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Dix-huit mois après la plus grande catastrophe écologique de l'histoire des États-Unis, la compagnie britannique reconquiert ses positions en communiquant comme il faut avec qui il faut.

«A turning point.» C'est par cette expression que le PDG de British Petroleum, Bob Dudley, cherche à tourner la page de la marée noire de l'an dernier dans le golfe du Mexique. De fait, la dernière quinzaine d'octobre a réservé son lot de bonnes surprises pour la compagnie pétrolière: profits en forte hausse, contrat colossal de forage en mer du Nord, accord trouvé avec Anadarko, l'autre actionnaire de la plate-forme défaillante Deepwater Horizon, enfin, et surtout, feu vert de l'administration américaine pour lui permettre de redevenir candidate à de nouveaux forages dans le golfe du Mexique.

«Plus sûr et plus fort» est le slogan actuel de BP, qui a fait feu de tout bois pour mettre en avant ses initiatives de compensation et de nettoyage des eaux et plages polluées. «Sans faire appel à une agence de communication», précise-t-on chez le pétrolier.

«Nous avons fourni une quantité énorme d'informations d'une grande richesse. Nous avons monté huit sites Internet différents, avec de très nombreuses vidéos, des webcasts en direct, des briefings techniques, des milliers d'images fixes. Nous avons diffusé un nombre incalculable de messages sur Twitter, Facebook et d'autres réseaux sociaux», déclarait, en janvier dernier dans l'European Energy Review, Neil Chapman, alors responsable des communications raffinage et marketing chez BP. En dépit de l'effet désastreux de cette catastrophe sur l'image du pétrolier, au final, BP semble avoir habilement tiré son épingle du jeu. 

D'où sans doute son attitude résolument «low profile». La conférence de presse des résultats trimestriels de BP, la semaine dernière à Londres, était en effet à l'image des précédentes: morne, glaciale, funèbre. BP fait profil bas, mime la repentance. D'où le ton de croque-mort de Bob Dudley et de tous les officiels amenés à s'exprimer à chacune de leurs apparitions, tous de noir vêtus. C'est tout juste si l'activité de BP n'est pas présentée comme un service public.

Entre donations et lobbying

Mi-octobre, David Cameron a confirmé son propre engagement en se disant fier d'avoir soutenu devant Barack Obama une entreprise «trop importante pour qu'elle soit mise en danger par ce qui s'est passé».

Au-delà de cette partie de lobbying au plus haut niveau en Grande-Bretagne, BP n'a pas négligé les autres leviers. Outre les activités et lieux culturels les plus en vue, le groupe a recommencé à faire des donations à des dizaines de parlementaires américains. Selon les chiffres officiels de la Federal Election Commission, il est redevenu l'un des principaux contributeurs en 2011, après avoir gelé ses donations en 2010.

Parallèlement, la compagnie pétrolière a financé une demi-douzaine de groupes d'influence– au moins 2 millions de dollars versés par trimestre – pour faire pression aux différents étages de l'administration Obama. Le groupe britannique est notamment l'un des plus gros contributeurs au budget de l'ALEC (American Legislative Exchange Council), principal groupe de pression des multinationales.

 «Les donations et les activités de lobbying sont deux choses différentes, indique à Stratégies Tom Susman, directeur des affaires gouvernementales de l'American Bar Association, à Washington. Néanmoins, il est évident que BP est actif sur les deux tableaux, tout comme la plupart des organisations de lobbying. Lorsqu'un politique pouvant peser sur la législation voit sa campagne financée par des tierces parties intéressées, cela pose problème. Ce n'est pas illégal, mais ça ne veut pas dire que c'est éthique. Et même si le système repose intégralement sur des contributions privées, les citoyens savent reconnaître ce qui ressemble à de la corruption.» En somme, BP est un peu l'entreprise que chacun méprise, mais dont tout le monde a besoin.

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