le viseur. Lorsque des images de promotion, pour des cosmétiques par exemple, sont retouchées via un filtre pour les rendre plus attrayantes, il devra en être fait mention et les promotions de produits trop salés ou sucrés devront être accompagnées d’une information sanitaire.

En cas de manquement, les influenceurs encourront jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, voire une interdiction d’exercer. Le métier d'« agent d’influenceur » sera lui aussi défini et encadré, avec une obligation de contrat mentionnant la « soumission au droit français » même s’ils exercent de l’étranger en direction de l’Hexagone. Un influenceur exerçant de l’extérieur de l’UE, à Dubaï par exemple, devra également désigner un représentant légal dans un pays membre et souscrire une assurance pour couvrir d’éventuels dommages.

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La proposition de loi entend également responsabiliser davantage les plateformes. Elle compte imposer pour les écoliers et collégiens une sensibilisation à la manipulation commerciale sur les réseaux sociaux, et prévoit des garde-fous pour les mineurs influenceurs.

L’entente entre les deux députés aux manettes n’allait pas forcément de soi, Arthur Delaporte étant l’un des chefs de file de la gauche contre la réforme des retraites et Stéphane Vojetta ne se privant pas de critiquer durement la Nupes, notamment sur les réseaux sociaux. « Il fallait oser », reconnaît le député de la majorité tandis que le socialiste salue une « bulle de paix temporaire ».

Le gouvernement soutient l’initiative et va proposer en parallèle une charte des influenceurs. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire vante une « illustration vivante » du dépassement des clivages et une « méthode (qui) doit nous guider dans les mois à venir ». « Le Parlement tourne quand il est respecté », a insisté Arthur Delaporte.

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