Les principaux marchés de communication et d’organisation de Paris 2024, ainsi que les budgets des partenaires Premium et des sponsors officiels, ont été raflés par les agences parisiennes. Dans ce contexte, comment les agences en région peuvent-elles tirer profit de l’événement et accompagner leurs clients au-delà de l’encombrement médiatique ? Un article également disponible en version audio.
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L’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 a clairement eu un impact sur la structuration des agences de communication et d’événementiel spécialisées dans le sport. En 2019, Publicis crée Publicis Sport, une création motivée par l’approche des Jeux. En 2022, Paname 24 voit le jour, fruit d’une joint-venture entre cinq agences : Auditoire, Havas Events et Double 2, Obo et Uni Bene. Puis, c’est au tour d’Hopscotch de créer une entité Sport. Les grands réseaux internationaux se sont tous positionnés sur les principaux appels d’offres du Comité d’organisation et ont chacun remporté un marché important. Les grands budgets des partenaires et sponsors officiels ont aussi tous été raflés par de grandes agences installées à Paris.
Au-delà des grands groupes de communication, comment les agences de communication en région peuvent-elles participer aux Jeux ? « L’intérêt de ces grands événements sportifs, les Jeux olympiques comme la Coupe du monde, c’est qu’ils génèrent des externalités positives pour l’ensemble du territoire », rappelle Magali Tézenas du Montcel, directrice générale de Sporsora, l’association interprofessionnelle des acteurs de l’économie du sport. « Les sites olympiques en région permettent de faire partager les Jeux : l’ensemble du territoire peut ainsi mieux profiter des retombées », poursuit-elle.
Double enjeu
« En matière de communication, Paris 2024 doit répondre à un double enjeu », complète Guillaume Allilaire, brand strategist à Publicis Activ, réseau implanté dans les grandes villes de province. « Tout d’abord, dans un contexte international angoissant, les JO doivent permettre aux Français de vivre un moment plus joyeux, tout en renforçant le lien entre les citoyens. Ensuite, comment Paris 2024 peut-il "faire descendre" cet événement mondial au niveau local ? », s’interroge-t-il.
Force est de constater que peu d’agences basées en dehors de l’Île-de-France semblent réellement impliquées dans des opérations liées aux JO. « J’entends davantage les particuliers parler de ce rendez-vous sportif que les agences, ou bien encore les annonceurs. La compétition – sportive comme publicitaire – est mondiale. Le fait que les agences régionales soient retenues reste exceptionnel », indiquait fin 2023 à Stratégies Frédéric Cronenberger, patron de l’agence Novembre et président de l’Union des conseils en communication du Grand Est. « L’effet JO est surtout remarquable pour les grandes marques et les grandes agences internationales », renchérit Frédéric Chaigne, cofondateur et coprésident de l’agence LMWR, qu’il définit comme une « agence nationale qui a un pied en dehors de Paris ».
L’engorgement sur la ligne de départ est telle que cela a conduit certaines agences à ne pas s’y positionner. C’est le cas de Rouge Vif qui compte quatre agences en région. « Les Jeux engagent des montants très importants, mais avec une activité très conséquente sur une période très courte », constate Vincent Baculard, son président. « Or notre stratégie consiste à nous concentrer sur les activités qui nous permettent de construire notre développement sur le long terme. Paris 2024 risquait de nous amener à retirer des ressources chez nos clients, c’est pourquoi nous avons préféré ne pas nous engager », explique-t-il.
Course économique
Pourtant, la plupart des agences régionales entendent tout de même se placer sur la ligne de départ. « Nous faisons un métier de compétition : nos clients sont dans une course économique, ils veulent gagner des places », souligne Frédéric Chaigne. L’agence nantaise vient d’ailleurs de modifier sa signature, devenue « Challenger first » : « Nous nous adressons aux marques challenger, comme aux leaders, qui veulent garder un esprit de challenger », dévoile son cofondateur.
Même volonté de ne pas se laisser distancer chez Publicis Activ. « Les JO nous poussent à être extrêmement pro-actifs, à prendre contact avec l’ensemble de nos clients. Mais compte tenu de l’importance de la communication des partenaires officiels, cela nous oblige à réfléchir différemment, à avoir une approche encore plus décalée et créative que d’habitude », explique Guillaume Allilaire.
L’agence LMWR a préempté le vocabulaire sportif pour proposer des opérations autour de l’univers des Jeux à ses clients. Elle a, par exemple, créé une rubrique « Mouillez le maillot » pour le site MyProvence, lancé « La Course à la culture » pour des musées des Bouches-du-Rhône ou encore les « Jeux gastronomiques de Saône-et-Loire », permettant de mettre en avant les chefs et les spécialités culinaires locales. « On peut se permettre de faire du buzz sur l’actu et un hacking sur l’esprit des Jeux mais en faisant attention à bien protéger les droits de tous les acteurs en présence », constate Frédéric Chaigne.
Créée en 2022 à Marseille, l’agence Doors Sport, spécialisée dans les technologies Web3 est arrivée trop tard dans la course aux appels d’offres du Cojo. « La région de Marseille est très dynamique sur les new techs et le gaming. Les projets autour des Jeux sont justement l’occasion de mettre en avant Marseille sur les sujets technologiques », revendique sa cofondatrice Karen Jouve. Si Doors Sport n’a pu se positionner en amont de l’événement sportif, elle entend bien profiter des retombées qui vont en découler. « La question de l’héritage des Jeux est particulièrement important à Marseille où il y a de fortes disparités de population », souligne Karen Jouve. « L’un des enjeux de la ville est de pouvoir apporter sport et bien-être pour tous. » L’agence s’est rapprochée d’acteurs de la santé pour proposer des solutions via la gamification. « Nous nous mettons en capacité d’accompagner nos clients dans l’après-Jeux ». Une autre compétition s’annonce…