Sport dans la Ville accompagne les jeunes issus de quartiers prioritaires dans leur insertion sociale et professionnelle par le sport. Marianne Siproudhis, directrice générale de France Télévisions Publicité, a échangé avec ses cofondateurs Nicolas Eschermann et Philippe Oddou, respectivement président et directeur général de l'association.
Quelle a été la genèse de Sport dans la Ville et le déclic initial qui vous a rapprochés tous les deux dans cette initiative ?
Philippe Odou. Nous nous sommes rencontrés à Emlyon Business School. Nous jouions dans la même équipe de foot et, très tôt, nous nous sommes dit que ce serait génial un jour de pouvoir créer une association pour venir en aide à des jeunes qui n’avaient pas eu notre chance et de le faire par le biais du sport pour rencontrer des gens de tous horizons sociaux en partageant une même passion.
Nicolas Eschermann. Nous avions le souci et la volonté de mener un projet commun dans l'environnement social, qui fasse du bien aux autres et à la société. Animés d’un élan entrepreneurial, il y avait quelques ingrédients qui nous tenaient à cœur, comme favoriser l’accès à l’emploi ou en créer et puis pratiquer un sport collectif, notamment le football.
Comment illustrez-vous les principales étapes que vous avez vécues depuis la création de l'association jusqu'à aujourd’hui ?
P.O. Sport dans la Ville est né à Lyon. Nos premiers centres sportifs ont été créés dans des quartiers prioritaires, à Vaulx-en-Velin, à La Duchère, sur le territoire de Givors…Et assez vite, en 1998-99, nous nous sommes rendu compte que ces nouveaux centres attiraient les jeunes, autant pour pratiquer du sport que pour accéder à la formation et à l'emploi. Alors nous avons décidé de faire grandir l'association. Nous avons essaimé à Grenoble, Saint-Étienne, Chambéry. Et depuis une quinzaine d'années, Sport dans la Ville s’est déployée, dans des métropoles où il y a des quartiers prioritaires : l'Île-de-France, la région de Marseille et celle de Lille. Et à chaque fois, trois ingrédients fondamentaux opèrent : la construction d'infrastructures sportives accessibles aux jeunes là où ils résident, un encadrement combinant éducateurs sportifs et spécialistes de l'insertion professionnelle, et la mobilisation de partenaires publics et privés, notamment des collectivités locales et des entreprises, pour soutenir ces initiatives.
Quelle est la singularité et le fonctionnement de Sport dans la Ville en comparaison à d’autres initiatives dans le même domaine ?
N.E. Notre originalité a été d'aller à la rencontre de jeunes, au cœur de leur quartier et en leur faisant pratiquer du sport, avec l'idée de les former pour qu’ils trouvent un emploi. C'est tout le concept de notre association : partir du sport, pas uniquement pour faire du sport, mais aussi pour adhérer aux valeurs véhiculées par le sport, que nous appelons souvent le « savoir être ». Cette dimension de proximité fait partie de notre ADN. La chance de vivre une continuité avec ces jeunes nous distingue aussi. Nous les identifions dès l’âge de 6-7 ans et nous poursuivons notre relation quand ils deviennent adolescents, puis jeunes adultes. C'est vrai que ce lien personnel qui crée la confiance, permet de connaître leur famille, de voir si ça va bien dans leur vie, ou moins bien parfois, nous différencie par rapport à d'autres associations. Notre dernière singularité, c'est enfin notre état d’esprit et notre mode de fonctionnement entrepreneurial. Nous sommes une association dont le but est d'aider des jeunes à réussir et à s'en sortir. Nous tentons de mettre les outils de l'entreprise au service du fonctionnement de Sport dans la Ville.
Quel est votre modèle économique et quels sont vos besoins pour financer vos activités ?
P.O. Notre modèle est simple : nous avons 75% de ressources privées qui proviennent de mécénat d'entreprise, de fondations d'entreprise, de donateurs particuliers, de manifestations, au profit des 12 000 jeunes que nous accompagnons cette année. Et puis, nous avons 25% de financement, de partenariats publics qui proviennent des communes dans lesquelles nous sommes implantés, des métropoles, des régions, des départements et puis de l'État et également de l'Europe. L'association, chaque année, ouvre une dizaine de nouveaux centres sportifs et il y a un vrai défi annuel à remettre en dynamique l'ensemble de nos partenaires pour qu'ils puissent accompagner les actions existantes de Sport dans la Ville et surtout les nouveaux programmes.
N.E. Il y a beaucoup d'entrepreneurs, par exemple, qui ont réussi dans leur entreprise, grâce à l'Internet, au sens large du terme, et qui, de façon généreuse ont créé leur structure ou s'impliquent financièrement dans nos projets. Ils sont plutôt motivés par les programmes d'accès à l'emploi, le programme d'entrepreneuriat « Entrepreneurs dans la ville » ou le programme « Job dans la ville » qui permet à des centaines de jeunes de trouver leur voie professionnelle. Et depuis cinq à six ans, l'État s'est aussi beaucoup mobilisé sur tous ces enjeux liés à la jeunesse et aux quartiers. Le ministère du Travail a développé de nouveaux programmes dont ont été bénéficiaires « les décrochés ». Ce sont des jeunes qui malheureusement sont sortis de toute structure ou de tout cursus d'études. Bpifrance est également un grand partenaire fidèle du programme EDLV.
