LE BILLET D’EMMANUEL GAVARD

Les propos tenus par Bruno Retailleau, le nouveau ministre de l’Intérieur, sur «l’État de Droit» interrogent. S’agit-il d’une maladresse ? Impossible…

Un ami qui vous blesse, c’est pardonnable. Un mot plus haut que l’autre, cela arrive. Le temps vient panser la plaie, la parole et l’écoute viennent recoudre la morsure. Mais un politique qui dit un mot de travers, dans une interview écrite, à 100 % relue, annotée, corrigée… Ce n’est pas une erreur. Ce n’est pas un écart, ce n’est pas une idée qui échoue maladroitement sur les rives sablonneuses d’une phrase. Remettre en cause « l’État de Droit », c’est très grave. Affirmer qu’il n’est point « intangible », ou « sacré », c’est vouloir le déboulonner. Peu importe la cause qui pourrait lui apparaître supérieure. Notre ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, aurait pu expliquer les limites de la loi, il aurait pu évoquer les principes de la désobéissance civile, qui, quand une cause paraît « collectivement juste », invite les citoyens à désobéir ensemble – à leurs risques et périls -, pour faire évoluer les textes. Mais non, Monsieur Retailleau a remis en cause la hiérarchie des normes, celle qui affirme qu’il y a « une règle de droit supérieure à la puissance publique, qui vient la limiter et lui imposer des devoirs », selon le juriste Léon Duguit, dans son Traité de droit constitutionnel. Ce dernier combattait la philosophie allemande, des théories « néfastes » qui estimaient que l’État pouvait faire le droit sans limite. Des théories « qui conduisent nécessairement à la politique d’absolutisme à l’intérieur et à la conquête à l’extérieur », précisait-il. C’était en 1911. L’Histoire lui a donné raison.

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