Pourquoi avoir choisi l’endurance plutôt que le rallye pour resusciter les valeurs de marque d’Alpine ?
Régis Fricotté : L’endurance permettait un retour plus rapide là où une voiture de rallye aurait d’abord demandé d’avoir une voiture de série. Or nous sommes revenus à la compétition en 2013, quatre ans avant le lancement de l’A110 de route. L’endurance est un porte drapeau pour la marque même sil n’y a pas forcément de lien avec le produit – cet aspect nous le construisons avec l’Alpine Cup ou l’Alpine GT4, qui sont dérivées de la voiture de série. Mais nous allons bel et bien revenir aussi en rallye en 2020, en R-GT, avec une A110. Si on refait l’histoire, c’est vrai qu’Alpine est plutôt né en rallye mais aujourd’hui c’est dur d’en faire une exploitation médiatique, c’est plus segmentant.
Les voitures de course ne partagent pas l’identité visuelle de l’A110 de route, comment recréez-vous ce lien ?
Régis Fricotté : La compétition est un point d’ancrage. Quand nous gagnons les 24 Heures du Mans en 1978, la voiture ne ressemble pas non plus à celle de série. Au même titre qu’en Formule 1, en endurance, le produit n’a pas de connexion directe pour le client. En revanche ça a été pour nous une façon de communiquer et de rediffuser au fil des années l’histoire d’Alpine, ses valeurs et de régénérer la marque. Le fait de lancer les séries Cup et GT4 va nous permettre de resserrer le lien pour le client, afin de créer une cohérence entre le circuit et la vie de tous les jours.
Sébastien Erphelin : Alors il y a le logo et la couleur en commun, mais il y a avant tout les hommes. En LMP2 [Le Mans Prototype 2, catégorie secondaire au championnat du monde d’endurance WEC] tout le monde concourt à armes égales, donc on mise tout sur les hommes. Et cela nous permet aussi d’organiser ce genre d’événement.
Côté mécanique, ni le châssis ni le moteur ne sont d’Alpine. Est-ce une limite pour le discours de marque ?
Régis Fricotté : Il y a un règlement que nous sommes obligés de suivre. Il nous contraint à partager un moteur dans la même catégorie et limite le nombre de châssis à trois. Il n’y avait pas de pertinence à développer un moteur à la place de Gibson [le fournisseur d’Alpine et de ses concurrents], c’était trop coûteux. Quant au châssis, Oreca le fait très bien. Et même si le règlement le permettait, cela n’aurait pas de sens niveau budget et timing.
Que vous apporte concrètement la compétition, notamment l’endurance, dans votre stratégie de marque ?
Sébastien Erphelin : Vous le savez autant que moi, elle fait partie de l’histoire d’Alpine. L’endurance est apparue de manière évidente comme une façon de faire renaître la marque avant de sortir l’A110. Ce qui est important aussi, c’est la pérennité, et une histoire humaine. Comme tout se passe bien avec Signatech [l’écurie de course], nous allons continuer.
Sauriez-vous estimer l’équivalent en achat médias que représente votre présence en endurance ?
Sébastien Erphelin : Je ne peux pas entrer dans les détails financiers. Il est important de voir chacune des manches de manière locale plutôt qu’internationale. Chaque manche individuelle nous permet de convier des clients, des prospects… Aujourd’hui on n’est pas dans une recherche de notoriété grand public, ce n’est pas le positionnement de la marque ni la cible. Cependant, utiliser chacune de ces petites étapes pour faire vivre une expérience client, c’est important.
Le règlement 2020 va rétablir le lien entre l’identité de marque de la piste et de la route, allez-vous le saisir ?
Régis Fricotté : Ce règlement Hypercar est en effet une opportunité pour le rayonnement. Pour être très clair, nous venons d’annoncer que nous restions engagés en endurance pour les saisons 2019 et 2020. D’ici-là nous regarderons ce nouveau règlement. Nous ne nous interdisons rien, c’est ouvert, mais nous n’avons pas pris position à ce jour.
Deux ans après le relancement d’Alpine, où en est le positionnement de la marque sur le marché ?
Sébastien Erphelin : Ce qu’on a souhaité lancer ce n’est pas juste un modèle mais comme vous le dites, une marque. C’est donc à la fois un produit mais aussi un univers, une expérience client. Le positionnement d’Alpine repose sur un élément, que l’on peut résumer par le sourire affiché par le client lorsqu’il est au volant. Nous visons le plaisir de conduite immédiat.
Au début vous cibliez les fans via le digital. Avez-vous réussi à toucher par-delà les fans de la marque ?
Sébastien Erphelin : Nous y allons étape par étape car relancer une marque prend du temps. Ce qui était important pour nous, au début, c’était de légitimer la marque auprès des experts de l’auto comme les journalistes – et nous sommes objectivement satisfaits des retours qu’on a eu dans la presse y compris sur des marchés sévères comme l’Angleterre, l’Allemagne ou le Japon –, et bien évidemment auprès du premier cœur d’alpinistes historiques, qui nous ont confirmé qu’on avait su retrouver les valeurs historiques de la marque.
Progressivement, on essaie de s’élargir vers des gens qui connaissent un peu moins Alpine. On se dit que tout le monde connaît mais en dehors de l’Hexagone la marque n’a pas du tout la même notoriété comme en Allemagne et en Angleterre. On explique de manière didactique qui nous sommes en s’appuyant sur notre histoire et ce qui fait notre singularité : la légèreté, la compacité et le plaisir. Un de nos points importants est aussi de montrer que ce n’est pas une voiture radicale qui s’adresser à des experts. On s’appuie aussi sur les événements car nous avons toujours été une marque, nous l’espérons, proche des gens.
Pour élargir la gamme, n’allez-vous pas être prisonnier d’un modèle « trop iconique » comme Fiat avec la 500 ?
Sébastien Erphelin : Avant de commencer à étendre la gamme il faut pérenniser celle-ci. Effectivement aujourd’hui, Alpine c’est l’A110 et l’A110 c’est Alpine. Mais on est quand-même capables d’en tirer des valeurs qui dépassent ce modèle, comme le plaisir immédiat, l’agilité et son design près du corps. S’il devait y avoir d’autres modèles, ce serait autour de ça.