Le géant de la tech a lancé une fonctionnalité qui permet d’effacer les publicités d’un site web, faussant toutes les statistiques, sans prévenir personne. L’adtech et tout l’open web sont très inquiets.

Et voilà qu’il rechute. Quelques semaines après avoir fait des efforts pour se conformer au Digital Market Act, et limiter la casse de sa position hégémonique, le géant Apple remet une pièce dans la machine avec une nouvelle fonctionnalité, Distraction Control, qui met tout le marché de la pub en hyperventilation. Après les cookies tiers et l’App Tracking Transparency, le titan à la pomme veut permettre à ses utilisateurs de personnaliser les éléments qui le gênent sur une page web. En un clic, il peut supprimer les éléments de la page à sa guise. Et notamment les pubs. « D’abord nommée “Web Eraser”, la fonction avait été annoncée en mai 2024. Avec d’autres interprofessions, nous avions écrit une lettre ouverte à Tim Cook, le PDG, pour faire part de nos inquiétudes », rappelle Pierre Devoize, directeur général adjoint chez Alliance Digitale. Elle était restée lettre morte. « Quelques mois plus tard, et sans aucune concertation avec le marché, voilà que la fonctionnalité revient, et sera déployée dans IOS 18 courant septembre ! », s’alarme-t-il. L’association a prévu en urgence une réunion d’information pour tous ses membres le jeudi 19 septembre. « Officiellement, nous n’avons que 10 mots qui la présentent. Mais nous avons pu faire des tests nous-mêmes », détaille-t-il.

Concrètement, il s’agit d’une fonctionnalité pour le moment manuelle, qui permet en cliquant sur un élément (une bannière, un player vidéo, une partie du texte, un titre, une image…) de le supprimer. « L’élément ne disparaît pas, mais il n’est plus visible grâce à une surcouche », précise-t-il. (Safari masque le CSS au sein du code HTML, comme si vous modifiez la page avec la console du code source). Ce qui, en matière de publicité, fait que l’impression reste comptabilisée. Distraction Control fausserait ainsi toutes les statistiques de visibilité… Pire : les pop-up de consentement pour le dépôt de cookies (consent management platform) peuvent être supprimés aussi. En cas de disparition, le site prend ça pour un non. « Il n’affiche plus aucune publicité sur le site », s’inquiète Pierre Devoize – tout dépend visiblement des ad-serveurs utilisés. « Le problème, c’est que cela empêche les éditeurs de se plier au RGPD ! », alerte-t-il.

Pour beaucoup, le problème est très grave. « Car au-delà de cette fonction manuelle, Safari peut enregistrer les paramètres quand vous actualisez la page ou que vous vous baladez sur le site », argue Pierre Devoize. L’Alliance Digitale a ainsi testé la fonction « Focus Profiles » de Distraction Control, qui crée un « profil de concentration » du site en question. « Le souci, c’est qu’en moyenne, un internaute français consulte 49 sites différents par an, ce n’est pas si énorme », se tracasse-t-il. Au bout de quelques semaines, la plupart des sites habituels d’un internaute pourraient ne plus rien afficher des publicités. Un autre outil, comme « Smart Suggestion », recommande même des suppressions pour de nouveaux sites, en fonction de vos préférences. « Mais évidemment, les environnements dynamiques, comme les réseaux sociaux, eux, continuent de tout afficher », déplore-t-il. Encore une entaille dans l’open web avec cette nouveauté pour laquelle Apple, en tant que Gatekeeper (au sens du DMA), n’a prévenu personne.

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