TRIBUNE

[Tribune] Pour se conformer à la nouvelle réglementation sur le ciblage publicitaire prévue par le Digital Services Act, Twitter et Meta pourraient devoir réduire considérablement l’intérêt de leurs comptes payants.

Depuis le début de l’année, Twitter et Meta ont annoncé et lancé des services payants en complément de leurs offres «traditionnelles» gratuites. Si les «fonctionnalités» associées à ces abonnements ont été dévoilées, aucune information ou presque n’est disponible sur le traitement algorithmique qui est réservé à ces publications. Il semble toutefois possible de déduire des informations dont nous disposons que les publications des comptes d’abonnés pourraient voir leur visibilité favorisée par les algorithmes des plateformes.

Les Conditions Générales de Twitter Blue ne nous apprennent rien à ce sujet, mais l’aide en ligne précise qu’un abonnement permet d’obtenir un «classement priorisé dans les conversations, (…) cette fonctionnalité priorise vos réponses aux tweets avec lesquels vous interagissez». Les FAQ ajoute à ce jour : «Les utilisateurs de Twitter constateront désormais une légère préférence pour les réponses de comptes certifiés Blue par rapport aux autres réponses.»

Quant à Meta, le support en ligne consacré au sujet indique que la version en test offre à ses abonnés une «visibilité et portée accrues grâce à une mise en avant dans certains domaines de la plateforme, comme la recherche, les commentaires et les recommandations».

Répondre aux contraintes légales encadrant la publicité en ligne

Il existe donc manifestement une forme de priorisation sur ces plateformes d’un contenu «payant» par rapport au contenu gratuit, mais dont l’opacité persistera sans doute tant que les règles du Digital Services Act (DSA) sur la transparence des algorithmes et l’explicabilité des systèmes de recommandation ne seront pas entrées en vigueur et applicables.

Mais si ces contenus bénéficient d’une visibilité accrue en contrepartie d’un paiement, ne faut-il pas les considérer comme des contenus sponsorisés devant répondre aux contraintes légales encadrant la publicité en ligne ? Il s’agit en effet de financer la promotion d’un contenu au bénéfice de l’activité du titulaire du compte.

Plus encore, les publications étant suggérées aux utilisateurs dans leur «fil» par un système algorithmique de recommandations personnalisées, il pourrait s’agir de publicité ciblée. Or, outre le fait que les publicités doivent être clairement identifiées, rappelons que le DSA prévoit une obligation pour les très grandes plateformes de donner un choix aux utilisateurs de bénéficier d’alternatives aux recommandations fondées sur le profilage.

Réduire l’intérêt des comptes payants

L’application de cette obligation aux publications des comptes payants placerait les plateformes face à un dilemme : respecter la nouvelle réglementation sur le ciblage publicitaire et réduire considérablement l’intérêt des comptes payants, ou se placer volontairement en situation de non-conformité vis-à-vis de la réglementation européenne.

L’objectif de la Commission européenne étant d’accroitre la transparence des mécanismes publicitaires et d’anéantir les effets néfastes des pratiques déloyales voire subliminales permises par les fonctionnalités de certaines très grandes plateformes, il est peu probable que cette seconde option soit pérenne.

Face à une réglementation européenne de plus en plus stricte, verra-t-on apparaitre une pluralité de modèles, dont l’un sera adapté au cadre réglementaire européen ? Ou est-ce que les plateformes préfèreront privilégier une forme d’unité, confirmant ainsi la capacité de l’Union européenne à édicter des normes à portée extra-territoriale ?

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