[Tribune] Selon sa nouvelle classification des publicités vidéo digitales, l'Interactive Advertising Bureau a décidé que le son doit être activé pour qu’une publicité puisse revendiquer l’appellation «in-stream», la plus rémunératrice. Une décision lourde de conséquence.
La nouvelle agite depuis plusieurs mois l’écosystème de la publicité vidéo digitale : la distinction entre in-stream et out-stream, jugée dépassée, fait désormais place à une nouvelle classification édictée par l'Interactive Advertising Bureau (IAB). Désormais, les publicités vidéo digitales seront réparties en quatre catégories : in-stream, contenu d'accompagnement, interstitiel et «standalone».
L’in-stream désignait historiquement toutes les publicités accompagnant des vidéos que l’utilisateur avait choisi de regarder. Traditionnellement, ce format génère une meilleure visibilité, et se monnayait donc plus cher, que l’out-stream, qui désignait les publicités vidéo autonomes, non liées à un contenu éditorial.
Avec cette nouvelle classification, une publicité ne pourra plus se contenter d’être diffusée avec une vidéo éditoriale pour prétendre au titre d’in-stream. Le son devra être activé, sous peine d’être reléguée dans la nouvelle catégorie des «contenus d’accompagnement».
La diversité des modes de consommation, la grande oubliée de la classification
Cette nouvelle classification aura pour effet de renchérir le coût des formats in-stream, qui deviendront par définition plus rares : seules les campagnes diffusées sur des plateformes spécialisées dans la vidéo pourront prétendre à ce titre. Les campagnes diffusées par exemple dans le cadre de contenu écrit, et donc sans le son, verront mécaniquement leur prix chuter même si leur impact reste important.
Cette nouvelle classification pose un autre problème : en affirmant que la qualité d’une publicité tient au fait qu’elle comporte ou non du son, elle oublie l’utilisateur. D’abord, parce qu’un nombre croissant de consommateurs regardent généralement des contenus vidéo sans le son, en lisant uniquement les sous-titres.
Ce choix dépend également du contexte dans lequel se trouve l’utilisateur, et du device utilisé. Il semble logique d’activer le son chez soi, sur une télévision connectée par exemple, mais de le désactiver lorsqu’on consulte le même contenu sur son smartphone, dans un lieu public. La classification de l’IAB, en ne tenant pas compte de cette réalité dans les modes de consommation, établit donc une distinction artificielle entre «vrai» et «faux» instream.
Mesurer l’attention pour rendre à l’utilisateur sa place centrale
Surtout, la qualité d’une publicité ne peut se mesurer à l’aune du son : l’important est de mesurer l’engagement et l'intérêt qu'elle suscite auprès de l’utilisateur. C’est pourquoi de nombreux outils de mesure de l’attention se développent aujourd’hui, afin de fournir de vrais indicateurs de qualité qui tiennent compte de l’expérience utilisateur.
Ils montrent que l’attention ne dépend nullement d’une fonctionnalité «son» activée ou pas. Ce qui crée l’attention, c’est avant tout la qualité de l’environnement dans lequel une publicité est proposée, la pertinence contextuelle entre le message publicitaire et le contenu, et bien sûr les qualités intrinsèques de la création publicitaire. C’est en mesurant cette attention que la marque s’assure de créer un réel engagement avec l’utilisateur, c’est elle qui doit définir la qualité d’un contenu publicitaire.
Avec cette classification, l’IAB a légitimement cherché à aider l’ensemble de l’écosystème à mieux s’y retrouver entre les myriades de formats publicitaires, de qualité variable, qui pullulent sur le web. Mais cette distinction basée sur le seul critère du son risque de produire un effet négatif : pénaliser les sites médias de qualité, et les éditeurs indépendants, qui ne peuvent pas toujours produire suffisamment de vidéos, et risquent donc de voir leurs revenus chuter. Il serait plus juste, et plus efficace, de distinguer, au sein de la catégorie in-stream, les publicités selon leur mode et leur durée de consommation par l’utilisateur. Car c’est, au final, lui et lui seul qui doit choisir le degré auquel il souhaite s’engager avec une marque.