C'est l'ultime camp retranché de la publicité pour le tabac, au grand dam des associations antitabac, qui viennent d'engager une nouvelle action de lobbying. Fin octobre, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) rendait publique une étude menée à la demande du ministère de la Santé et des Sports, fondée sur des «visites mystères» menées dans 400 lieux de vente par l'institut de sondages LH2. Le constat est sans appel: «Près de 80% des débits de tabac ne respectent pas la réglementation en vigueur, 88% présentant des publicités illicites», pointe Emmanuelle Béguinot, directrice du CNCT.
En France, les débits de tabac sont les seuls lieux publics où la publicité pour la cigarette n'est pas interdite. Une exception à la loi Evin de 1991 justifiée par la nécessité d'informer les consommateurs avant leur achat. En contrepartie, la publicité sous forme d'affichettes doit être informative, avec un message sanitaire occupant au moins 25% de la surface… Une ligne jaune que franchiraient les marques de tabac, à en croire le CNCT, qui énumère de nouveaux formats publicitaires illicites: maquettes représentant des paquets en relief, autocollants, objets lumineux, récipients de monnaie aux couleurs de marques ou ajout de mentions sur les affichettes. Exemple: cette publicité pour Lucky Strike qui a été interdite par la Direction générale des douanes en juillet dernier et qui comportait une mention interdite, le prix du paquet, que la marque venait de baisser.
Dernier territoire d'expression
Privées de publicité dans les médias ainsi que dans les manifestations musicales ou sportives, et même sur des lignes de vêtements (une décision de justice du 8 janvier 2008 a épinglé Marlboro Classics), les marques font feu de tout bois sur la PLV, le seul média qui leur reste. «Les équipes de créatifs ont sans doute pour brief de mettre en scène le produit (le paquet) en y ajoutant des aspects séducteurs pour attirer l'attention», explique Thomas Marko, fondateur de l'agence de RP Thomas Marko & Associés, qui a longtemps conseillé des fabricants de tabac. Sans compter que le lieu de vente est «le dernier acte de communication de la marque avant l'achat du consommateur», souligne Karine Gallopel-Morvan, maître de conférence en marketing social, qui a participé au rapport du CNCT.
Quant aux associations antitabac, leur militantisme s'est encore aiguisé face à larécente augmentation de consommation de tabac chez les jeunes et les femmes. Elles déplorent ces publicités très visibles qui se sont diversifiées de la presse aux cartes de téléphonie mobile. «Elles mènent une bataille d'influence auprès des pouvoirs publics en prenant la parole dans les médias, en nourrissant leur action par des rapports et en rassemblant des preuves pour mener des actions en justice. Elles ont longtemps visé les festivals, elles s'en prennent maintenant aux PLV en plein débat parlementaire sur le projet de loi de finances 2011», constate Thomas Marko.
Une action que condamne la Confédération des buralistes: «Le CNCT va trop loin dans l'encadrement autour d'un produit légal, acheté en connaissance de cause par le consommateur», souligne Jean-Paul Vaslin, directeur général de la confédération.