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La marque a renoncé à son nouveau logo sous la pression des internautes. Pour les professionnels interrogés par Stratégies, c'est une erreur qui reflète une absence de vision stratégique et de culture design.

Le Web 2.0 a encore frappé. Après la marque de jus de fruits Tropicana qui, en 2009, a abandonné un nouveau packaging peu apprécié des consommateurs, Gap a fait machine arrière la semaine dernière. La marque américaine, qui souhaitait changer de logo, a cédé après une semaine de protestation sur les médias sociaux.

«Insipide», «peu sophistiqué», «peu créatif»… Les critiques se sont multipliées sur Twitter et Facebook dès l'apparition de l'identité visuelle sur le site de la marque. Signé Laird & Partners, ce nouveau graphisme, un «Gap» noir sur fond blanc surmonté d'un carré bleu, devait remplacer un logo inchangé depuis vingt ans, un «Gap» en lettres capitales posé sur un carré bleu denim.

La marque a-t-elle eu raison de céder à la pression du Web? «Non, c'est un double aveu d'incompétence et de faiblesse, s'exclame Christophe Pradère, directeur général de BETC Design. Une identité visuelle, c'est un acte de pouvoir. L'entreprise prend position sur un marché, affirme une vision, préempte un territoire. C'est un acte fort vis-à-vis de la concurrence.»

Un avis partagé par Christophe Fillâtre, directeur général de Carré noir, pour qui un logo n'est pas un coup de crayon sur lequel on peut négocier: «C'est l'un des fondamentaux de la marque, qui répond à une volonté stratégique. Il est conçu pour durer.» Selon lui, les critiques auraient dû être l'occasion d'expliquer aux consommateurs le sens de l'identité choisie. D'autant qu'il existe toujours une part de résistance au changement. «Un nouveau logo est souvent critiqué, poursuit-il. Toute nouveauté dérange, mais c'est passager.»

Rester des points d'ancrage

La réaction de Gap qui, dans un premier temps, a demandé aux internautes de proposer leur logo, fait là encore bondir les spécialistes du design. «Un logo répond à un brief, à une vision stratégique», explique Christophe Pradère. «On est ici dans l'univers de la communication, non du design. C'est d'ailleurs une agence de publicité qui a conçu ce logo, commente Christophe Fillâtre. Quand on a une marque mythique, comme Gap, on est dans le lifting, pas dans la rupture. Les évolutions se font à la marge.»

Du coup, la question est de savoir pourquoi Gap a changé de logo. La marque, qui se remet d'une passe difficile, voulait-elle signifier un nouveau départ? Ses porte-parole évoquent la volonté d'être plus moderne, dans l'ère du temps. Quant à la qualité propre du logo… «Ils ont certainement voulu faire plus mode. Toutes les marques du secteur (Naf Naf, Promod, Chanel) ont des typos en noir et blanc. Mais là, on pense plutôt à une société de service informatique ou de nettoyage industriel», indique Christophe Pradère.

«Pourquoi réparer ce qui n'est pas cassé?, s'interroge pour sa part Emmanuel Vivier, de l'agence Vanksen. Le changement ne s'imposait pas. Dans un monde incertain, anxiogène, les marques ont intérêt à rester des points d'ancrage. Changer pour changer n'a pas de sens.» Les marques doivent, par ailleurs, savoir prendre du recul face aux critiques en ligne, qui font toujours plus de bruit que la majorité silencieuse. «Le problème ici, c'est que le logo est affreux, indéfendable», poursuit-il.

Le web 2.0 réclame une certaine forme d'excellence et de courage de la part des marques. Le manque de vision, de parti pris ou de créativité ne pardonnent plus.

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