[Tribune] Dans la santé encore plus qu’ailleurs, la crise doit être vue comme un moyen d’agir en faveur d’un nouveau modèle : celui qui place le citoyen au centre.
Au-delà des mesures sanitaires, la pandémie a provoqué une transformation accélérée de notre quotidien, agissant profondément sur nos modes de pensée. Le télétravail en est un bon exemple : aujourd’hui synonyme pour bon nombre d’actifs de bien-être et d’équilibre nécessaire entre vie à la maison et présence au bureau, cette idée aurait été presque inenvisageable trois ans plus tôt. Ce changement radical de perception aurait-il été le même s’il n’avait pas été provoqué à l’occasion d’une crise ? Indéniablement non.
La crise nous amène à agir et prendre des décisions
Pour mieux comprendre le processus de crise, il faut avant toute chose revenir sur les origines mêmes du terme. Issu du grec krisis, qui signifie la décision, la crise renvoie initialement au moment décisif dans l’évolution d’un processus incertain, qui permet le diagnostic d’une situation et l’action. Si le mot «crise» est associé dans l’imaginaire collectif aux moments de doute et d’incertitude, sa signification première prend pourtant tout son sens une fois appliquée à l’actualité.
À cet égard, la tourmente dans laquelle se trouvent les Ehpad est particulièrement parlante : la crise a joué son rôle de révélateurs. Elle a mis la lumière sur ce tabou du Grand-Âge et la nécessité d’agir, en investissant, en formant des personnels mais aussi en repensant les modèles d’accompagnement pour répondre aux attentes d’une génération de baby-boomers vieillissante.
Posons-nous alors la question : ne faudrait-il pas remettre les crises que nous traversons à leur place première : en faire des outils de décision, pour redessiner le paysage à la lumière des problèmes soulevés ? L’important réside finalement moins dans la crise elle-même que dans la trace laissée, pour la société comme pour le secteur. C’est d’ailleurs là que repose son effet salvateur ; la crise oblige psychologiquement à une prise de décision, bien plus rapide qu’en temps normal face à l’urgence de la situation.
Les transformations dans le monde de la santé en sont bien sûr la parfaite illustration. En 2010, la crise du Mediator a eu un fort impact sur l’industrie pharmaceutique. C’est la notion même de santé qui a été repensée ces 13 dernières années. Le médicament-produit ne se suffit désormais plus à lui-même : il est intégré dans une vision plus large pour laisser la place au bien-être des patients comme moteur de santé.
Le «citoyen-patient», nouveau paradigme au cœur des enjeux de santé
Force est de constater que cette crise a marqué un tournant pour le nouveau modèle qui s’impose aujourd’hui : celui du «care» et de son corolaire le «citoyen-patient».
Parce que la santé est au cœur de tout, le patient incarne une place centrale. À l’approche de «patient citoyen» qui permettait de positionner le patient comme citoyen à part entière et de le reconnaitre en tant qu’acteur de sa propre santé, doit aujourd’hui répondre en miroir celle de «citoyen-patient», dans laquelle les besoins du citoyen nécessitent d’être recentrés en tout lieu autour de son bien-être individuel, qu’il soit physique ou psychologique.
Nos nouvelles consommations de médias restent en ce sens un exemple fondamental sur la question. Le podcast, média émergent depuis plusieurs années, est singulièrement représentatif de cette idée : il puise sa force dans l’identification de l’auditeur au contenu, ce dernier devenant à la fois consommateur et sujet. Le format intime, grâce une parole directe et épurée, dépasse l’idée d’une information descendante auprès de tous. Il y préfère le chuchotement à l’oreille de chacun, pour que celui qui écoute se sente entendu et compris, à travers un contenu choisi par lui-même.
Derrière ce concept du «citoyen-patient» semble dès lors s’ouvrir une nouvelle ère de communication, portée par un objectif prégnant : celui d’opérer la bascule du médical vers le sociétal.