Supplément RSE

Les enseignes de fast-food, au-dessus de 20 couverts assis, doivent bannir depuis le 1er janvier 2023 la vaisselle jetable de leurs restaurants au profit d’une solution lavable et réutilisable. Le point sur la situation avec Muriel Reyss, directrice de la communication, des affaires publiques et de la RSE de Burger King France.

Fin janvier, l’association Zero Waste, qui promeut le non-gaspillage, a épinglé votre enseigne, et d’autres, pour non-respect de la loi de 2020 dans 59 % des restaurants inspectés. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

À date, entre 80 % et 90 % de nos restaurants ont déployé le réemployable. Cette opération a commencé en décembre 2022, avec une grosse accélération en début d’année. Restaient quelques restaurants en mars. Cela représente un travail de titan, qui a mobilisé une dizaine de collaborateurs (achat, qualité, équipement…) et correspond à une vraie révolution de notre modèle, de notre mode de fonctionnement. Sitôt l’adoption de la loi en février 2020, notre enseigne s’y est attelée extrêmement vite, car de nombreux items étaient à voir : identifier les bons matériaux, les bons lave-vaisselle et appareils de séchage compatibles avec les règles de sécurité sanitaire, l’espace nécessaire pour les installer… Tous les restaurants ne sont pas identiques, cela signifie 470 plans à travailler pour savoir quelles cloisons déplacer, où implanter la plonge… Avec la fermeture des restaurants pendant dix-huit mois à cause de la pandémie, on n’a pu tester la nouvelle organisation qu’à partir de juillet 2021, dans cinq établissements. Expérimenter dans des conditions réelles est nécessaire pour comprendre les choses. Gobelets, lave-vaisselle, avec ou sans séchoir… Toutes les deux semaines, on a défait et refait.

Quel est le coût de cette opération ?

Travaux, équipements, achat de la vaisselle, meubles de récupération de la vaisselle, déplacement des cloisons… La facture est de 30 000 euros par restaurant en moyenne, et ça peut aller au-delà. Avec 470 établissements – le 500e devrait ouvrir en 2023 –, dont 60 à 70 en propre, la facture oscille entre 2 millions et 2,5 millions d’euros. Mais nos équipes ont joué le jeu dans un contexte compliqué, avec la sortie du covid, l’augmentation du coût des matières premières, le manque de main-d’œuvre… Tout cela n’a pas été simple. Nous avons alerté le ministère de la Transition écologique sur les difficultés d’agenda. De nouveaux équipements vont être massivement déployés (les lave-vaisselle notamment) et vont tourner lors des rushs entre 12 heures et 14 heures, puis 18 heures et 19 heures, durant ces pics de consommation propres à la culture française, alors que les pays européens ont une fréquentation plus étalée. Ce chantier est à mener au moment même où on cherche à limiter la consommation énergétique. On fait face à deux injonctions opposées, auxquelles il n’est pas facile de répondre.

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Avez-vous demandé, à l’instar de ce qui s’est passé dans la grande distribution pour le ticket de caisse, un report de calendrier ?

Nous ne l’avons pas demandé. Nous avons alerté. Notre calendrier de déploiement a été transmis au ministère de la Transition écologique début janvier. Nous sommes vraiment au rendez-vous.

Pourriez-vous aller plus loin que cette démarche de vaisselle réutilisable qui s’inscrit dans les obligations définies par la loi ?

Nous avons conscience de la volonté de changement global exprimée par nos clients et nos équipes. Avec 1,9 million de tonnes de déchets par an et par restaurant en moins, cela a beaucoup de sens pour nos collaborateurs. Et nos clients sont satisfaits : 80 % d’entre eux déclarent même préférer leur expérience de consommation avec de la vaisselle réutilisable. Notre démarche de progression est constante. À notre actif déjà, la baisse du taux de plastique au départ, puis la collecte dite « en grappe » des déchets, c’est-à-dire avec des restaurants d’autres enseignes, par exemple. Des projets sont actuellement travaillés pour aller plus loin, avec peut-être des annonces courant 2023.

De quels pays provient cette nouvelle vaisselle qui remplace les kits jetables ?

De France, de Belgique, une partie de Pologne… Les achats s’inscrivent dans une démarche globale, et sont donc réalisés majoritairement en France, tout comme nos matières premières agroalimentaires (pommes de terre, poulet, steak, blé…). C’est notre premier réflexe.

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Cette nouvelle organisation se traduit-elle par la création d’emplois ?

Il est un peu tôt pour tirer des conclusions sur le sujet. Les premiers retours de nos franchisés viennent seulement de nous parvenir pour savoir quel est le temps en plus consacré à ce travail, quelles sont les répercussions sur les autres postes… Mais des enquêtes de satisfaction ont été menées sur plusieurs centaines de clients tout au long des phases pilotes qui ont duré plus d’un an, et deux salves de sondages seront réalisées pendant l’année. Même si on aura des choses à revoir, c’est un vrai plébiscite qui remonte. Certains pays où est implanté Burger King souhaitent d’ailleurs s’en inspirer.

Comment avez-vous communiqué auprès de votre clientèle ?

Le 8 février dernier, nous avons lancé une campagne social media, puis le 20 février une campagne d’affichage afin de présenter notre nouvelle vaisselle réemployable. Celle-ci ne change absolument rien à nos fondamentaux – rapidité, accessibilité, gourmandise et humour – et elle apporte même une touche de plaisir en plus. C’est ce que nous avons cherché à mettre en scène dans cette nouvelle campagne [conçue par l’agence de l’enseigne, Buzzman]. Notre nouvelle vaisselle, au-delà d’être une bonne nouvelle pour la réduction des déchets, est une bonne nouvelle pour nos clients : elle rend nos produits encore meilleurs qu’ils ne le sont déjà.

Vous évoquiez le changement de modèle de votre activité. Avec des aménagements qui se révèlent coûteux, peut-on redouter une augmentation du prix du burger ?

Notre objectif est de rester accessibles. Le passage au réemployable ne va pas générer de variation du prix de l’offre. Si revalorisations il y a, elles seront alors imputables à la hausse du coût des matières premières, mais pas au réemployable.

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