Pour des raisons évidentes, et comme pour l'allégation «le meilleur» la prétention d'un annonceur d'être le «N° 1», à quelque titre que ce soit, est ressentie comme particulièrement agressive par ses concurrents et donne donc lieu à plus de contentieux au titre de la concurrence déloyale que bien d'autres.
Quelques exemples récents en jurisprudence
a) «no 1 en Europe» (produit anti-ronflement)
La société commercialisant le produit «Douce Nuit» affirmait (notamment par des publicités dans les pharmacies) que ce produit était «le no 1 en Europe» ou «le no 1 en France» (voir ci-dessous)
L'un de ses concurrent, qui commercialise le produit «Silence», a protesté contre l'usage de cette allégation «no 1 en Europe"» faisant valoir qu'il n'existe pas de statistiques à l'échelon européen, et qu'«une publicité emphatique dite hyperbolique ne doit pas induire en erreur le consommateur moyen, en particulier, l'exagération est interdite dès lors qu'elle porte sur des données chiffrées»
Le Tribunal de commerce de Nanterre (1er décembre 2006) a jugé que :
-l'expression "no 1 en Europe" peut être fondée sur l'antériorité, l'importance de l'implantation géographique ou le volume des ventes (Note : le tribunal donne très nettement à comprendre qu'il est essentiel de préciser sur lequel de ces critères on se fonde ...)
- le demandeur ne rapportait pas la preuve du caractère mensonger de cette allégation, alors que c'était à lui de le faire,
et l'a donc débouté de ce chef de demande.
b)«No 1 en France» (produit anti-ronflement)
La même décision a jugé que :
- contrairement à ce qui est le cas pour l'expression «no 1 en Europe» (voir ci-dessus), l'expression «no 1», lorsqu'elle est employée dans l'expression "no 1 en France" doit normalement s'entendre au regard du nombre des ventes réalisées et non de l'antériorité dans le temps qui "apparaît comme "secondaire et peu crédible"
- si le produit «Douce Nuit» pour lequel elle était utilisée, avait effectivement été le plus vendu en France au cours d'une certaine période, cela n'était plus exact pendant les périodes suivantes et l'entreprise qui le commercialise aurait «dû avoir la prudence» de préciser la période pour laquelle l'allégation était «pertinente» ;
elle est donc condamnée pour concurrence déloyale
c) «No 1 sur le sport» (radio)
La radio RMC utilisait ce slogan, contesté par sa concurrente Europe 1 ; pour sa défense, RMC faisait notamment valoir que :
-cette allégation faisait référence au temps d'antenne qui était consacré au sport,
- il s'agissait "d'un superlatif couramment utilisé dans de multiples secteurs d'activité et constitutif d'une simple hyperbole"
La Cour d'appel de Paris (25 avril 2007) a pourtant retenu le critère de la part d'audience et jugé que :
- le fait d'indiquer en gros caractères «no 1 sur le sport» sans autre précision terminologique ou sémantique quant au sens à donner à cette formule conduit nécessairement à retenir ... l'interprétation selon laquelle RMC disposerait de la part d'audience la plus élevée« en matière de sport, ce qui n'était pas exacte, rendant ainsi ce slogan mensonger»,
- ce slogan «ne saurait être regardé comme simplement hyperbolique dès lors qu'il s'agit d'une publicité qui se veut fondée sur des chiffres avec les caractères de rigueur et de certitude inhérents à toute affirmation exprimant une vérité techniquement mesurable»
RMC est donc condamnée pour concurrence déloyale,
d) «Aliment no 1 choisi par les vétérinaires pour leurs chiens et leurs chats» (aliments pour animaux)
L'usage de ce slogan (et d'autres slogans de supériorité) par la société Hill's était contesté par sa concurrente Royal Canin
La Cour d'appel de Paris (4 mai 2006) a jugé que «les termes laudatifs voire superlatifs reprochés par Royal Canin à Hill's ne sont pas prohibés ... dès lors que, participant à une publicité hyperbolique se traduisant par l'emphase, (ils n'ont) pas dépassé une simple exagération sur la supériorité de ses produits, courante dans les campagnes publicitaire, qui ne dépouille pas pour autant les produits de ses concurrents des mêmes qualités" ;
elle a donc débouté Royal Canin de sa demande
e) «N° 1 de la complémentaire santé en direct» (assurances)
La société Direct utilisait le slogan «N° 1 de la complémentaire santé en direct» ; sa concurrente Avanssur, filiale d'AXA, contestait cette utilisation
Le Tribunal de grande instance de Paris (29 mai 2009) a jugé que :
-ce slogan était "écrit dans une police de petite taille peu susceptible de lui conférer ... une réelle fonction d'accroche"
-il «ne présente pas la société Direct comme un leader sur le marché des contrats d'assurance" mais seulement "sur le marché de la vente de produits d'assurance sans intermédiaire physique via internet ou le téléphone»
-il «comporte une part d'hyperbole inhérente aux techniques publicitaires et ne fournit aucune indication précise sur les qualités substantielles des produits ou services concernés»
La société Avanssur a donc été déboutée de sa demande.
Il semble donc que, compte tenu de la relative banalisation de cette expression, elle tende à devenir plus acceptable (ou moins fautive ...) sous l'angle juridique que par le passé,
Ainsi, on peut également signaler une affaire récente dans laquelle le Tribunal saisi a relevé qu'elle n'est pas fautive lorsque elle "ne permet pas d'identifier au regard de quelles qualités cette performance de "n° 1" aurait été réalisée" (Victoires Editions c/ Développement de Projets d'Editions DPE, Tribunal de Grande Instance de Paris 3ème ch, 18 juin 2010. (Mise à jour le 2/11/2012)
Le "Dictionnaire juridique des allégations publicitaires" de Michel Toporkoff, avocat spécialiste du droit du marketing est publié en partenariat avec Stratégies à raison de deux nouvelles entrées chaque semaine.
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