[Billet] La désinfluence, ou « deinfluencing », désigne une démarche critique par rapport à la consommation, mais s'assortit invariablement de nouvelles recommandations. Ainsi, le soufflé retombe tout seul : désinfluenceurs et influenceurs semblent, peu ou prou, de la même eau.
Mieux vaut entendre cela que d’être sourd. Le dernier buzzword, le dernier sujet putaclick désigne un nouveau mouvement qui ferait trembler les ultra-consuméristes influenceurs : place à leurs antagonistes, les « désinfluenceurs » ! Ceux-ci se présentent comme des guides dans la jungle du marketing et de la vie trop chère. À l’instar de la vidéaste Alyssa Kromelis, dont la vidéo sur TikTok a été visionnée plus de 5,5 millions avec ce message : « Voici toutes les choses que je vais vous désinfluencer d’acheter en tant que personne qui dépense des milliers de dollars en produits de santé, de beauté et de coiffure, mais qui aime économiser un peu d’argent. » La désinfluence, ou « deinfluencing », si on veut être encore plus chic, désigne donc une démarche critique par rapport à la consommation. Peur ! Les désinfluenceurs, horde enragée de dangereux gauchistes ? Pas un instant : car la désinfluence s’assortit invariablement de nouvelles recommandations…Diable. S’il est une chose dont notre société est sur-consommatrice, c’est bien de néologismes inutiles. Car l’influence n’est-elle pas, par essence, positive mais aussi négative ? Et l’inverse de l’influence, ne serait-ce pas plutôt la neutralité ? Le soufflé retombe tout seul : désinfluenceurs et influenceurs semblent, peu ou prou, de la même eau. Effrayante inflation des mots et des valeurs… On ne peut s’empêcher de penser à cette phrase de Quino, dessinateur argentin de l’inénarrable Mafalda, observatrice consternée du monde moderne : « Mieux vaut vivre dans un pays influent que dans un pays sous influence »…