Distribution
L’enseigne de produits frais et d’épicerie Grand Frais a réussi à se tailler une place à part sur son marché. Un certain succès commercial appuyé sur une image positive.

Des légumes maintenus au frais par un petit brumisateur. Des fruits bien juteux et d’autres qui doivent encore mûrir. Du poisson vendu sous vide – pas sexy, et pourtant, ça conserve. Voilà ce qu’un consommateur peut trouver en rayon chez Grand Frais. Des étalages à première vue plutôt attractifs, grâce notamment à la variété des produits proposés. Selon une étude EY-Parthenon rendue publique en mai 2021, la marque est entrée dans le top 10 des enseignes préférées des Français, à la neuvième place, derrière Sephora et devant Picard, l’autre nouveau venu du palmarès. Une évolution « confirmant l’intérêt croissant des Français pour les enseignes d’alimentation spécialisée », analyse la société de conseil. Au-delà de ces classements, Grand Frais, qui compte aujourd’hui 264 points de vente, bénéficie surtout « d’un bouche-à-oreille positif », souligne Yves Marin, associé au sein du cabinet de conseil en transformation Bartle. Alors, pourquoi l’enseigne plaît-elle à ce point ?

Entrer chez Grand Frais, c’est comme entrer dans un marché couvert dont on aurait réinventé le concept en le modernisant et en en adaptant les codes. « Ils jouent la carte du traditionnel et ont mis le meilleur sous le même toit », expose François Hannebicque, associé de Lonsdale, agence de branding et design, et directeur de la création de Lonsdale AKDV, pôle dédié à l’architecture et au retail.

Multiplication des références

« Ils ont un parti pris de qualité à rebours de la distribution alimentaire : Grand Frais a marketé le marché de rue et en a fait un commerce commercial », développe Yves Marin. Grand Frais bénéficie, en parallèle, d’une image de spécialiste : « c’est le Darty de la crèmerie », lance Sébastien Tourné, président-directeur général de Cross, agence spécialisée dans le merchandising. Ici, les produits sont frais – une promesse d’ailleurs contenue dans le nom de l’enseigne –, sélectionnés chez un réseau de producteurs choisis, 800 en France pour les fruits et légumes par exemple, ces atouts allant de pair avec un côté très soigné du point de vente. « Le concept de magasin s’établit entre tradition et modernité. Il y a du béton brossé par terre, des couleurs acidulées, du métal, les produits sont exposés à plat », détaille Yves Marin. François Hannebicque a observé « des magasins très propres, une décoration pas ostentatoire et prometteuse, un éclairage sur les produits et non le décor, dans des teintes chaudes pour la viande, des teintes froides pour le poisson ».

Mais surtout, les rayons sont bien achalandés. « Leur stratégie repose sur une offre large et profonde, la meilleure gustativement parlant, et ils s’appuient sur une mise en scène organisée, structurée, massifiée », appuie Sébastien Tourné. Autrement dit, pour un même produit, les références foisonnent. Et pas de vides dans les rayons, qui sont systématiquement remplis, quitte à ce que, au bout du compte, des pertes soient à déplorer. « Ils préfèrent la masse quitte à avoir de la casse. Ils enregistrent globalement plus de casse, 12 à 15% contre 7% en moyenne pour les fruits et légumes. Cela fait partie de la stratégie », estime le PDG. Une pratique contre-intuitive mais qui aurait fait la preuve de son efficacité.

Pour aller plus loin et donner envie d’acheter les produits, l’enseigne met à disposition des recettes de cuisine et des astuces de préparation. Le personnel qui est là pour améliorer en continu les rayons est aussi formé pour répondre aux questions des consommateurs, les conseiller et les guider dans leurs achats. Une stratégie qui s’écarte de ce qui se fait dans les enseignes alimentaires discount par exemple. « Ce qui est moderne dans l’approche, c’est que l’ensemble des investissements a été mis dans le produit, il n’y a pas d’investissement média, et cela se voit. La valeur est injectée dans le produit, pas dans le marketing », précise Yves Marin. Selon Kantar, l’enseigne aurait tout de même réalisé 37 millions d’investissements publicitaires bruts sur l’année en cours au 31 août dernier, dont 35 en radio. Des investissements en baisse de 4% entre 2019 et 2020. Le produit demeure au cœur de la stratégie.

 

Retard digital

 

Au-delà – ce qui n’est pas forcément visible pour un consommateur non averti bien que cela se traduise dans les points de vente, mais c’est ce qui fait la solidité notamment financière de l’enseigne, qui serait largement rentable – Grand Frais se distingue sur le marché du retail par un modèle spécifique. Celui d’un GIE, unissant sous un même toit des enseignes spécialistes, Novoviande et Despi pour la viande, Prosol pour les fruits et les légumes, la poissonnerie et la crèmerie et Euro Ethnic Foods pour l’épicerie. À l’entrée des magasins se retrouvent des boulangeries Marie Blachère, son partenaire sur ce métier. « Un modèle à part dans le paysage français voire européen », analyse Yves Marin. Et induisant un pilotage spécifique. Par ailleurs, les magasins sont principalement implantés en banlieue, un moyen notamment de réduire les loyers tout en comptant sur le potentiel de création de trafic de l’enseigne. D’un point de vue business, celle-ci est aussi derrière le magasin de produits frais Fresh.

Si Grand Frais brille par toutes ces performances, il n’est pas sûr pour autant que ce soit un sans-faute avec une présence plutôt réduite sur le digital et un site qui ne permet pas de faire de l'e-commerce. Question de choix stratégique. En physique, alors qu'elle prévoit le 1er décembre d’ouvrir un nouveau magasin à Bron près de Lyon, l'enseigne reste cantonnée en dehors des grandes villes, ce que l’on pourrait considérer comme de nature à la priver d’un certain potentiel de clientèle, sans compter que sa notoriété n’est pas la même partout. Selon un sondage OpinionWay pour l’acteur du drive-to-store Bonial réalisé en juillet 2021, seulement 17 % des Français ont fait leurs courses au sein de l’enseigne au cours des douze derniers mois, loin derrière Leclerc, Lidl, Intermarché et les autres. « L’existence de directions régionales fortes fait qu’il y a un certain manque d’uniformité d’un magasin à l’autre, pointe Sébastien Tourné. Rien de grave mais cela peut être perturbant et compliquer la mesure de la performance. »

Chiffres clés

264 Nombre de magasins Grand Frais.

5 Nombre d’univers de produits (fruits et légumes, épiceries d’ici et d’ailleurs, fromagerie, boucherie, poissonnerie).

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