Autant que les athlètes, les marques sont dans les starting-blocks à l'approche des Jeux olympiques qui s'ouvriront à Londres vendredi 27 juillet, pour un peu plus de deux semaines de compétitions. Partenaires officiels ou pas, elles ont choisi de monter leurs propres écuries de sportifs. Une nouveauté, à cette échelle. Des teams construits selon des objectifs marketing dans une logique commerciale, pour Caisse d'épargne, BMW ou encore EDF.
Justement, le fournisseur d'énergie nourrit un double objectif avec les JO car l'entreprise est également partenaire officiel du comité d'organisation (Locog). Avec Atos, partenaire du Comité international olympique, ce sont les deux seuls «Frenchies» à Londres. Malgré tout, aucun des deux n'exploite l'image française. Ce n'est pas le cas des entreprises britanniques, qui joue à fond l'esprit national dans leurs communications, comme British Airways, ou même le ministère de la Défense, qui profite de la présence de deux de ses porte-avions sur la Tamise pour faire une démonstration de force.
Un sponsor, un team
On a connu des équipes plus cohérentes: un sprinteur, une perchiste, un décathlonien, une basketteuse, un gymnaste, trois nageurs… En tout, le Team Caisse d'épargne comprend 19 sportifs issus de 11 disciplines. Comme d'autres sponsors, l'établissement financier du groupe BPCE, partenaire du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), a construit son écurie de sportifs. Un sur-mesure qui est une véritable tendance. «Il existe une réelle cohérence dans notre team d'athlètes, se défend Cédric Mignon, directeur de la communication et du sponsoring de Caisse d'épargne. Chaque athlète a été sélectionné par l'une des dix-sept caisses régionales et en est le porte drapeau. Les autres buts étaient de diversifier les disciplines, car nous sommes partenaire du mouvement olympique, et de sélectionner autant de sportifs expérimentés que d'espoirs.» Un capitaine, le sprinteur Christophe Lemaitre, chapeaute l'équipe. «Nous sommes clairement dans la proximité, car il fallait démontrer que nous sommes une banque de territoire, insiste Cédric Mignon. Mais le team se conjugue aussi avec une dimension nationale.»
BMW a également opté pour ce concept. Partenaire de l'équipe de France olympique comme du Locog, le constructeur allemand a fait son choix guidé par la performance. Ses sept protégés sont tous «médaillables». C'est le cas du canoéiste Tony Estanguet et de l'escrimeuse Laura Flessel, par ailleurs porte-drapeau de la délégation française à Londres. «BMW est dans la recherche de la performance et du geste parfait. Nos athlètes portent ces valeurs, explique Beaudouin Denis, directeur du marketing de la marque. Chacun a un statut d'ambassadeur.»
Outre BMW, Laura Flessel a aussi sa carte de membre chez Visa. Un club plus restreint puisqu'en France ils sont… 2, avec le handballeur Nikola Karabatic. «L'idée est un team européen de 21 athlètes venant de 9 pays, précise Nathalie Chabaud, chargée de la communication et du sponsoring chez Visa France. Nous sommes un réseau de banques européennes et ce type de groupe a donc sa logique.» Comme dans les autres teams, Visa invite ses sportifs à se rencontrer, échanger et aussi à participer à ses communications.
L'esprit d'équipe, la Française des jeux le développe depuis vingt ans avec sa fondation. Ce n'est pas un club, mais une bourse chargée d'aider des sportifs de haut niveau dans des disciplines peu médiatiques. «Ils seront 45 à Londres, en comptant les athlètes paralympiques, confie Thierry Huguenin, responsable sponsoring et mécénat à la FDJ. Avec 220 millions d'euros versés chaque année, nous sommes les premiers partenaires du mouvement sportif. Notre démarche s'inscrit plus dans un esprit de mécénat. Nos athlètes ne sont pas liés à nous avec des contrats d'image.» Au contraire des autres teams.
