Illisibles. Voilà le terme qui revient régulièrement pour qualifier les différents labels RSE en France. C’est d’ailleurs le premier constat qu’a fait mi-février Olivia Grégoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, à la lecture d’un dossier sur le sujet. Commandé par Bercy il y a un peu plus d’un an, le rapport « Accompagner les entreprises et donner confiance à leurs parties prenantes » a été mené par trois personnes : Fella Imalhayene, déléguée générale du Global Compact France ; Coralie Dubost, députée LREM de l’Hérault ; et Jean-Paul Chapron, président d’ASI et délégué régional de la fédération Syntec. Leur objectif ? Analyser l’écosystème des labels et livrer des recommandations pour les rendre plus attractifs et puissants. « Les dirigeants d’entreprise sont face à une jungle de projets en tout genre difficiles à lire, résume Fella Imalhayene. Même un acteur qui a une bonne appréhension des démarches RSE ne les situe pas tous et ne saurait attribuer la bonne reconnaissance à une entreprise engagée. »
Une majorité de PME concernées
Un tel flou, associé à une procédure lourde et chronophage, explique en partie le faible taux des demandes de labellisation des entreprises. À peine 800 sur les 4 millions que compte le marché français. 83 % des sociétés concernées sont des PME, selon l’étude sur le profil des entreprises françaises labellisées menée par Goodwill Management. Les plus grandes structures ont déjà des obligations bien définies sur le plan réglementaire, contrairement aux PME et TPE. Ce sont ces dernières qui ont poussé à la création de labels pour permettre la reconnaissance de leurs efforts, selon Guillaume de Bodard, vice-président de la Plateforme RSE et animateur du groupe de travail « Labels RSE » : « L’idée est qu’ils soient reconnus par le marché public et les donneurs d’ordres privés pour remplacer les questionnaires à remplir sur la base du déclaratif ou l’évaluation de la plateforme EcoVadis, qui ne sont pas adaptés aux petites entreprises et aux secteurs. »
Toutefois, les labels n’apportent pas encore aujourd’hui un tel bénéfice, puisqu’ils ne sont pas pris en compte par toutes les parties prenantes. Pour cela, « l’État a un rôle à jouer pour ranger, nettoyer et créer de la visibilité », estime Fella Imalhayene. Cela passerait notamment par la création d’une charte comprenant douze principes, dont l’exemplarité des créateurs de labels, une vraie transparence sur la gouvernance et le mode de financement, l’accès au référentiel, la progression de la démarche, l’intégration de l’ensemble des parties prenantes ou encore l’adaptation du dispositif à la taille des entreprises. Le rapport recommande par ailleurs de confier à la Plateforme RSE (intégrée à France Stratégie) la mission de valider les labels RSE et les autres mécanismes de certification au regard des principes établis dans la charte. Enfin, pour plus de visibilité, la création d’une plateforme numérique publique pour recenser l’ensemble des études et recommandations de référence sur la RSE est prévue. Elle servirait aussi de support pour les formations en ligne à destination des dirigeants et salariés.
Un levier de la transformation RSE
En dehors de la reconnaissance en B to B de l’engagement de l’entreprise, les dirigeants se tournent aujourd’hui vers les labels pour d’autres avantages : « On remarque que les plus populaires sont ceux qui proposent des services annexes, comme un accompagnement dans la transition écologique et solidaire et l’opportunité de faire partie d’un réseau d’entreprises pour échanger sur les bonnes pratiques », constate Arnaud Bergero, directeur des opérations chez Goodwill Management. « La particularité des labels RSE est qu’ils ne viennent pas récompenser un objectif atteint, mais plutôt les progrès réalisés grâce à une reconnaissance par paliers, ajoute Fella Imalhayene. Le label RSE va donner une structure à l’entreprise pour se mettre en ordre de marche. »
En réalité, l’enjeu autour des labels fait partie d’une autre problématique plus large : comment aider les PME et TPE à monter en compétences en termes de RSE ? « En particulier en ce moment, les entreprises doivent être solides. Encore trop peu de dirigeants sont conscients que ces démarches font partie de la solution pour construire une entreprise de demain pérenne », regrette la déléguée générale du Global Compact France, en ajoutant que « le label peut être un levier s’il est structuré et reconnu par l’État ». Or, toutes les étoiles semblent s’aligner pour que cette prise de conscience se généralise : le projet de loi Climat et résilience, l’Accord de Paris et même la crise sanitaire. Il ne resterait « plus qu’à » structurer les dispositifs existants pour répondre à la question du « comment je fais » des dirigeants soucieux d’opérer une transformation dans une démarche gagnant-gagnant.
Comprendre le paysage des labels RSE
Actuellement, il existe une cinquantaine de labels qui se répartissent dans les quatre catégories suivantes :
1. Les génériques, qui évaluent la démarche RSE dans sa globalité (Engagé RSE, Lucie 26000, B-Corp…).
2. Les thématiques, qui se focalisent sur une seule partie de la RSE (par exemple le handicap, l’environnement…).
3. Les territoriaux, qui participent au rayonnement d’une région ou d’une ville (Alsace Excellence, Lyon Ville Équitable et Durable, Bretagne 26000…).
4. Les sectoriels, comme le label RSE Agences Actives de l’AACC pour le secteur de la communication. « Ce sont à mes yeux les labels les plus puissants, estime Guillaume de Bodard, vice-président de la Plateforme RSE, car ils prennent en compte les spécificités du secteur et ont le plus de chances de se développer avec l’aide du marché professionnel. »
À cette liste s’ajoutent les autres normes, chartes et réglementations pour évaluer les démarches RSE des entreprises, dont la plus connue, qui sert de base à la plupart des référentiels des labels, est la norme ISO 26000. Sans oublier le récent statut de sociétés à mission, encadré par la loi Pacte promulguée en 2019.