Nature & Découvertes, Volvic, Michel & Augustin, Veja… 135 marques françaises affichent aujourd’hui le logo B Corp, quelques années à peine après son lancement dans l’Hexagone. Elisabeth Laville dirige l’agence Utopies, première entreprise à obtenir le label en 2014. Elle s’est occupée de son développement jusqu’en 2019, date à laquelle B Corp a atteint le nombre de 100 entreprises certifiées. Utopies a alors laissé place à une association, B Lab, pour gérer le label. Son succès tient, selon elle, à ses « caractéristiques uniques ».
La première, c’est sa vision holistique. « Il intègre à la fois la RSE 1.0, la réduction des impacts négatifs, et la RSE 2.0, la façon dont on transforme son modèle économique », note Elisabeth Laville. Second point : l’évaluation est gratuite, en ligne, et accessible à tous. Si 15 000 entreprises sont certifiées B Corp dans le monde, 150 000 se sont attaquées au questionnaire d’auto-évaluation préalable à l’audit et à la certification. « Beaucoup d’entrepreneurs me disent que la RSE est ancrée dans leur ADN. Je leur dis de faire l’évaluation, cela leur permettra de voir d’où ils partent », indique la dirigeante.
Source de fierté
Sur les 200 questions auxquelles le prétendant doit répondre, il faut un minimum de 80 points pour prétendre à la certification. La moyenne, pour les entreprises s’étant auto-évaluées, est de 52. Elisabeth Laville relève aussi la plus grande « désirabilité » de B Corp. « Les Américains ont réussi à bien le packager, c’est une source de fierté pour l’entreprise qui l’obtient, avec des éléments cool et positifs, pas une usine à gaz qui n’intéresse que le responsable RSE », pointe-t-elle.
Parmi les dernières sociétés labellisées B Corp, Team Creatif, agence de design de 280 personnes. « On avait besoin et envie de se mesurer. On a regardé le panorama des labels et B Corp est apparue comme une évidence. Nous ne voulions pas un label qui nous promette le grand soir, mais quelque chose qui associe un mieux-disant pour la planète à une réalité placée dans une optique de business », témoigne Benoit de Lavarene, directeur général de Team Créatif, qui salue aussi le côté « pragmatique et efficace » de l’approche. « J’ai le sentiment que ce label a pris le pas ces derniers mois sur les autres et qu’il y a beaucoup de gens dans le sas, en attente. J’ai trouvé la certification extrêmement sérieuse et en rapport avec nos préoccupations. La RSE ne peut pas être déconnectée du business », insiste-t-il.
Virgile Brodziak, directeur général de Wunderman Thompson, n’a pas encore franchi le pas du label pour son agence. Il estime qu’il va « s’imposer comme une référence » parce qu’il « rassure » grâce à la vision business qui lui est associée. « C’est un label qui couvre tout ce qu’on attend d’une entreprise à impact positif. Il est international et de grandes marques en font partie », souligne-t-il. Ben & Jerry’s chez Unilever, Innocent chez Coca-Cola ou encore Patagonia sont des locomotives. B Corp doit aussi une fière chandelle à Emmanuel Faber, l’ex-PDG de Danone. Toutes les marques du groupe, si elles ne le sont pas déjà comme Blédina, Alpro, Les Deux Vaches, Evian et Volvic, sont en cours de certification. « Quand on regarde la panoplie des labels, le plus puissant pour transformer les entreprises à la fois dans une performance économique et non-économique, c’est B Corp. C’est un outil de certification qui engage dans une démarche de progrès, car il faut prouver tous les trois ans qu’on a progressé », souligne Laurence Peyraut, secrétaire générale du groupe agroalimentaire.
Process long et coûteux
Les candidats à la labellisation doivent toutefois avoir conscience, comme le note Jean Moreau, le cofondateur de l’appli anti-gaspi Phenix, que le process peut se révéler « long, lourd et assez coûteux ». Son entreprise est labellisée depuis trois ans et lui-même fait partie, comme représentant des PME, du conseil d’administration de B Corp en France. Revers du sérieux de la démarche, le processus de certification peut prendre plusieurs mois et nécessite de mobiliser au moins un poste à plein temps, quand il ne faut pas se faire aider par des consultants extérieurs. Autant de coûts dont il faut tenir compte, en sachant que l’audit est facturé 250 euros puis, une fois le sésame obtenu, qu’il faut s’acquitter de frais de certification annuels allant de 1 000 à 50 000 euros selon le chiffre d’affaires.
Société à mission
Romain Roy, fondateur et CEO de Greenweez, place de marché de produits responsables, fait part de sa déconvenue rencontrée lors de la démarche de certification. « Nous avons fait tout le travail préalable pendant un an mais au moment où l’on a vu qu’on pouvait être labellisé, on nous a dit finalement qu’on devait d’abord labelliser nos filiales à l’étranger », déplore-t-il. Le processus de certification a donc été mis en pause. Greenweez se concentre désormais sur la communauté des entreprises à mission qu’elle vient de rejoindre. Plus que des labels concurrents - les Lucie 26 000, Engagé RSE ou encore la plateforme Impact lancée par le gouvernement -, ce dispositif issu de la loi Pacte est peut-être le concurrent le plus sérieux de B Corp.
« Pour devenir une société à mission, il faut inscrire dans ses statuts sa raison d’être et y associer un certain nombre d’objectifs permettant d’aller sur le chemin de cette raison d’être », explique Romain Roy. Un comité de mission, comprenant des représentants de l’entreprise et des parties prenantes, se réunit régulièrement pour veiller au respect des objectifs. Si les efforts ne sont pas effectués, l’entreprise peut se voir retirer son statut de société à mission. « Il y a actuellement 230 entreprises à mission et l’objectif est d’être plusieurs milliers l’an prochain dans une communauté qui permet d’échanger entre pairs ou d’avoir accès à de l’information. Sans faire de patriotisme facile, c’est quand même une invention française, et nous sommes en train de faire des efforts pour l’exporter en Europe », plaide le patron de Greenweez.