EDF et Atos, deux «Frenchies» à Londres
EDF sera aussi dans la capitale anglaise avec son team d'athlètes, tous issus des sports d'eau dont le fournisseur d'énergie est partenaire: natation, canoë-kayak et aviron. L'entreprise soutien aussi le mouvement sportif paralympique. «L'objectif est évidemment qu'ils soient reconnus et identifiés comme membres du team EDF, rappelle Florent Garrigoux, directeur de marque chez Havas Sport, en charge d'EDF. Cela montre l'implication de la marque dans le sport. Nous sommes dans une logique de sens, mais pas de quête de notoriété, comme un équipementier.» Pourtant, la notoriété est bien un enjeu pour EDF. Partenaire officiel du comité d'organisation, l'entreprise s'appuie sur les JO pour se développer en Grande-Bretagne. Une puissante campagne en affichage et dans la presse a débuté le 27 juin. Les Jeux doivent aider l'énergéticien à démontrer son savoir-faire. L'entreprise a d'ailleurs réinstallé l'éclairage de la grande roue de Londres et du Tower Bridge. Elle gère aussi la flotte de véhicules électriques du comité d'organisation. Tout ça sans aucun rappel du «made in France» dans sa communication.
C'est le cas aussi pour Atos, la seconde entreprise française présente «in the City». La société d'ingénierie informatique est l'un des onze Top Sponsor du Comité international olympique. «Le fait d'être français est un quelque chose de vendeur… pour les Français, lâche Patrick Adiba, le patron des JO chez Atos. On ne le cache pas à l'international, mais nos messages sont globaux, car nous travaillons aussi beaucoup en Inde, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne.» Pour Atos, les JO sont une vitrine technologique et les affaires restent tournées vers le B to B. Durant la quinzaine olympique, un millier d'invités de l'entreprise viendront assister aux épreuves et à ses à-côtés. «Nous allons leur montrer le making of afin qu'ils matérialisent notre rôle, poursuit le dirigeant d'Atos. Cela ne nous empêche pas d'être présents au Club France et d'avoir le judoka Teddy Riner comme ambassadeur. Mais chaque pays a le sien.»
Déjà des marques sur le podium
On ne verra donc pas de publicité Atos à Londres. Ce n'est pas le cas d'autres marques car la ville se pare doucement des couleurs olympiques. «C'est surtout du fait des partenaires du comité d'organisation», rapporte Nathalie Zimmermann, directrice de NZ Consulting, située dans la capitale britannique. Cette professionnelle du marketing sportif salue les campagnes d'UPS et British Airways. Le premier met en avant son métier, la logistique, essentielle pour le bon déroulement des épreuves. Sur les affiches, les athlètes se retrouvent privés de leurs équipements, comme un kayakiste sans rames ou un haltérophile sans poids. British Airways, de son côté, joue le décalage avec sa campagne locale «On your Marks, Stay Home and don't Fly». «Selon la compagnie aérienne, pour soutenir les athlètes britanniques, on doit rester à domicile, commente Nathalie Zimmermann. La maison Coca-Cola, dans le Parc olympique devrait également être un événement. Le bâtiment jouera sur les expériences sensorielles autour de la musique et l'entertainment.»
Dans le même lieu, McDonald's installera son plus grand restaurant du monde, une structure éphémère de 10 000 m2. «Ce type d'action exprime bien le repositionnement de la marque qui communique autour de l'équilibre alimentaire, observe Nathalie Zimmermann. Toutefois, il y a chez ces sponsors, tel Coca-Cola, un certain gigantisme qui pourrait être mal interprété.» D'autant que les Londoniens ont déjà pris en grippe certains sponsors, comme BP. «L'activation de leur partenariat avec le comité d'organisation est parfait, avec des stations décorées et des jeux-concours, mais il existe un mouvement de protestation contre le comportement non écologique du pétrolier, note Nathalie Zimmermann. Les médias anglais sont très critiques sur le rôle de quelques partenaires et la légitimité de leur association avec le sport dans le cadre des Jeux.»
Autre flop, celui d'Innocent, marque de boisson contrôlée par Coca-Cola. «L'opération “Fruit Sport Day” prévue le 22 juillet à Regent Park proposait des animations avec des disciplines détournées, comme le lancé de prunes ou le volley à la pêche, explique Nathalie Zimmermann. Mais le prix d'entrée, 12 livres, était trop élevé. La marque a annulé l'événement en avançant des raisons météo.» Dans les magasins, les bouteilles portent encore la promotion de l'événement…
Londres se prépare donc à la fête, mais sans savoir finalement vraiment laquelle. Car, pour l'heure, la seule communication qui soit réellement passée auprès des Londoniens, c'est que l'événement va beaucoup les contrarier dans leur vie quotidienne (lire ci-contre). Ce sera un autre sport. Et là, il n'y aura pas de sponsor.