En 1999, l'agence BETC Euro RSCG sort un spot pour Air France qui va faire date. Réalisé par Michel Gondry, «Le Passage» utilise – synchronise, disent les spécialistes – le titre Asleep from day des Chemical Brothers. Aux manettes de ce beau mélange, aux côtés de Rémi Babinet et Éric Tong Cuong, un certain Fabrice Brovelli, que le métier commence tout juste à découvrir. Aujourd'hui encore, le nom du publicitaire reste attaché à ce film, exemple d'une synchronisation idéale. «À la sortie du “Passage”, certains me reprochaient pourtant d'avoir fait plus un clip musical qu'un spot publicitaire», se souvient Fabrice Brovelli, aujourd'hui directeur général de BETC.
Une nouvelle écriture publicitaire voyait alors le jour. Depuis, le «TV producer» Fabrice Brovelli s'est fait un nom. En 2003, son travail pour Evian, avec le titre revisité We will rock you de Queen, viendra asseoir son savoir-faire. Le titre finira disque de platine: 1,3 million d'exemplaires vendus. Mais de l'homme, on ne sait pas grand-chose. Discret, peu exposé, il n'est pas un habitué des longs discours en public. Replié derrière la bannière BECT Music, ce grand timide a pourtant tissé autour de lui un réseau solide. «Fabrice a toujours eu cette conviction que la publicité devait se nourrir des autres arts. Cela peut paraître évident aujourd'hui, mais il y a onze ans, cela sonnait encore très rock dans le monde de la création, se souvient Stéphane Xiberras, coprésident et directeur de la création de BETC Euro RSCG. Avant même la musique, c'est un homme d'images. Dans ce domaine, il a su repérer des talents, comme le TV producer David Green.»
Même sentiment pour Georges Bermann, fondateur de la société de production de films publicitaires Partizan: «Fabrice Brovelli a cette curiosité qu'ont les Anglo-Saxons pour les nouveaux talents, et surtout ceux qui ne viennent pas de la publicité.» Dernière réussite commune: le choix du réalisateur Michael Gracey, auteur du spot «Roller Babies» d'Evian en 2009. «S'il réussit à imposer ses choix originaux, c'est d'abord grâce à son œil avisé en qui Rémi Babinet a, en interne, toute confiance», souligne aussi Georges Bermann. Un appui de choix pour Fabrice Brovelli car une philosophie commune unit, en effet, le directeur général et le cofondateur de BETC Euro RSCG, celle d'une «publicité ouverte sur le monde contemporain».
Passionné de musique, avant de penser publicité: ce pourrait être la définition d'un Fabrice Brovelli. À quarante-six ans, il passe toutes ses soirées dans les salles de concert. Son amour de la musique est ancien. «À seize ans, j'ai découvert les concerts d'Iggy Pop. Ce fut un choc. C'étaient des moments de grande violence et de sang. Les types du premier rang recevaient des coups de guitare», raconte Fabrice Brovelli avec nostalgie. La musique, fil rouge aussi d'un parcours accidenté. Natif de Croix-Rouge, quartier sensible à Reims, il grandit dans un milieu désargenté. Très vite, il enchaîne les métiers: ouvrier en usine, vendeur au porte-à-porte, vidéaste dans l'armée française, musicien dans des groupes de rock, réalisateur de documentaires…
C'est par l'intermédiaire du TV producer Frédéric Genest – avec qui il officiera par la suite en team chez BETC – qu'il débarque chez Young & Rubicam en 1993. «J'allais à la Young comme j'allais à la poste, inconscient du décor publicitaire et de ses enjeux», se souvient Fabrice Brovelli. Mais rapidement, le jeune monteur vidéo est repéré par Jean-Pierre Villaret, qui l'entraîne ensuite dans l'aventure Devarrieuxvillaret. Fabrice Brovelli y restera jusqu'à son départ pour BETC en 1998.
Un prescripteur
Dans toutes ces étapes, la musique a eu sa place. Indéniablement, le publicitaire aurait aimé être artiste. Tant pis. Il tentera plutôt «d'évangéliser son métier à la musique». BETC Music voit ainsi le jour au moment du fameux film de Michel Gondry pour Air France.
Apparaît alors un autre personnage de la sphère Brovelli: Christophe Caurret. Venu de la scène électro et des rave parties, celui-ci prend le titre de «music supervisor» au sein de BETC Music. Dès lors, des platines de DJ aux «synchros» publicitaires en passant par les soirées Panik à l'Elysée Montmartre, à Paris, le duo ne se quitte plus. «On n'est pas de la même génération, on a des goûts musicaux très complémentaires et on se comprend totalement», décrit Christophe Caurret, âgé de trente-huit ans.
Cette passion musicale a sans doute évité à Fabrice Brovelli de tomber dans l'écueil de la guéguerre «publicité contre musique». Même si ses rapports se tendent parfois avec les maisons de disques. «C'est le jeu des négociations. Fabrice doit défendre les marques pour lesquelles il travaille, et nous les artistes», explique Gilles Collot, directeur de la création chez Sony/ATV Music.
«Aujourd'hui, je trouve plus de possibilités de développement pour mes artistes avec BETC qu'avec les maisons de disques», lance, pour sa part, Pascal Sanchez, de Pi-Pole Production. Léo Copet, du duo électro Monsieur Monsieur, le décrit comme «un prescripteur qui aurait envie de faire partager ses goûts au plus grand nombre».
Fabrice Brovelli n'a cependant pas que des amis. Provocateur, le personnage agace même fortement, jusqu'à la détestation. Plutôt un très bon signe dans ce métier, mais il n'empêche, beaucoup ont espéré sa chute. «Quand Rémi Babinet va-t-il en avoir marre de lui?», se sont longtemps demandé certains. Il est toujours là. Peut-être parce qu'il donne justement l'impression de ne pas s'être installé de manière durable. «C'est un grand anxieux, il doute de tout, tout le temps», raconte Christophe Caurret. Si, demain, tout s'arrête, Fabrice Brovelli trouvera bien autre chose à faire, certainement dans la musique. Mais seulement si, demain, tout s'arrête.
Ses faits d'armes
1999. Air France, «Le Passage», Asleep from day des Chemical Brothers.
2001. Orange, «L'Escalier».
2003. Evian, «Voices».
2006. Peugeot 407, «End of the Game ».
2009. Evian, «Roller Babies».
Ce qu'ils disent de lui
Éric Tong Cuong, cofondateur de BETC, Naïve et La Chose
«Évangéliser la publicité à la musique, c'est un travail d'orfèvre qu'on a mené ensemble. Cela nécessite un supplément d'âme que Fabrice possède en lui.»
Christine Micouleau, directrice de la publicité d'Air France
«Par ses choix, notamment musicaux, pertinents et modernes, il a su faire d'Air France une marque bien dans son temps.»
Georges Bermann, PDG de Partizan
«Fabrice sent très bien les choses dans l'air du temps. C'est un homme complètement dans son époque et, pour un publicitaire, c'est une qualité indéniable.»