Le Sénat renforce le projet de loi pour « sécuriser » internet avec des mesures de lutte contre le cyber-harcèlement, les escroqueries par mail ou SMS, les deepfakes ou encore l'accès des mineurs aux sites porno. Un amendement pour enrayer l'appel aux émeutes sur les réseaux sociaux a été retiré.
Le Sénat a étoffé mardi 4 juillet le projet de loi du gouvernement pour « sécuriser et réguler » internet. Ce projet de loi doit permettre d'adapter le droit français aux nouveaux règlements européens DMA (Digital Markets Act) et DSA (Digital Services Act). Ceux-ci imposent aux plus gros acteurs du numérique une batterie de nouvelles règles en matière d'abus de position dominante ou de régulation des contenus problématiques.
Ce projet de loi est aussi une occasion d'intervenir « dans les désordres qui s'accumulent dans l'espace numérique » et touchent en particulier « les Français les plus modestes, les plus âgés », ainsi que les enfants, a souligné le ministre chargé de la Transition numérique Jean-Noël Barrot.
Accès à la pornographie
Ainsi, dans la lutte contre l'accès des mineurs aux sites pornographiques, le texte renforce les pouvoirs confiés à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Selon l'Arcom, 2,3 millions de mineurs visitent chaque mois un site pour adulte. L'autorité de régulation se voit chargée d'élaborer « un référentiel » avec les exigences techniques auxquelles devront répondre les systèmes de vérification d'âge pour l'accès aux sites. Elle pourra ordonner le blocage, sans la décision d'un juge, des sites pornographiques qui ne vérifient pas l'âge de leurs visiteurs.
Le Sénat a en outre adopté deux dispositions, formulées par la délégation du Sénat aux droits des femmes dans son rapport « Porno : l'enfer du décor », qui visent à imposer de nouvelles contraintes aux éditeurs de sites pornographiques. Ils vont « compliquer la vie des éditeurs de sites porno, et c'est le but », a déclaré la socialiste Laurence Rossignol.
Un filtre « anti-arnaques »
Le Sénat a validé en soirée deux autres mesures phares du projet de loi. Face aux multiples tentatives d'escroqueries par mail ou SMS, le projet de loi met en place un « filtre anti-arnaques » gratuit adressant un message d'avertissement à toute personne qui s'apprête à se diriger vers un site identifié comme malveillant.
Le texte prévoit aussi une nouvelle peine complémentaire de « bannissement » que pourra prononcer un juge lorsqu'il condamnera une personne pour des faits de haine en ligne, de cyber-harcèlement, ou autres infractions graves. Les sénateurs ont étendu le champ des infractions concernées, intégrant les menaces et intimidations contre les élus. Le Sénat a aussi adopté un amendement du rapporteur centriste Loïc Hervé créant « un délit d'outrage en ligne », punissable d'une amende forfaitaire délictuelle (AFD) de 300 euros.
La chambre haute a aussi donné son feu vert à des amendements du gouvernement ciblant explicitement les « deepfakes » ou hypertrucages, techniques de synthèse qui permettent de créer des vidéos ou images trompeuses, parfois extrêmement réalistes.
L'amendement du sénateur Patrick Chaize
Le rapporteur LR Patrick Chaize a retiré son amendement proposant de pouvoir obliger les réseaux sociaux à bloquer l'accès, dans un délai de deux heures, aux contenus incitant de façon manifeste à la violence, et ce alors que la France connaît actuellement plusieurs nuits d'émeutes suite à la mort du jeune Nahel, tué par un policier.
Le sénateur s'est rangé derrière la proposition du ministre d'engager la réflexion dans le cadre d'un groupe de travail, « pour que nous puissions d'ici la rentrée trouver une rédaction qui conviendra ». « Il faut leur mettre des responsabilités, mais si les responsabilités les conduisent à enfreindre la liberté d'expression, alors là ça veut dire que nous n'avons pas tout à fait trouvé les bonnes formules », a affirmé Jean-Noël Barrot, alors que le rôle d'amplification des réseaux sociaux a été pointé dans les violences de ces derniers jours en France.
Concernant les entreprises françaises utilisatrices du cloud, le projet de loi entend réguler certaines pratiques commerciales répandues sur le marché des services d'informatique qui altèrent le jeu de la concurrence. Parmi les autres mesures, est prévue une plateforme unique centralisant les données relatives aux meublés de tourisme mis en location dans chaque commune.
Enfin, en commission, les sénateurs ont proposé une première définition en droit des jeux à objets numériques monétisables (Jonum), « à la croisée des jeux de loisirs et des jeux d'argent et de hasard », et les ont autorisés à titre expérimental pour une durée de trois ans. Le Sénat poursuit, mercredi 5 juillet, l'examen du texte.