Au-delà de votre développement sur le territoire national, quelle est votre ambition pour Sport dans la Ville pour les dix prochaines années ?
P.O. Les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 placent le territoire dans une dynamique formidable et Sport dans la Ville a souhaité pouvoir profiter de cet élan porteur. Nous avons travaillé sur la rédaction et l'élaboration d'un plan de développement à dix ans : « Ambition 2032 ». Nous aimerions pouvoir créer au cours des dix prochaines années 100 nouveaux centres sportifs pour aider toujours plus de jeunes. Il y a plus de 1 000 quartiers difficiles en France, et nous intervenons aujourd'hui dans 70 d'entre eux. Nous sommes présents dans 6 des 15 plus grandes métropoles françaises.
Depuis que Sport dans la Ville existe, nous avons accompagné au total 40 000 jeunes. Si ces 100 nouveaux centres voient le jour au cours des dix prochaines années, ce sont 100 000 jeunes au total qui seront accueillis dans les programmes sportifs et dans les programmes d'insertion professionnelle de l'association. Un changement d’échelle est en train de se profiler, avec des enjeux de ressources humaines et financières sur lesquelles il faut qu'on arrive à bien travailler pour accompagner tous ces projets de développement.
Quel rôle vont jouer les Jeux olympiques de Paris 2024 pour renforcer l'impact de votre association ? Aurez-vous des initiatives spécifiques à l’occasion de ce grand évènement ?
P.O. Nous avons la chance d'être en lien depuis sept ans maintenant avec les équipes de Paris 2024. Nous participons au projet d'héritage des Jeux olympiques et paralympiques, avec plusieurs contributions. Nous avons pris l'engagement d'organiser en juillet 2024 des olympiades solidaires, un grand festival international qui va rassembler 600 jeunes du monde entier, 64 délégations qui vont venir en France pendant dix jours, des jeunes de 14 à 17 ans que nous allons accueillir et auxquels nous allons essayer de faire vivre un moment inoubliable, à l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques.
N.E. Cela va être une grande fête pour nos jeunes et leurs encadrants. Ce sera l’occasion d’échanger sur nos meilleures pratiques associatives, nos projets éducatifs, pédagogiques et nos méthodes de travail… Certains des jeunes participeront à l'organisation des Jeux. Nous aurons des porteurs et des porteuses de la flamme et des bénévoles très impliqués dans l’organisation de cet événement unique. Et donc ce sera un vrai temps de travail, mais aussi une grande fête populaire !
Quels sont les plus grands défis que vous rencontrez et quelles sont les plus belles satisfactions que chacun d’entre vous a vécu avec Sport dans la Ville ?
P.O. Le plus grand défi, c'est d’organiser notre développement et notre croissance en renforçant nos équipes pour que la qualité de l'accompagnement des jeunes perdure. Les satisfactions sont permanentes. Nous avons vu des milliers de jeunes passer à Sport dans la Ville, trouver leur voie, être aujourd'hui employés en entreprise ou en collectivité locale. Nous avons même des jeunes de l'association qui, en nombre, ont créé leur entreprise et sont donc entrepreneurs et parfois aujourd'hui emploient 5, 10, 20, 30 salariés. Ce sont des réussites qui font chaud au cœur.
N.E. Nous devons aussi continuer à trouver de nouveaux partenaires animés par la même flamme que nous, pour nous apporter, outre un soutien financier, de la confiance afin de poursuivre notre aventure humaine et collective. Et puis le plus grand défi pour Philippe et moi, c'est sans doute de permettre à Sport dans la Ville de continuer à vivre le jour où on ne sera plus là.
Les satisfactions sont nombreuses… J’en citerai une, en particulier : celle d'avoir traversé le covid ensemble. Nous avons trouvé des moyens de garder le contact avec les jeunes que nous accompagnons. Nous nous sommes digitalisés et modernisés.
Témoignages
Stanislas Martin, créateur de Ginkgo Sport et My Coach by Ginkgo (34 collaborateurs), a rejoint le programme EDLV en 2020
« Je suis arrivé dans le programme “Entrepreneurs dans la Ville” avec un club de fitness, un confinement qui débutait et pas mal de faiblesses. Être dans la famille EDLV m’a offert des opportunités vraiment fortes. Aujourd’hui, je dirige neuf clubs qui chaque jour progressent… et je sais que tout est possible pour celui qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais. EDLV, c'est plus qu'un tremplin entrepreneurial, c’est une révélation d’Homme ! »
Méline, 12 ans, jeune inscrite à Drancy
« Je joue au foot avec Sport dans la Ville depuis deux ans. Au début, j’étais un peu gênée de n'être entourée que de garçons, mais petit à petit, les éducateurs ont fait en sorte que je prenne confiance et que je me sente bien sur les terrains. Le sport m’apporte beaucoup de choses : des amis, de la découverte, des activités différentes de l’école, qui font que je me sens bien. Maintenant, j’ai envie de dire aux autres filles : ayez confiance en vous, faîtes ce que vous avez envie de faire, ne laissez personne choisir à votre place vos passions, vos choix ou vos plaisirs ! »