TikTok et Instagram, nouveaux vecteurs de promotion d'une mode plus responsable ? Sur ces réseaux, temples de la consommation effrénée, des influenceurs à contre-courant tentent de promouvoir des choix vestimentaires plus respectueux de la planète.
L'influenceuse sud-africaine Masego Morgan, aux 10.200 abonnés sur Instagram, est tombée de sa chaise quand un géant de la « fast fashion » lui a proposé 1.000 dollars pour un seul post de promotion. Non elle ne s'était jamais vu offrir une telle somme pour promouvoir une marque, mais cette dernière représente tout ce qu'elle combat : la surconsommation de vêtements bon marché, nuisibles à la planète et produits par des ouvriers sous-payés.
Comme d'autres influenceurs internationaux décidés à lutter contre l'armada de publications sponsorisées par les grandes marques sur Instagram, TikTok et YouTube, son credo est simple: acheter, ok! Mais moins. Et mieux si d'occasion ou ultra-durable.
Une philosophie héritée de son enfance, lorsqu'elle empruntait les vêtements de seconde main de son élégante maman, qui voyait le recyclage comme un « acte révolutionnaire ».
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« Pour moi, il n'y a jamais eu de stigmate lié au fait de porter des vêtements d'occasion », explique-t-elle à l'AFP depuis son domicile du Cap.
Cette partisane de la « consommation responsable » se démarque des posts de mode habituels en publiant des messages ludiques et non-culpabilisants, regorgeant d'articles colorés, recyclés et faits à la main, qu'elle porte plusieurs fois. « Si nous faisons la même chose que les influenceurs mode » qui chaque jour défilent en vidéo avec de nouveaux vêtements, « nous finirons par avoir la même toxicité », estime-t-elle.
Consommation doublée
Mais ce choix a un revers: impossible de gagner sa vie avec des contenus axés sur la durabilité. Alors qu'un influenceur classique dans un pays développé peut gagner un salaire annuel à six chiffres grâce aux sponsors et aux liens d'affiliation, Masego Morgan doit, elle, travailler en parallèle dans la conception graphique.
Ces dernières années, les réseaux sociaux ont pris une importance considérable pour les marques, dont le marketing reposait auparavant sur les publicités papier ou télévisées. Elles peuvent désormais toucher des millions de personnes par l'intermédiaire d'influenceurs qui promeuvent leurs vêtements dans des stories ou des posts #outfitoftheday (tenue du jour).
Ces campagnes stimulent les ventes: en 20 ans, la consommation mondiale de vêtements, de chaussures et d'accessoires a doublé. Mais cela a un prix élevé pour la planète. L'industrie de la mode représente entre 2 et 8% des émissions de gaz à effet de serre. Autant de messages qui ont contribué à l'émergence de « nouveaux influenceurs mode » plus soucieux d'environnement.
Parmi eux, Venetia La Manna, Britannique de 33 ans aux 197.000 abonnés sur Instagram, dont la série de vidéos « Recipe for Disaster » sur les dommages sociaux et environnementaux d'entreprises comme Adidas, Amazon et Nike a rencontré un énorme succès avec environ 6,5 millions de vues.
« Agents du changement »
Contrairement à Masego Morgan, elle gagne sa vie grâce à son travail en ligne, soutenue par une audience plus large et des collaborations avec de puissants sites de seconde main comme Vestiaire Collective ou eBay. « Au cours des cinq dernières années, j'ai vraiment l'impression que le problème a émergé », la fast fashion rejoignant « le plastique et la nourriture au coeur du débat », note Mme La Manna.
Ces influenceurs sont « des agents du changement », estime Simone Cipriani, fondatrice et directrice de l'Ethical Fashion Initiative et présidente de l'Alliance des Nations unies pour la mode durable.« Ils contrent l'influence négative que vous trouvez habituellement sur les réseaux sociaux, où l'on prône simplement la surconsommation », ajoute-t-elle.
D'autant que, parallèlement, le marché de la seconde main ne cesse de grandir: ses ventes devraient atteindre 218 milliards de dollars d'ici 2026, contre 96 milliards en 2021. Un acteur comme Vinted a ainsi vu le nombre de ses utilisateurs quasiment doubler en trois ans, passant de 23 à 45 millions entre 2019 et 2022.