«MARINE LE PEN S'ADRESSE AUX FRANÇAIS DE L'ETRANGER». Lorsqu'il s'agit de franchir des frontières, la candidate du Front national ne semble pas se départir de sa forte voix, ainsi que l'indique l'en-tête – en lettres majuscules – du courriel reçu par quelques centaines de milliers d'expatriés inscrits sur les listes consulaires et qui seront appelés pour la première fois en juin à élire leur propre candidat lors des prochaines législatives. Onze nouveaux députés qui s'ajouteront aux 12 sénateurs et aux 155 conseillers élus à l'assemblée des Français de l'étranger pour offrir une meilleure représentation des 2 à 2,5 millions d'expatriés.
Mais leur rôle, ces dernières semaines, a surtout été de faire campagne au nom de leur candidat à la présidentielle. Une élection dans laquelle les Français de l'étranger constitueront, à la marge, un apport de voix pour les principaux partis, au détriment des petites formations politiques, qui n'ont pas les moyens de financer des députations internationales. En 2007, le bipartisme a d'ailleurs primé: au premier tour, 68,4% des électeurs de l'étranger ont voté pour Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal, contre 57,05% en France Métropolitaine et dans les DOM-TOM.
«La campagne ici est assez active, estime Emmanuel Saint Martin, fondateur du magazine en ligne French Morning, à New York. Il y a beaucoup de candidats, notamment à droite ou la candidature de Frédéric Lefebvre a suscité des dissidences UMP. Je ne suis pas sûr que les Français se sentent concernés, mais j'ai été surpris par le résultat du sondage qui montrait qu'un nombre élevé de Français savaient qu'il y avait une élection.» Selon Bruno Jeanbart, d'Opinion Way, la mayonnaise a pris: «80% des Français que nous avons interrogés savent qu'ils pourront voter pour la première fois lors des législatives. En revanche, moins d'un tiers connaissent les candidats.»
Un réflexe de repli sur les partis plutôt que sur les noms devrait être observé. «On est confiants», indique le candidat Modem à la 3e circonscription (Europe du Nord), Yannick Baud, qui reconnaît qu'une campagne électorale faite à l'étranger est inévitablement virtuelle, même si «les distributions de tracts, le porte-à-porte et l'organisation de réunions demeurent nos principales actions».
La création de onze nouvelles circonscriptions par Nicolas Sarkozy ainsi que la nomination de David Douillet au poste de secrétaire d'Etat aux Français de l'étranger a porté ses fruits. Un sondage réalisé en mars par Opinion Way donne une nette faveur des Français de l'étranger au président sortant, avec notamment 51% des voix au second tour. Déjà en 2007, face à Royal, Sarkozy avait obtenu des résultats plus favorables qu'en France métropolitaine et DOM-TOM: 54-46%.
Les différences de vote entre les deux candidats pouvaient être extrêmement importantes selon les pays. Nicolas Sarkozy arrivait largement en tête aux Etats-Unis (63,7%), en Russie (68,7%) ou en Chine (71%). La socialiste était à son avantage au Canada (53,9%), en Allemagne (59,1%) et dans tous les pays scandinaves (entre 59,6 et 61,3%). Elle sortait également en tête dans ces fameux «PIGS» qui donnent aujourd'hui des sueurs froides à l'Europe (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne ["Spain"], entre 50 et 54% des voix), alors que Sarkozy obtenait respectivement 57% et 83% en Suisse et à Monaco.