La marque à l’abeille, avec MNSTR et Bonjour Interactive Lab, a imaginé une collection d’œuvres d’art virtuelles permettant de soutenir un projet de réensauvagement mené par Yann Arthus-Bertrand. Un Grand Prix Stratégies du luxe de haute volée.
« C’est une façon de réparer un peu nos erreurs. » Voilà comment le photographe-réalisateur Yann Arthus-Bertrand, fervent défenseur de l’environnement, défend son dernier projet : le réensauvagement de la vallée de la Millière, une zone humide de 28 hectares située dans les Yvelines. Le militant écologiste a acheté le terrain où il venait se promener enfant et en a confié la gestion à une association. Le but est de sensibiliser le public à la biodiversité et de mener des projets de recherche scientifique. Concours de circonstances, ce terrain avait appartenu à la famille Guerlain, la marque de luxe du groupe LVMH. La marque à l’abeille est logiquement devenue mécène de l’association de la Millière. Guerlain s’est engagé il y a plusieurs années dans la protection de la biodiversité au travers d’actions menées en faveur de l’apiculture. Yann Arthus-Bertrand est par ailleurs membre du conseil d’administration de LVMH.
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« Nous avions entendu parler de ce projet de rewilding qu’on trouvait génial et on s’est demandé comment réussir à l’accélérer. Cela aurait été dommage de faire juste un film ou un post Instagram. On trouvait intéressant de créer un dispositif qui permette de faire connaître le concept et d’engager la communauté de Guerlain autour de ça », racontent Simon Méchali, directeur associé de MNSTR, et Louis Bonichon, directeur de la création. Le parfumeur est, de plus, proche du monde de l’art contemporain. De là est venue l’idée de marier ces deux engagements, écologique et artistique, au travers d’une opération inédite pour la marque. Début 2022, au moment où celle-ci se conçoit, de nombreuses marques se tournent vers ce nouveau terrain de jeu virtuel qu’est le métavers. Décision est prise d’investir cet univers mais en l’utilisant, cette fois, au profit du monde réel. « Le métavers, c’est un peu acheter un terrain virtuel et construire plein de choses dessus sur lesquelles on spécule. Là, c’est l’inverse qu’on propose, sponsoriser un terrain pour que rien ne soit jamais construit dessus », explique Simon Méchali.
La mécanique du métavers est ainsi renversée et l’opération baptisée « reaverse ». La seule entité qui s’enrichit avec cette opération est censée être la biodiversité, au travers d’un dispositif proche du crowdfunding, et qui a déjà reçu en septembre dernier le Grand Prix Stratégies du brand content 2022. Le principe a consisté à découper le terrain de 28 hectares de la vallée de la Millière en 1 828 parcelles, comme l’année de naissance de Guerlain. À chacune correspond un titre de propriété sous la forme d’un NFT, ces jetons non-fongibles stockés dans la blockchain. Grâce à l’utilisation du design génératif réalisé par le studio de création Bonjour Interactive Lab, 1 828 œuvres d’art virtuelles ont été créées à partir d’une base commune, un socle minéral en forme d’abeille sur lequel la végétation s’épanouit. En multipliant les matériaux, les finitions et le choix des végétaux, cela a donné naissance à 1 828 « cryptobees » différentes, chacune étant accompagnée des coordonnées géographiques précises permettant de voir quelle parcelle l’acheteur sponsorise via l’achat du NFT.
Ces abeilles ont été mises en vente au printemps dernier sur Objkt, l’une des marketplaces d’art de la blockchain Tezos, préférée à d’autres pour ses performances environnementales. 1 300 étaient proposées à un prix fixe de 20 XTZ (la cryptomonnaie de Tezos, environ 60 dollars à l’époque, contre 20 actuellement avec la baisse des cours). 500, plus rares, ont été mises en vente au tarif de 40 XTZ, 20 aux enchères et 8 proposées à prix libre à des personnalités ou des amis de la marque voulant faire œuvre de mécène. Un média s’est ainsi offert l’une des abeilles pour 2 000 XTZ.
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Résultat de l’opération : 100 000 euros, en deux jours, ont été engrangés et intégralement reversés au profit du projet de la Millière, les revenus pouvant encore augmenter car une redevance est perçue lors de chaque revente d’une œuvre sur le marché secondaire. 70% des abeilles ont trouvé preneur. Les retombées média s’élèvent à 300 parutions presse dans le monde entier, pour une campagne de lancement exclusivement organique sous la forme d’un compte Twitter dédié, « Guerlain Reaverse ». La marque a touché de nouvelles communautés, collectionneurs ou artistes engagés. Une cinquantaine d’heureux propriétaires d’une « cryptobee » ont pu découvrir en octobre, lors d’une visite privée, le domaine de la Millière en compagnie de Yann Arthus-Bertrand et de son fils Tom. Et dans cette réserve de biodiversité, les pièges photo montrent que les renards reviennent…