Dossier Gaming
Pour rajeunir leurs audiences, moderniser leur image ou conquérir de nouveaux marchés, les marques sont plus en plus nombreuses à investir le champ du jeu vidéo. Si leur intérêt a grandi ces dernières années, l’apprentissage de nouveaux codes reste un travail de longue haleine.

Le monde du jeu vidéo a de quoi faire rêver les marques. La France compte plus 36 millions de joueurs et le marché y pesait 4,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019, selon le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell). Depuis trois ou quatre ans, elles sont de plus en plus nombreuses à s’intéresser à cet univers. Si l’on met à part les éditeurs, opérateurs, vendeurs d’accessoires…, qui ont une certaine longueur d’avance, les marques dites « non endémiques » y voient le moyen de parler aux 15-34 ans, même si d’autres tranches d’âge jouent aussi, par exemple sur mobile.

« Il y a une problématique d’audience à chaque fois, soit que leur produit ou service corresponde à la cible des gamers - par exemple, une connexion internet, pour Orange -, soit qu’elles souhaitent rajeunir leur cible. C’est le cas, par exemple, des horlogers, pour séduire les futurs consommateurs », constate Thomas Gavache, président de Good Game Management, agence conseil en stratégie de communication et de partenariats spécialisée gaming et e-sport. Au-delà de la cible, c’est aussi une question d’image et de positionnement pour les marques, le jeu vidéo étant de plus en plus perçu comme un territoire innovant. « Son côté trendy fait que des marques comme Vuitton ou Moschino s’y intéressent pour travailler leur image », relate le spécialiste.

« Un sujet à part entière »

Le jeu vidéo s’avère également intéressant pour les marques qui recherchent une audience internationale, notamment asiatique. Dans des pays comme la Corée du Sud ou la Chine, le jeu tient une place plus que centrale dans la culture et les pratiques.

Pour toutes ces raisons, de plus en plus de marques, et non des moindres, tentent des incursions dans l'univers du jeu vidéo ces dernières années. En 2019, Adidas nouait un partenariat avec Tyler Blevins, alias Ninja, streamer star de Fortnite. En avril 2020, BMW renforçait son ancrage dans l’e-sport en devenant partenaire de plusieurs clubs spécialisés. En septembre dernier, Fifa 21 (Electronic Arts) promettait, dans un mode de jeu particulier, l'apparition de vêtements et d'accessoires conçus par des marques comme Nike (et de nouveau Adidas).

Si l'intérêt des marques est aujourd'hui au rendez-vous, il y a encore quelques années, le monde du jeu vidéo était un univers considéré comme fermé, réservé à des adolescents ou des geeks. « Souvent, on peut rencontrer plusieurs fois une marque avec des interlocuteurs différents. Il faudrait un suivi pour des projets un peu plus concordants. Elles n'ont pas toujours conscience que c’est un sujet à part entière », tempère Iris Elbazis, présidente de WSC Group, spécialisé en gestion stratégique, communication et projets e-sport et gaming.

Mais globalement, l’image du jeu vidéo change. Même s’il reste du chemin à parcourir, il est moins exclusivement perçu comme un univers violent ou addictif, il apparaît aussi comme un phénomène culturel à part entière, avec ses acteurs, ses événements et même ses médias, comme l’émission Popcorn sur Twitch. Le secteur pèse aujourd'hui plus que les industries du cinéma et de la musique réunies. De plus, un changement est en train de s’opérer dans les entreprises, avec l'arrivée des 35-40 ans aux postes à responsabilités, eux qui ont grandi avec les jeux vidéo et qui en ont donc une perception différente de leurs aînés. L’arrivée de plateformes comme Twitch a aussi participé à la démocratisation des pratiques, de même que la médiatisation des levées de fonds dans l’univers.

Sous influence

Ces derniers mois, le confinement a également mis un coup de projecteur sur le jeu vidéo en dopant à la fois le nombre de joueurs et les audiences. Le gaming est même apparu comme une alternative aux événements sportifs physiques qui ne pouvaient plus avoir lieu. « La plus grosse nouveauté de ces dernières années, c’est l’influence, renchérit Mehdi el Amrani, cofondateur de LnL, agence de conseil spécialisée dans le gaming et l'e-sport. L’avantage est que l’influenceur parle à une communauté. Une personne physique fait de la promo : c’est une très grosse évolution par rapport à une page de pub. »

Dans ce contexte de démocratisation, les marques, lorsqu’elles parlent aux agences spécialisées, arrivent avec certaines questions récurrentes, sur la stratégie à adopter voire sur l’influenceur à solliciter pour les plus matures. Certaines réticences restent, pour l’heure, difficiles à dépasser. « Elles ont compris que cela ne concernait pas les adolescents dans leur chambre mais il faut faire confiance à l’influenceur, c’est lui qui connaît sa communauté, sait ce qui marche sur ses réseaux », indique Iris Elbazis.

« Il y a des craintes sur la nature du jeu (combat…) mais c’est surtout le gameplay du jeu et le level design [comment le jeu est conçu] qui comptent », complète Mehdi El Amrani. « Ce qui est compliqué, c'est de ne pas voir cela comme un tout alors qu’il y a une multitude d’acteurs et de territoires », note Thomas Gavache. Chaque jeu a ses propres codes, les appréhender est un jeu très sérieux.

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