Consommation
Avec le concours de BVA, l’agence Babel a interrogé les Français sur leur rapport aux marques au sortir de la crise. Face à une cible plus regardante, celles-ci vont devoir cravacher sur le plan de l’exemplarité.

À chaque étude sa part de vérité. Mais en matière de consommation, certaines tendances structurelles se dégagent depuis déjà quelques années. À commencer par un rapport de plus en plus frontal entre les consommateurs et les marques. Un phénomène accentué par la crise sanitaire ? Pour en être certaine, l’agence Babel a interrogé début mai avec BVA un panel d’un millier de Français. Le but : scruter le rapport entre les deux parties mais aussi et surtout son évolution au cours des 15 derniers mois. Et le moins que l’on puisse dire est que les marques peinent encore massivement à prendre la mesure du changement. « Cette crise n’est pas une parenthèse, en témoignent les enseignements majeurs que sont la remise en question par les consommateurs de la surconsommation et la mutation de leur rapport aux marques, dont l’alignement entre les paroles et les actes doit se faire à tous les niveaux », schématise Alain Roussel, fraîchement nommé vice-président de l’agence indépendante. Zoom sur six points clés, qui en disent long sur le chemin préférentiel à adopter pour les marques.

  • Un sentiment croissant de culpabilité

La consommation à outrance pèse lourdement sur les consciences. À la clé, un sentiment grandissant de culpabilité qu’illustrent les résultats de l’étude. Pas moins de 58% des Français s’interrogent sur l’impact de leur propre consommation, une proportion qui monte à 71% chez les 18-34 ans. Signe que le Covid-19 a exacerbé les questionnements, 64% de sondés disent même s’interroger sur leur mode de vie au quotidien. « On est en sorte de crise, un moment s’accompagnant d’une logique de rattrapage », tempère Alain Roussel, pour qui la conjoncture ne saurait toutefois masquer le « malaise grandissant face à la surconsommation ». Dans ce contexte, une fracture générationnelle se dessine. Ainsi, 43% des jeunes de 18 à 34 ans déclarent éprouver de la culpabilité lorsqu’ils effectuent certains achats, contre seulement 29% de la population en moyenne. « La charge mentale pèse avant tout sur les plus jeunes », constate-t-il. Corollaire de cette culpabilisation des esprits, 48% des Français déclarent éprouver moins de plaisir à consommer.

  • Une stratégie qui peine à convaincre

En dépit des intentions affichées et des actions concrètes des marques, régulièrement autoproclamées « en première ligne » durant la crise, celles-ci peinent à convaincre les Français. Ainsi, près de deux tiers d’entre eux (64%) considèrent que les marques n’en ont pas fait assez pour les consommateurs pendant la crise sanitaire, seuls 35% estimant avoir vu la démonstration de leur utilité à cette occasion. « Force est de constater que la stratégie en la matière a peu convaincu », résume Alain Roussel, en écho à des « positionnements autour de l’utilité sociale trop souvent anecdotiques ou superficiels ». « Lorsque le sentiment d’un engagement opportuniste domine, cela ne fonctionne pas. Il faut des éléments de preuves. Autrement dit, plus d’actes et moins de paroles », synthétise-t-il.

  • Une communication qui finit par agacer

Pire encore, les marques en viennent même à irriter le consommateur à force de surjouer ou de se vautrer dans la bien-pensance. Une écrasante majorité des sondés (91%) considère ainsi que les marques devraient justifier de la qualité de leurs produits et services avant de dire quoi penser (91%) ou encore que les marques devraient mieux considérer leur responsabilité plutôt que de donner des leçons (88%). Indice supplémentaire de la contre productivité de cette stratégie panurgique, un Français sur deux (49%) considère que l’engagement pour une cause est sans intérêt et deux tiers d’entre eux qu’il s’agit d’une mode qui passera.

  • Exemplarité exigée à tous les niveaux

C’est le plus souvent un manque de cohérence entre les paroles et les actes qui horripile les Français, confrontés à une ère du washing - greenwashing, purpose washing…- gagnant tous les secteurs d’activité. « On a pu le voir avec Danone. Lorsqu’on devient une entreprise à mission et qu’on licencie près de 2000 salariés dans la foulée, il y a une dissonance qui n’est pas tenable. La réaction des consommateurs est logique. Les marques vont devoir corriger le tir sous peine d’infidélités croissantes en faveur de concurrents plus vertueux », alerte le dirigeant, pour qui l’attente principale réside à présent dans l’alignement des différentes dimensions de la marque. « Outre l’utilité et le contrat marchand, qui restent les premiers critères de sélection, les marques vont devoir aligner leur politique sur le plan commercial, mais aussi de la marque employeur ou de la marque corporate », préconise Alain Roussel.

  • Priorité à l’humain et à l’environnement

Les priorités issues de l’étude sont quant à elles clairement définies. Avec parfois des résultats contre-intuitifs. La priorité pour gagner le respect des consommateurs consiste ainsi à assurer le bien-être de ses salariés plutôt que de proposer des solutions aux problèmes sociaux et environnementaux ou faire preuve de courage dans ses engagements. Depuis la crise, les deux éléments les plus importants sur lesquels les marques devraient communiquer sont d’ailleurs, aux yeux des sondés, les relations entretenues avec les producteurs ou acteurs locaux et les mesures prises pour protéger l’environnement, devant la transparence des prix !

  • Les bons élèves ont tout à gagner

Tout espoir n’est évidemment pas perdu pour les marques. Car si ces dernières réussissent peu à convaincre de leur caractère vertueux, 72% des Français jugent qu’on ne leur en demande pas trop actuellement. Un chiffre qui souligne en creux les attentes du public, dont 60% ont la conviction de pouvoir changer le cours des choses à travers ses choix de consommation. Preuve qu’il ne s’agit pas là que d’une tendance performative, 71% des sondés simplifient leur consommation en choisissant des produits basiques ou non transformés. Dans la même idée, ce sont plus de la moitié des sondés (53%) qui essayent de nouvelles marques paraissant plus saines ou plus responsables (63% chez les 18-34 ans). « Il est clair que la crise va faire des gagnants et des perdants », avertit Alain Roussel.

Chiffres clés

46%. Part des sondés ayant du mal à se repérer parmi les marques de consommation courante.

48%. Part des Français déclarant éprouver moins de désir à consommer.

60%. Part des sondés doutant de la sincérité des marques quand elles disent s’engager pour une cause.

61%. Part des Français déclarant éprouver du malaise face à la surconsommation.

71%. Part des sondés susceptibles de perdre confiance dans une marque si celle-ci procède à des licenciements alors qu’elle dégage des profits.

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