Servie par une vaste campagne internationale et un film aux accents hitchcockiens signé Buzzman, la licorne française Back Market enclenche une offensive d’ampleur pour renforcer ses positions.
Imaginez un soulèvement de chats, façon Les oiseaux de Hitchcock. En ligne de mire : les humains mais aussi et surtout leurs smartphones et appareils électroniques en tous genres, contre lesquels les dociles félins - devenus d’incontrôlables fauves - s’acharnent tout particulièrement. A mesure que le chaos s’empare de la ville, les fauteurs de trouble convergent finalement tous vers la clé de cette énigmatique révolution. En l’occurrence, un centre de reconditionnement, dont l’existence semble courroucer au plus haut point la horde de félidés, toutes griffes dehors. « Désolé les chats. Vous n’êtes plus les seuls. La tech aussi peut avoir plusieurs vies. Passez au reconditionné sur Back Market », conclut une voix off à propos d’une abolition des privilèges à laquelle les chats vont semble-t-il devoir se faire.
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Car avec ce scénario spectaculaire, tiré du dernier film publicitaire déployé par le spécialiste français du reconditionné et signé de sa nouvelle agence Buzzman, la marque entend surtout enclencher une vaste offensive. Objectif : renforcer ses positions sur le marché international, dans le sillage d’une levée de fonds de 450 millions d’euros en début d’année. De quoi en faire alors la startup la plus valorisée de la French Tech. Une feuille de route expansionniste pour laquelle Back Market a choisi de s’attacher les services de l’agence Buzzman, au détriment de Marcel, prédécesseur dont les campagnes ne sont pourtant pas passées inaperçues. « Il est toujours compliqué pour une marque de savoir si un changement d’agence est opportun et la question s’est posée. Mais l’idée première qui sous-tend cet appel d’offres, c’est avant tout de renouveler certains messages et d’adopter une communication moins franco-française en mesure d’adresser des pays clés comme l’Espagne ou l’Allemagne », justifie Vianney Vaute, cofondateur et directeur de la création de la marketplace spécialisée dans la revente de produits électroniques reconditionnés, pointant un « changement d’échelle ». Or, qui dit activité grandissante dit souvent stratégie de marque à revoir. Un adage auquel Back Market ne fait pas exception. « L’autre but de cet appel d’offres consistait à s’ouvrir au niveau créatif. C’est la raison pour laquelle le choix a été fait de sélectionner à la fois des agences françaises et étrangères situées par exemple à Londres ou Amsterdam », poursuit-il quant à une compétition durant laquelle Buzzman n’a pas toujours tenu la corde en dépit d’« un ton et d’une irrévérence correspondant à l’ADN » de la marque. « L’agence a su changer son fusil d’épaule entre le premier et le second tour, ce qui a été un facteur déterminant pour l’emporter », reconnait Julien Levilain, directeur général de Buzzman.
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« Dans la mesure où Back Market ne dispose pas de la même notoriété dans ces pays aux champs concurrentiels par ailleurs différents, la priorité consistait à aller chercher l’universel plutôt que de partir d’une réalité de marché trop singulière. En parallèle, la volonté était de valoriser et rendre attractif le reconditionné. A cet égard, la dimension d’entertainment présente dans le film véhicule l’idée que le reconditionné est désirable », détaille-t-il quant à une opération lancée dans cinq pays (France, Royaume-Uni, Italie, Espagne et Allemagne) et sur l’ensemble des canaux (télévision, cinéma, affichage, digital et social media). De quoi influer sur la « perception de la valeur de cette industrie », complète le publicitaire en référence à une économie circulaire qui a le vent en poupe. Cette stratégie de communication revue s’accompagne d’une nouvelle signature à la symbolique murement réfléchie. Exit « New is old », utilisé par la marque depuis 2019, et place à « Hello again ». « On peut parler de deuxième phase du projet. Back Market a débuté avec une posture pirate mais les choses ont évolué depuis. On se bat certes toujours contre l’hégémonie du neuf mais surtout en faveur d’un autre projet. L’objectif est désormais d’expliquer le pourquoi. Il faut construire une nouvelle église en lieu et place de celle qui préexistait », image Vianney Vaute. « Cette signature dit bien l’optimisme porté par la marque et la nouvelle manière d’envisager les choses que celle-ci incarne », abonde Julien Levilain. Un optimisme justifié - la trajectoire florissante de Back Market en témoigne - néanmoins tempéré par plusieurs actualités récentes qui ne font pas forcément les affaires de l’entreprise. Premier nuage apparu à l’horizon : la redevance pour copie privée, précédemment appliquée aux seuls appareils neufs, a été étendue aux appareils reconditionnés il y a de cela quelques mois. Une mesure que dénonce Vianney Vaute. « Même si cela ne change en rien la stratégie de la marque, la redevance va affaiblir les équilibres économiques de nos reconditionneurs. Que la taxation soit la même entre le neuf et le reconditionné va à l’encontre de la logique, qui plus est dans le cadre d’une loi baptisée environnement et numérique », argumente le cofondateur de Back Market.
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Autre épine dans le pied dont se serait bien passée la société, les récentes attaques d’UFC-Que Choisir à l’encontre de certaines de ses pratiques commerciales. Un cas cristallise ainsi à lui seul les relations conflictuelles entre l’association de consommateurs et la licorne : celui des prix barrés, censés imager la différence de prix entre le même appareil, qu’il soit neuf ou reconditionné. Une pratique qui ne passe pas côté UFC, qui dénonce également des frais de service dits cachés. « Des échanges avaient lieu depuis des mois, chacune des parties essayant de faire entendre ses arguments. Mais c’est devenu un dialogue de sourds et ce sera à la justice de trancher », commente Vianney Vaute quant à la volonté de Back Market de camper sur ses positions. De là à parler de passage obligé ? « Ces deux dossiers ont été nos premiers combats sur le terrain des affaires publiques », confirme le directeur de la création, y voyant un « rôle à jouer » pour Back Market. Des anicroches qui ne devraient pas empêcher la marque de griffer sur le marché international dans les mois à venir.
700
Nombre de collaborateurs.
25 millions d’euros
Investissements publicitaires bruts en France en 2021 selon Kantar Media, principalement en télévision.
450 millions d’euros
Montant de la levée de fonds réalisée par Back Market début 2022, six mois à peine après avoir bouclé un tour de financement la faisant entrer dans le cercle des licornes françaises.