«Les autres multiplient les forfaits compliqués pour vous gruger. Nous, on veut rendre du pouvoir d'achat aux Français.» «Jusqu'à présent vous avez été pris pour des vaches à lait, vous avez besoin de donner des leçons à votre opérateur. (…) Signifiez-lui aujourd'hui.» Le discours est provocateur et un tantinet démagogue. Mardi 10 janvier, Xavier Niel, patron d'Iliad, avait convié la presse pour dévoiler son offre mobile, près de dix ans après son arrivée tonitruante dans les abonnements Internet. Durant quarante minutes, l'assistance eut droit à une «keynote» digne de Steve Jobs: tenue décontractée, film parodique moquant les dirigeants concurrents, «slides» comparatifs, chauffeurs de salle dans le public.
Depuis que l'opérateur a décroché le 13 décembre dernier l'accord de l'Arcep, le gendarme des télécoms, le suspense était à son comble. Les tarifs dévoilés sont séduisants: forfait à 19,99 euros par mois, 15,99 euros pour les abonnés détenteurs de Freebox, sans engagement ni téléphone fourni, avec appels illimités en France et vers 40 destinations (Europe, Etats-Unis, Canada...), SMS et MMS illimités et Internet mobile à 3 giga-octets (Go). «Contrairement aux autres opérateurs qui proposent une base de 500 Mo ou 1 Go», précise Xavier Niel, «car l'Internet [mobile], pour nous, inclut l'e-mail, le Web, le peer-to-peer, les newsgroups». Autre forfait: 1 heure de «voix» et 60 SMS pour 2 euros par mois (gratuit pour les abonnés Free). Ces deux offres seront proposées aux trois premiers millions de clients.
Satisfecit à l'UFC Que Choisir, même si l'incertitude demeure sur les volets «illimités» de l'offre: «Free mentionne que le consommateur devra se comporter en bon père de famille. C'est vague», pointe Edouard Bareiro, chargé des nouvelles technologies à l'association. Mais Free Mobile doit faire avec une couverture encore très partielle du territoire (30% à ce jour). Il a dû signer un accord d'itinérance avec Orange pour couvrir le reste du pays. Autre souci, son service client, un argument de poids chez ses concurrents. «Nous sommes passés de 3 800 à 4 800 personnes pour le support clients (Freebox incluse)», précise Maxime Lombardini, DG d'Iliad. Quant à son réseau de distribution, il ne compte pour l'heure que trois boutiques propres, «bientôt 15 (dont une à Paris) pour une phase-test, pour monter à une centaine».
Mais Free Mobile vise surtout une clientèle urbaine. Sa principale cible: son matelas d'abonnés de 4,79 millions détenteurs de Freebox. «Il n'est pas sur un marché d'acquisition (comme en 2003 avec sa Box fixe) mais de fidélisation. L'enjeu est de faire changer d'opérateur télécom les détenteurs de Freebox», souligne Thomas Husson, analyste chez Forrester.
Reste à faire connaître ces nouvelles offres. Free Mobile a bénéficié de nombreux relais sur la Toile et d'une couverture médias sur mesure. Avec un feu d'artifice le jour du lancement, avec notamment Le Grand Journal sur Canal+ et les JT. La marque aurait économisé 8 millions d'euros de budget publicitaire d'après Vincent Leclabart (Australie), cité par La Tribune le 10 janvier. De là à se passer de toute campagne publicitaire… «Iliad ne travaille pas avec une agence publicitaire», a lâché Maxime Lombardini, même si Ogilvy avait conçu la saga publicitaire autour de la Freebox Revolution. «C'est là tout le business model de Free: des coûts réseau importants (contrat d'itinérance 3G avec Orange), mais peu en marketing: peu de boutiques et un SAV de base, misant sur les forums d'entraide de Freenautes», résume Virginie Lazès, directrice associée chez Bryan Garnier, une banque d'affaires spécialisée dans les hautes technologies.
Quoi qu'il en soit, Free Mobile impose de nouvelles règles du jeu aux autres opérateurs, même si ceux-ci les avaient anticipées – plus encore les MVNO – à coups d'offres innovantes, de forfaits sans engagements et sans terminal inclus.