Comment, en 2010, sensibiliser les jeunes aux méfaits du tabac? En France, la campagne de l'association Les Droits des non-fumeurs (BBDP & Fils) avait fait polémique, en février, en assimilant cigarette et fellation. Globalement, à l'image des campagnes de l'association The Truth aux États-Unis, la communication antitabac se fait de plus en plus musclée, face à une industrie pour laquelle les jeunes restent une cible marketing très importante.
En effet, si la consommation de tabac en France régresse chez les jeunes depuis les années 1990, un tabagisme dur (plus de 10 cigarettes par jour) subsiste parmi collégiens et lycéens. L'enjeu est donc de retarder l'âge de la première cigarette.
L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) a voulu, lui aussi, casser ses codes pour toucher la cible des 14-20 ans sur leur média, à savoir Internet. Mais attention, il ne s'agit pas d'une énième campagne Web. Cette fois, l'INPES bascule dans l'innovation en diffusant, depuis le 16 novembre, un manga interactif baptisé Attraction. Une animation pilotée par l'agence DDB Paris.
L'internaute acteur de l'action
Eux-mêmes passionnés de mangas, les deux créatifs Siavosh Zabeti et Alexander Kalchev sont allés trouver un grand nom de cette littérature japonaise, Koji Morimoto (studio 4C), codirecteur de l'animation du film Akira, notamment. Le scénario d'Attraction nous plonge ainsi dans un Tokyo de 2040. Hiro, Ren et Koichi, les trois héros, vont pénétrer dans un club situé dans les bas-fonds de la capitale japonaise. Dans cet endroit, le monde du tabac a revêtu ses plus beaux atours: branché, glamour et donc très attirant. Le rôle de l'internaute est de sortir les adolescents de cet état d'«hypnose» dans lequel ils se trouvent plongés. «Le message est clair: les "moutons", ce sont ceux qui tombent dans le piège de l'industrie du tabac», résume Alexandre Hervé, directeur de la création de DDB Paris.
Principe de ce manga d'un nouveau genre qui a coûté 300 000 euros: un film de 10 minutes rythmé par une succession d'animations rendues interactives via la webcam de l'ordinateur. «À travers chaque interaction, notre but était de faire de l'internaute un acteur tout en rendant la technologie invisible par ailleurs», explique Anrick Bregman, directeur interactif au sein de la société de production anglaise Unit 9 (lire ci-dessous) avec laquelle l'agence DDB a travaillé.
Côté promotion, au-delà de bannières Web et d'une page Facebook, Attraction sera diffusé du 24 novembre au 28 décembre au cinéma, avant le nouveau Harry Potter et les reliques de la mort.
Production
Unit 9 ou la «prod» 100% Web
Évidemment, Unit 9 ne pouvait être qu'à Hoxton Square. Au nord de la City, ce quartier est devenu depuis deux ans l'un des lieux branchés de Londres, avec une scène artistique en ébullition. À deux pas de la célèbre galerie d'art White Cube, c'est ici qu'officient les sociétés de production anglaises entièrement consacrées au Web, comme Unit 9, l'aînée du marché, ou encore la toute jeune Your Mum.
Fondée en 1996 par Piero Frescobaldi, Yates Buckley and Tom Sacchi, Unit 9 a porté avec succès le modèle de la production TV dans le monde du Net.
Credo commun de ces agences: créer des expériences interactives au-delà de schémas classiques, en mixant créativité et technologie.
En France, il n'existe pas d'équivalent à ces structures de production focalisées sur le Web, une question de volume de marché. Résultat, les agences de publicité françaises, mais aussi les marques et les agences américaines, viennent de plus en plus sur la Tamise chercher ce savoir-faire numérique.
A.-L. C., envoyée spéciale à Londres.