Anne-Sophie Cruque, managing partner France de Biggie Group, revient sur les grandes actualités de la semaine.
Le rachat d’Altice Media par CMA CGM.
C’est un gros mouvement dans le monde des médias qui pose la question de leur indépendance et de leurs financements. Les raisons pour lesquelles Altice s’en sépare ont été beaucoup commentées dans la presse : la société avait besoin de financement. CMA CGM a déjà réalisé bon nombre d’acquisitions ou de prises de participations dans les médias. Ces industriels contribuent au pluralisme en les faisant vivre, mais il pourrait en résulter une certaine « coloration » à surveiller. Seul le temps pourra nous le dire. Car l’appartenance à un grand groupe industriel crée une suspicion d’interventionnisme même si CMA CGM a tenu à rassurer en affirmant ne pas être intrusif.
La plateforme TikTok qui pourrait être interdite aux États-Unis.
Il est amusant d’entendre l’ambassadeur US en Chine parler de symétrie de traitement entre les deux pays. C’est vrai. Les plateformes américaines n’ont pas le droit de cité en Chine. Aux États-Unis, tous les influenceurs sont vent debout, car cela attaque directement leurs revenus. TikTok fait vivre beaucoup d’entreprises. Mais c’est comme pour les groupes médias détenus par des industriels, on se pose forcément la question de la transparence de l’actionnariat, comme des algorithmes, de l’utilisation des données… On voit bien que cela influence les élections… Selon moi, la seule solution serait la création d’un organisme tiers international qui auditerait ces plateformes mondiales en s’assurant que l’éthique et d’autres paramètres soient respectés.
Le parlement qui crée un malus contre la Fast Fashion.
Je ne sais pas réellement comment on peut « détourer » le sujet objectivement. Deux entreprises chinoises emblématiques de la fast fashion sont clairement visées. Ne serait-ce pas une forme de protectionnisme ? Je suis dubitative. Comment encadrer correctement ces pratiques ? Sur quels critères s’entendre ? Il ne faudrait pas que ce soit castrateur pour toute une industrie. Surtout dans une période de crise du pouvoir d’achat en France. D’une manière générale, je suis davantage pour la valorisation des modèles vertueux que la sanction des mauvaises pratiques.
La première « semaine des métiers de la communication ».
Personnellement, j’aimerais que cette semaine soit un moment de transmission d’espoir auprès des jeunes sur nos métiers. Leur montrer que la communication peut contribuer à faire un monde meilleur, montrer son rôle dans la démocratie, son influence pour favoriser les bons comportements. Faire comprendre que nous avons un rôle à jouer, une responsabilité et que chaque média, ou marque, est comptable de ce qui est publié. Si on mettait en avant cette dimension d’utilité de la publicité sur la démocratie, de financement des médias ou des services publics via l’affichage en ville, par exemple, on pourrait montrer qu’elle est vertueuse, retirer la cape sombre de la société de consommation et déclencher des vocations.
Le Monde qui s’associe avec OpenAI.
Si l’accord ne concerne que la lecture des articles par l’IA, je comprends que les journalistes aient réagi au quart de tour, pour se protéger, et mettre en avant la valeur des plumes, du fond, de la richesse des points de vue : de leur métier. Se rapprocher de l’IA peut être une très bonne chose, tout dépend de comment ce sera utilisé. Si c’est pour aller plus loin sur les sujets, effectuer davantage de recherches, d’enquête et ne pas se limiter à rentabiliser le modèle et l’appauvrir, alors oui. Je ne suis pas dogmatique, mais personnellement, je ne suis pas prête à me dire qu’un article du monde puisse être rédigé à 95 % par une IA. Il y a une écriture, une valeur humaine dans le journalisme à laquelle je tiens.