Le film «L'Envol», réalisé par l'agence BETC Euro RSCG pour la marque Air France, a été lancé le 14 septembre 2011. Depuis, il a fait parler le monde de la publicité mais aussi le grand public. Diffusé au cinéma, à la télévision et sur Internet, ce spot met en scène un moment dansé entre ciel et ciel. Et l'émotion qu'il a procurée au télespectateur a, de fait, relancé le débat inhérent à ce genre d'opus: est-ce de l'art ou de la publicité? «Ce film flirte avec une esthétique qui peut le rapprocher, en effet, de l'art. Air France a toujours pris des chemins publicitaires différents et, là, la marque a poussé cette recherche à son paroxysme», estime Florence Belisson, directrice de création de l'agence BETC Euro RSCG. Une vision de marque éthérée assumée par la compagnie aérienne qui veut rester dans les hauteurs.
Néanmoins, la réalisation de «L'Envol» tient presque du miracle. Plusieurs fois remis en question face à l'actualité compliquée de la compagnie aérienne en 2011. Menacé par de fortes tempêtes de sable dans le désert de l'Atlas marocain lors du tournage. En réalité, ce film a failli mourir plusieurs fois, et c'est aussi ce qui en fait une des campagnes les plus marquantes de l'année. Retour sur le chemin créatif, de son origine artistique à ses retombées.
Le rough
Au départ, il y a Le Parc, un ballet imaginé en 1994 par le chorégraphe Angelin Prejlocaj dans lequel se trouve ce mouvement de l'envol d'un couple d'amoureux. À l'origine, il y a aussi Air France qui cherche une nouvelle illustration à son célèbre slogan «Faire du ciel le plus bel endroit de la terre». Entre les deux, il y a l'équipe créative de BETC Euro RSCG qui perçoit dans ce mouvement de danse les valeurs de son client: le voyage, la confiance ou encore la quiétude. «Jusqu'au moindre petit détail de la chorégraphie, comme le décollage des pieds de la danseuse, le parallèle nous a semblé évident», souligne Valérie Albou, directrice associée de l'agence BETC.
«Notre défi était de transformer cette chorégraphie en moment Air France», poursuit-elle. Vient alors l'idée de créer une scène entre ciel et ciel, par un effet miroir. Pour des raisons techniques et de temps, le tournage de la scène est d'abord envisagé en intérieur, dans une salle de spectacle. «Pour Air France, nous avons toujours conçu des scènes à l'extérieur. Nous nous sommes battus pour conserver cette ligne», ajoute Florence Belisson. Son argument: moins la scène ressemblera à un spectale, mieux ce sera. Dès lors, deux lieux de tournage s'imposent: Los Angeles ou Ouarzazate. Des lieux où il n'y a pas d'horizon. Pour des questions de coût, le désert marocain l'emporte. De son côté, le styliste Daniel Fumaz imagine des costumes épurés, sublimant les corps des danseurs.
Le tournage
Le chorégraphe Angelin Prejlocaj s'attelle à la réalisation du spot en collaboration avec Fabrice Brovelli, directeur général de l'agence BETC Euro RSCG et le producteur Mourad Belkeddar de Caviar Paris. Le casting leur apparaît vite comme une évidence: le danseur étoile et choréagraphe Benjamin Millepied mettra en mouvement cette figure de l'envol avec la danseuse étoile Virginie Caussin.
Mais le rêve aurait pu s'arrêter là. Au mois de février en plein désert de l'Atlas marocain, les tempêtes de sable se succèdent. De plus, les 40 m2 de glace formant le miroir deviennent une étendue glacée sur laquelle les danseurs doivent néanmoins danser pieds nus... «La nature qui se déchaîne, c'est une leçon d'humilité. C'est elle qui décide de t'accepter ou pas», estime Angelin Prejlocaj. «Le jour où nous avons justement décidé de tourner, le ciel est devenu totalement bleu et cela a duré le temps exact du tournage», se souvient Fabrice Brovelli. Deux jours en tout pour réussir à filmer la scène du spot, un seul plan séquence sans aucun effet spécial.
Pour parvenir à une telle qualité d'image, Mourad Belkeddar s'est entouré du talentueux chef-opérateur Stéphane Fontaine (primé à deux reprises aux César avec Jacques Audiard) et du chef-décorateur Pierre Pell. «En faisant ce film, je n'ai pas eu l'impression de tourner une publicité. Heureusement qu'il existe encore des gens pour permettre d'apporter un peu de magie à notre métier», ajoute Mourad Belkeddar.
La campagne
Au final, naîtront une version de 60 secondes destinée au Web et au cinéma et une version plus courte, déconstruite autour de la scène de l'envol, pour correspondre au format télé. La bande-son originale du ballet de Prejlocaj - le Concerto pour piano n°23 de Mozart - a été réengistrée au studio Ferber. Le choix du classique renforce l'émotion contenue dans le spot. Dix mois après le tournage, Benjamin Millepied en garde un souvenir fort: «Le décor, la chorégraphie d'Angelin et l'équipe m'ont tout de suite donné envie d'y participer. Et, au final, ce film est d'une telle beauté et simplicité que je trouve que c'est un coup de génie. D'ailleurs, beaucoup de gens m'en parlent régulièrement...»