En panne d'inspiration les publicitaires? En 2010, les campagnes faisant écho à d'anciennes publicités se sont multipliées à l'envi sur tous les supports: affichage, télévision et Internet. En septembre 2010, Stratégies pointait la tendance avec une playlist «vintage» de huit campagnes. Au menu: le retour de la Mère Denis, relancée en version 3D par Vedette sur le site Meredenis.com (agence Loeb & Associés), Mousseline reprenant la fameuse mélodie chantée dans un de ses anciens spots de 1978 (Publicis Conseil), Lustucru avec le retour de Germaine et les Martiens (BDDP Unlimited), ou encore Shiva, le spécialiste du ménage à domicile, s'inspirant d'un spot de 1982 entré dans la légende, montrant la glissade de Marie-Pierre Casey pour le dépoussiérant Pliz (agence DDB).
On pourrait aussi citer le retour du chanteur Dave, orchestré en mars par Hémisphère droit pour le compte du fromage hollandais Old Dutch Master. Depuis, deux autres publicités de l'agence ont pris des allures vintage: celle d'Humex, en référence à l'histoire du loup contée dans un spot de la marque créé en 1991, et le film de Bic qui, depuis octobre, invite à recycler ses rasoirs dans un spot réutilisant une campagne de 1995 avec Éric Cantona. Frank Tapiro, président de l'agence, se défend toutefois d'appliquer une quelconque recette, armé d'un rétroviseur. «Que ce soit pour promouvoir un fromage hollandais, qui a vieilli, ou une action de recyclage, avec un spot économe en CO2 tourné en une demi-journée avec des images d'archives, il s'agit d'une réponse stratégique qui colle aux spécificités des marques, pas d'effet de mode», commente Frank Tapiro.
L'eldorado publicitaire du passé
Toujours est-il que la tendance au retour vers le futur ne s'impose pas toujours comme une évidence dans la vie des marques. Par ailleurs, l'exercice est délicat. Les «remake» n'ont en effet pas la fraîcheur et la légèreté créative des publicités des années 1980. Quant une partie de la population ignore les spots auxquels ils font référence, les connaisseurs sont souvent déçus. Ces campagnes émergent, de surcroît, dans des contextes de crise, des périodes de flottement, d'interrogation. «Il est logique, en période difficile, de retourner aux fondamentaux d'une marque, aux valeurs et aux campagnes qui ont fait son unicité et son succès. C'est une façon de se poser, de reprendre des forces, pas un manque d'inspiration», commente Frank Tapiro, qui rappelle que l'ego du publicitaire se cache souvent dans la volonté d'innover, quitte à «changer pour changer».
Si les résultats ne sont pas toujours à la hauteur, c'est aussi que ces «flash-backs» sont en grande majorité imposés par la marque et non apportés par l'agence. «Ce sont les clients qui souhaitent retrouver l'eldorado publicitaire du passé», explique Vincent Leclabart, président d'Australie. Une manière de renouer avec des créations fortes, sans prendre trop de risques? «Le client vit dans la crainte de l'échec. Il ne souhaite prendre aucun risque. Ce qui donne naissance à des campagnes rationnelles et ennuyeuses. Or, toutes ces anciennes publicités à succès ont été conçues par des annonceurs qui avaient le goût du risque», conclut Vincent Leclabart. À bon entendeur…