Entre l’année de la confirmation pour les challengers de l’IA générative, Corinne de Bilbao chez Microsoft, ou Sophie Poncin chez Utiq… Qui faut-il suivre en 2024 ?

Les fondateurs de Mistral

Alors que son nom était sur toutes les lèvres en cette fin 2023, Mistral AI sera-t-elle à la hauteur des attentes ? Guillaume Lample, Arthur Mensch et Timothée Lacroix, les fondateurs, ont levé 385 millions d’euros en décembre, et tout le camp politique a misé sur eux pour devenir le ChatGPT européen. Le but ? Concrétiser la souveraineté européenne en matière d’IA, et ne plus dépendre des acteurs américains. C’est notamment en pensant à eux, et à leurs cousins allemands Aleph Alpha, que l’AI Act a cristallisé tant de tension, afin de ne pas limiter l’innovation et permettre leur développement. Poussée par l’ancien ministre du Numérique, Cédric O, présent au board (et qui réaliserait au passage une bonne plus value), et d’autres investisseurs du numérique, la levée a été réalisée auprès de Salesforce, CMA-CGM, BNP Paribas, ou encore Nvidia. Reste que cette très jeune pousse devra confirmer techniquement tous les espoirs que l’Europe met en elle. Car l’IA n’est-elle qu’une question de moyens ?

Hugging Face : l’IA open source

Les trois frenchies sont attendus aux tournants. Clément Delangue, Julien Chaumond et Thomas Wolf, ont créé Hugging Face en 2016, maintenant implantée aux États-Unis. Au départ, ce n’était qu’un bot pour adolescents, mais les jeunes spécialistes ont su négocier le virage de l’IA avec un positionnement particulier : l’open source. Pleinement ancrés dans la culture geek, les fondateurs ont préféré créer un carrefour de l’IA, où tous les développeurs peuvent partager leurs modèles de langage ou des jeux de données. Chacun peut ainsi être amélioré et développé par d’autres. En tablant sur le travail collaboratif, Hugging Face mise sur la transparence et le contrôle par le nombre. Cela permet également de mettre en valeur des modèles plus flexibles, plus économiques et adaptables à certaines tâches que les IA « fondations » du type Bard ou ChatGPT, qui reviennent à louer une Ferrari pour déménager une ampoule. Si certains posent la question de la viabilité du modèle économique de l’IA en open source, et de la réalité concrète de « l’ouverture » des algorithmes, la société attire pourtant tous les regards. Elle a levé 200 millions de dollars en août 2023, notamment auprès de Google, Amazon ou encore Nvidia.

Anne Bouverot au Comité de l’intelligence artificielle générative

Face aux grands changements attendus du fait des progrès en IA générative, le gouvernement s’est doté d’un Comité de l’intelligence artificielle générative, appelé à résoudre bon nombre de questions. Présidé par Anne Bouverot, la présidente du conseil d’administration de l’ENS, et Philippe Aghion, économiste de l’innovation, il est composé de treize membres parmi lesquels Luc Julia, Yann Le Cun (deux visions opposées de l’IA), mais aussi Nozha Boujemaa, coprésidente du groupe d’experts IA de l’OCDE et digital trust officer de Decathlon, ou encore Isabelle Ryl, directrice du Paris Artificial Intelligence Research Institute, de l’Inria. Il doit présenter des propositions concrètes, très attendues, à la fin du premier trimestre 2024 afin d’éclairer la stratégie nationale en matière d’IA.

Corine de Bilbao, DG France de Microsoft

Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France depuis juillet 2021, orchestre les impacts dans l’Hexagone de la montée en puissance de Microsoft. L’avènement de l’IA générative a en effet permis à Microsoft de revenir sur le devant de la scène, puisque le géant technologique a opéré toute l’année dernière de nouveaux investissements massifs qui vont toucher tous les produits, notamment le moteur de recherche Bing. C’est un retour en force sur le terrain du search, mais également sur les outils collaboratifs ou encore la pub digitale. Corine de Bilbao, 55 ans, a occupé pendant 28 ans divers postes de direction au sein du groupe General Electric dans les secteurs de la santé, de l’énergie, et du pétrole et du gaz, culminant en tant que présidente en France. À partir de 2019, elle a dirigé la division internationale de Segula Technologies. À Microsoft, elle poursuit les engagements de la multinationale dans l’écosystème numérique en faveur de la transformation des organisations, et œuvre pour un avenir durable et inclusif.

Sophie Poncin, DG France d’Utiq

2024 sera l’année de la fin du cookie tiers, que Google supprimera progressivement, et notamment pour 1 % des utilisateurs de Chrome à partir de janvier. C’est pour répondre à ce nouveau marché de la pub en ligne, que les opérateurs téléphoniques ont créé Utiq, un consortium d’ad tech, porté par Orange, Deutsche Telekom, Telefónica et Vodafone, et ouvert à tous. La filiale française a été lancée en juin 2023, avec à sa tête, Sophie Poncin, ex-présidente d’Orange Advertising, passée par France Télévisions et Google. C’est elle qui a lancé le projet d’identifiant opérateur en France, transformé depuis en identifiant européen, qui est lui-même la raison de la création d’Utiq. Car les opérateurs ont bien senti qu’ils avaient une carte à jouer sur le marché de la publicité digitale… L’année 2024 sera l’année du test des solutions alternatives, et Utiq va devoir convaincre de la viabilité et de la pertinence de sa solution. La société a déjà noué un partenariat avec Adform, comme partenaire DSP.

Justine Ryst, DG France de YouTube

Alors que la plateforme intègre de plus en plus les progrès de l’IA générative, YouTube relève également le défi de la monétisation des YouTube Shorts, les formats courts qui viennent contrer les Reels d’Instagram et les vidéos TikTok. 2024 sera une année charnière pour la plateforme, qui voit la consommation de son format court exploser, et pour lequel la monétisation doit suivre, afin de ne pas phagocyter sans revenu les formats plus longs. Justine Ryst, la patronne France, ex-directrice des partenariats de X (ex-Twitter), arrivée en 2017, doit donc convaincre les annonceurs de considérer pleinement ce format dans leur plan média.