Influence marketing
Depuis trois ans, l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) planche sur le sujet de la publicité sur Instagram pour y faire respecter une forme de déontologie afin que la publicité y soit loyale, véridique et saine. Laura Montariol, juriste conseil à l'ARPP, spécialisée dans les communications digitales, répond à nos questions.

[Dans le cadre du partenariat entre Stratégies et l'IEJ Paris, l'école de journalisme du groupe MediaSchool, certifiée par l'État, les étudiants du master presse écrite web ont réalisé une série de dix articles sur l'influence marketing.]

 

Comment l'ARPP travaille-t-elle sur le sujet de la publicité sur Instagram ?

Nous sommes une équipe de dix juristes. Notre travail au quotidien est de recevoir des projets de publicité d’annonceurs, d’agences de pub et des médias, afin de vérifier si tout est en conformité avec les différentes réglementations déontologiques. Sachant qu’on analyse l'intégralité des supports de diffusion. En télévision, il y a une validation obligatoire des films avant leur diffusion. C’est-à-dire que tous les films publicitaires doivent être validés par l’ARPP. Les régies ne les diffusent pas sans notre validation.

Sur tous les autres supports, c’est du conseil. Nous ne sommes pas assez nombreux pour tout valider. Donc les agences nous demandent notre avis sur la manière dont une publication doit être écrite sur les réseaux sociaux tout en respectant le code déontologique. C’est de l’auto-régulation et le but est que tous les acteurs adhérents à l’ARPP s’engagent à diffuser ces bonnes pratiques.



Comment procédez-vous pour surveiller les influenceurs ?

Nous considérons que tout partenariat entre une marque et un influenceur entre dans le champ d’application de l’ARPP. Il s'agit plus de prévention que de réel contrôle. Car justement, dans les supports autres que la TV, le contrôle s'opère après diffusion. À la manière de piges publicitaires où l'on regarde tout ce qui est sorti dans une période de six mois ou un an. Nous avons mis en place une charte il y a trois ans avec des recommandations aux influenceurs sur la manière d'identifier les contenus lorsqu’ils sont en partenariat avec une marque.



À partir de quel moment peut-on considérer qu’il y a communication commerciale ?

Dans les cas où il n’y a pas d’engagement réciproque entre la marque et l’influenceur, on est dans le cas classique des relations presse. C’est-à-dire qu’une marque va envoyer un produit à un influenceur mais sans savoir si la personne va en parler ou pas, donc il n’y a pas d’engagement entre les deux. On entre dans la communication commerciale lorsque la marque va payer, soit en argent, soit en envoyant des produits, ou encore en offrant un voyage. En contrepartie, l’influenceur va s’engager à produire du contenu. C’est la relation de base. Dans ce cas-là, le programme obligatoire est d’indiquer dans le post qu’il y a une communication commerciale entre les deux. Sur Instagram, les influenceurs peuvent mettre de manière automatique « en partenariat avec » et ils peuvent aussi le faire de manière libre.



Existe-t-il un cadre légal en France en ce qui concerne les influenceurs ?

Les règles en France sont très larges. Il y a cette interdiction d’avoir des publicités commerciales trompeuses et le fait de dissimuler la nature commerciale d’une publication. Nous en avons fait une application pratique pour justement donner aux influenceurs des règles concrètes. C’est là qu’on voit l’apport de la déontologie. La direction générale des fraudes (DGCCRF) a commencé à s’y intéresser il y a trois ans et à engager des actions contre les annonceurs, quand le phénomène a commencé à prendre de l’ampleur en France. C’est là que nous sommes intervenus pour leur dire que nous étions en train de faire des règles très générales et de mettre en place des règles déontologiques pour accompagner les influenceurs et éviter que les marques soient sanctionnées.



Côté micro-influenceurs, de 10 000 à 100 000 abonnées, nombreux ne respectent pas les réglementations d’Instagram…

Ce n’est pas Instagram qui va contrôler. Nous avons fait en 2019 un observatoire des pratiques. Plusieurs agences d’influenceurs nous ont fourni des contenus qu’elles avaient produits afin de pouvoir les analyser et de savoir si, déontologiquement, le partenariat était clairement assumé dans les publications. Nous essayons de faire un maximum de pédagogie auprès des influenceurs et des agences de publicité. Le risque, si les influenceurs ne respectent pas les règles, serait que les marques, de plus en plus vigilantes parce qu’elles-mêmes attaquables, décident de ne plus travailler avec eux.



La transparence avec le public est-elle la seule règle que les influenceurs ne respectent pas ?

En matière de publications Instagram, on peut avoir des règles sur les produits de santé ou sur l’alcool par exemple. Si on prend les marques d’alcool, l’influenceur est obligé de noter la mention: «l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération». Mais surtout, s’il y a plus de 30% des abonnés qui sont mineurs, ils n’ont pas le droit de promouvoir ce genre de produits. Là nous avons toute une réglementation qui s’applique. Il faut bien comprendre que c’est un intérêt collectif que de bien appliquer les règles en vigueur.



Observez-vous du changement depuis que vous intervenez auprès des influenceurs ?

Effectivement, de plus en plus d’influenceurs respectent les règles déontologiques. En 2018, plus de 50% des publications n’étaient pas du tout identifiées ou mal identifiées. En 2019 nous sommes passés à 30%, sachant que le reste peut être considéré comme de la pratique améliorable. Ce n’est pas parfait mais il y a une nette amélioration. Ce qu'il reste à travailler c'est qu'il faut que le partenariat soit immédiatement visible pour le consommateur, en évitant que la mention soit noyée dans un paragraphe de hashtags.

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