La radicalisation anti-écolo monte dans l’opinion. Certains médias et politiques en profitent. Leur fonds de commerce ? Le déni.
Au secours ! les « écoterroristes » veulent restreindre nos libertés individuelles. Sus à « l’écologie punitive » qui souhaite nous ramener à la chandelle, nous rhabiller en tuniques de chanvre (qui grattent !) et nous nourrir de boulgour. La radicalisation anti-écolo monte dans l’opinion et les politiques surfent sur cette nouvelle vague d’un populisme de plus en plus affiché qu’ils espèrent électoralement payant. Je me souviens de la publicité Atmos de Volkswagen, il y a près de quinze ans, qui nous avait fait sortir de nos gonds car elle ridiculisait la vision d’un modèle de vie décarboné et tournait les écolos en dérision (une bande de hippies complètement perchés et doctrinaires). Nous étions furieux mais on rigolait quand même, on comprenait le décalage publicitaire. Là, on est seulement atterré et on ne rigole plus du tout. Il faut dire qu’à la même époque, Claude Allègre faisait la une du Point avec son ouvrage L'Imposture climatique que le magazine sous-titrait complaisamment « Peut-il avoir raison contre tous ? ». Au moins c’était clair. On connaissait les intentions, on décryptait la manipulation. Nous étions certains que personne ne serait dupe.
La maison brûle et on regarde CNews
Quinze après, tout s’embrouille. Les démagogues de tous poils jouent des peurs de déclassement et de la dénonciation des élites (définition même du populisme) pour attiser la colère et fracturer le corps social sur le thème de l’environnement et du climat. L’écologie et l’ensemble des mesures de préservation des écosystèmes sont présentés comme une « éco-dictature » technocratique aux méthodes anti-démocratiques. Des médias, désormais installés, se repaissent de ces discours et alimentent les réactions haineuses sur la toile. La maison brûle et on regarde CNews. C’est dingue.
Nous qui faisons de la communication, savons ce que le langage véhicule et comment se façonnent les représentations sociales. Aujourd’hui notre régulation professionnelle interdirait la pub Volkswagen. Mais qui régulera les avalanches de clics déclenchées par des bataillons de data scientists à la solde de puissances et d’intérêts qui veulent le pouvoir aux dépens du bien commun ? Leur fonds de commerce anti-écolo est immense : c’est le déni. C’est-à-dire le besoin puissant de nier les menaces écologiques pourtant réelles. Comme Bruno Latour l’a brillamment raconté, un nouvel acteur fait irruption sur la scène mondiale et se met à perturber la pièce. Il est plus puissant que tous les acteurs existants. C’est le vivant. Économiquement, sanitairement, politiquement, il domine tout et tout le monde. L’accélération des pandémies ? C’est lui. Les sécheresses, les bulles de chaleur qui enflamment nos récoltes sur pied, sinon nos zones d’habitation, quelle armée les repoussera ? Quel arsenal nucléaire dissuadera des ouragans, des inondations ? Quelles autorités arrêteront la montée des eaux, les moustiques vecteurs de la dengue, les méga-feux ? Le vivant nous tient à la gorge, bien plus solidement que nous ne le pensons. Le déni, c’est l’incrédulité face à ce nouvel acteur. C’est ce moment où l’on ne VEUT pas voir et où on préfère penser que les écolos sont d’insupportables rabat-joie.
Et nous, les communicants ? Nous avons la clé pour répondre au déni : le récit. Un autre récit, qui contrecarre la fiction de la domination de l’humain sur le vivant. Portons-le. Quant aux fermes de trolls, ce sont des collègues (si si !). Ils raisonnent comme nous, avec les mêmes outils, les mêmes objectifs de perf, de reach, d’engagement… Leurs messages de déni transforment la foule en arme, la galvanisent électoralement et poussent à des « assaut du capitole » ou les tracteurs menaçant Paris et ses contraintes environnementales. Mais bonne nouvelle : le vivant lui aussi fait sa com. Les catastrophes que nous endurons hélas, dont les images envahissent les écrans – même ceux de CNews – sont des campagnes puissantes contre l'incrédulité. L’impact de ces images-là, aucune ferme de troll n’y résistera.