Apple a dévoilé le 5 juin sa première innovation majeure depuis plus de sept ans, un casque de réalité «mixte» (virtuelle et augmentée) qui pourrait porter un coup fatal au «métavers», concept nébuleux d’un internet immersif en 3D porté par son rival Meta, selon les spécialistes.
Tim Cook, le patron de la marque à la pomme, n’a pas mentionné une seule fois le terme « métavers » pendant la présentation de son « Vision Pro, un casque ressemblant à un masque de ski qui permet à l’utilisateur de choisir le degré d’immersion souhaitée, grâce à une molette faisant passer de la réalité augmentée (AR, surimposition d’éléments virtuels sur la réalité) à la réalité virtuelle (VR, immersion complète).
« Tim Cook a déclaré publiquement qu’il n’aimait pas utiliser ce mot, qu’il ne pensait pas qu’il avait une véritable signification », souligne James Whatley, directeur de la stratégie chez Diva, une agence de marketing. Reste qu’avec ce « nouveau produit révolutionnaire », commercialisé à partir de 3 499 dollars en début d’année prochaine, le géant californien des technologies met de fait un pied sur le terrain de son rival Meta (Facebook, Instagram…) et son casque Quest Pro, qui émarge à 1 199 euros.
La réalité virtuelle est actuellement dominée par le géant des réseaux sociaux - les casques de sa marque Quest représentaient plus de 80 % du marché fin 2022 -, selon le cabinet Counterpoint. Fin 2021, Facebook est devenu Meta dans l’idée de devenir une entreprise du métavers, décrit par le patron Mark Zuckerberg comme l’avenir d’internet, après le web et le mobile.
Mais cette nouvelle priorité stratégique a été plombée par des lancements ratés, des graphismes douteux, l’absence d’une voie claire vers la rentabilité et le sentiment général que peu de gens savent encore de quoi il s’agit. « Plus vite Meta s’éloignera de ce mot, plus il sera en mesure de lutter contre l’empiètement d’Apple dans cet espace », estime James Whatley, alors que Reality Labs, la division dédiée au « métavers » de Meta, a perdu 4 milliards de dollars jusqu’à présent.
« Potentiel à long terme »
Selon Tom Ffiske, qui dirige la lettre d’information spécialisée Immersive Wire, Apple adopte toutefois une stratégie différente. « Apple ne cherche pas à construire un vaste écosystème […] avec un appareil moins cher, comme Meta avec la gamme Quest », souligne-t-il. « L’entreprise cherche plutôt à monétiser une sous-section déjà lucrative de son public avec des abonnements et des logiciels à forte marge ».
« Apple a, à juste titre et de manière très traditionnelle, ancré cette technologie dans les expériences du monde réel », renchérit James Whatley. Une vision qui contraste, selon lui, avec celle de Meta, consistant à « créer un avatar 3D de soi-même avec des jambes qui peuvent ou non exister dans un monde où il n’y a rien à faire ». De quoi faire dire à Martin Peers, du site internet dédié aux nouvelles technologies The Information, qu’Apple venait de faire ressembler Meta à BlackBerry, le défunt fabricant canadien de smartphones, en fournissant « une vision crédible du potentiel à long terme de la réalité augmentée ».
Pourtant, les analystes restent divisés quant à la perspective de voir de tels produits décoller un jour auprès du grand public, même si la technologie immersive n’en est qu’à ses débuts et qu’il y aurait finalement assez de place pour les deux géants de la Silicon Valley. Surtout depuis que Google a abandonné le mois dernier pour de bon ses Google Glass -- des lunettes à réalité augmentée qui n’ont jamais trouvé leur public.