À un peu plus d’un an des Jeux olympiques de Paris 2024, les agences finissent de se structurer pour être prêtes à participer au plus grand événement sportif mondial, que ce soit comme prestataires du Comité d’organisation, pour le compte des partenaires officiels mais aussi de leurs clients, qui entendent bien participer à la fête. Un article également disponible en version audio.
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Alors que la France s’apprête à célébrer le J-365 avant le début des 23e Jeux olympiques et paralympiques d’été, qui se dérouleront à Paris du 26 juillet au 11 août, puis du 28 août au 8 septembre 2024, les agences de communication achèvent leur structuration en vue de cet événement majeur. Participer à l’organisation de l’un des temps forts des Jeux, accompagner les fédérations et les équipes olympiques, conseiller les partenaires officiels et mettre en place des activations, mais aussi permettre à toutes les autres marques de s’associer à Paris 2024 : la palette de missions événementielles et de communication que les agences peuvent mener est extrêmement large. L’enjeu est évidemment stratégique pour le secteur de la communication. Dès 2016, le Centre de droit et d’économie du sport estimait les retombées économiques globales des JO entre 5,5 et 10,7 milliards d’euros, la moitié étant liée à l’organisation (1,4 milliard d’euros avant, 3,6 milliards en 2024 et 400 millions après).
Ces dernières années, les grands groupes de communication ont renforcé leur expertise dans le domaine sportif et, pour celles qui n’en étaient pas dotées, créé des agences ou départements spécialisés. En 2019, Publicis créait Publicis Sport en France. L’année dernière, Hopscotch donnait naissance à son entité Sport grâce au rachat et au regroupement d’Alizeum (conseil), Sport & Co (régie) et UniTeam (marketing). « Dans le sport, nos compétences étaient un peu diffuses, il nous manquait une unité dédiée, admet Frédéric Bedin, président du directoire de Hopscotch, agence retenue pour les cérémonies de clôture. S’il n’y avait pas eu les Jeux olympiques, nous n’aurions pas mis autant d’énergie à créer Hopscotch Sport. » Les Jeux ont aussi été un déclencheur chez Publicis. « Les JO, comme la Coupe du monde de rugby, font partie des événements qui ont motivé la création de Publicis Sport, admet Guillaume Cossou, coprésident. Paris 2024 constitue un tremplin exceptionnel pour faire décoller une agence. »
L’une des meilleures façons d’être acteur de Paris 2024 est d’assister le Comité d’organisation (Cojo) dans l’une des étapes des Jeux, la plus emblématique étant évidemment la cérémonie d’ouverture (un milliard de téléspectateurs à travers le monde). Pour emporter l’appel d’offres de la production exécutive des cérémonies d’ouverture, Auditoire (TBWA/Omnicom Group), Havas Events, Double 2, Obo et Ubi Bene se sont associées au sein d’une joint-venture : Paname 24. « Dès le départ, il nous a semblé légitime de candidater pour la cérémonie d’ouverture, rappelle Cyril Giorgini, CEO d’Auditoire. Mais, pour des questions de taille, de surface financière [le budget de la cérémonie est évalué à 100 millions d’euros] et d’affichage sur le marché, nous avons estimé que nous ne pouvions y aller seuls, qu’il fallait créer une équipe de France de l’événementiel. »
Même constat chez Double 2, qui s’est rapproché en 2021 d’Obo et Ubi Bene pour fonder The Banner. « Paname 24, ce n’est pas une alliance de circonstance, nous nous sommes rapprochés de gens avec qui nous avons des valeurs communes et avons mis en commun des talents au plus haut niveau », explique Thomas Deloubrière, associé-fondateur de The Banner. « Pour participer à une telle aventure, il faut parfois montrer ses muscles », souligne Céline Jobert, coprésidente de Lafourmi. En février dernier, l’agence qui avait travaillé sur la stratégie digitale de Paris lors de la candidature, et qui est chargée de la communication du Relais de la flamme, annonçait la création du groupe The Fan Syndicate, réunissant LaFourmi, Leroy Tremblot (branding) et Doors Sport (Web3).
Les agences mondiales peuvent aussi être impactées par la décision d’un client de regrouper tous ses budgets de communication au sein d’une même entité. C’est la décision prise par Coca-Cola, partenaire du CIO et de l’olympisme depuis 1928, qui a donné naissance fin 2021 à une agence intégrée. « WPP Open X est un nouveau modèle d’agence ; c’est la première agence totalement intégrée au niveau mondial », se félicite Cécile Berger, responsable pour la France. « C’est une transformation majeure » pour le groupe, qui a nécessité plus d’un an pour un déploiement complet au niveau mondial. C’est « l’incarnation de ce que WPP peut faire de mieux en termes d’intégration en mobilisant dix agences de façon très réactive », poursuit Cécile Berger.
Talent management
Au-delà de la création d’entités spécialisées ou d’alliances, les agences renforcent leur expertise, recrutent et forment des collaborateurs aux enjeux des JO. Les retombées attendues sont telles que tous les acteurs - quelle que soit leur taille ou leur spécialisation - devraient en profiter. « De la même façon que les athlètes se préparent plusieurs années à l’avance pour participer aux Jeux olympiques et paralympiques, cela fait des années que nous recrutons et formons des talents dans l’univers du sport », souligne Stéphane Guerry, président et CEO de Havas Play. « Paris 2024 est une expérience "once in a lifetime" [une fois dans une vie], nous nous y préparons donc depuis longtemps, renchérit Frédéric Bedin chez Hopscotch. Les JO constituent un véritable enjeu RH : nous devons à la fois recruter de nouveaux talents et gérer les plannings dans une année qui va être très active. »
« Les Jeux constituent évidemment un enjeu business, mais aussi une opportunité pour nos collaborateurs de développer des expertises, d’innover et de créer de nouveaux standards pour les futures olympiades, estime Céline Jobert, pour The Fan Syndicate. La montée en compétences de nos collaborateurs va laisser une forme d’héritage. »
Chez Havas, les 15 clients partenaires des JO représentent « un véritable avantage compétitif », selon Stéphane Guerry. « Tout d’abord parce que les talents vont là où il y a des opportunités. Ensuite, parce que cela nous permet de créer des synergies entre partenaires. Enfin, cela nous donne la capacité de faire face aux pics de charge en 2024, détaille-t-il. Havas Play, c’est plus que du sport. Cela nous permet d’élargir les savoir-faire de Havas Sports & Entertainment [en mai 2022, Havas Play a remplacé cette entité du groupe Havas] et d’investir de nouveaux territoires dans le social media, les jeux vidéo pour toucher tous les publics, notamment les plus jeunes. »
Publicis Sport, de son côté, s’est structuré autour d’anciens sportifs de haut niveau. Ceux-ci ont notamment pour objectif de faire jouer leurs réseaux pour convaincre les athlètes de rejoindre les équipes d’ambassadeurs des clients de l’agence. « À ce jour, 50 athlètes sont sous contrat, soit environ 10 % de la délégation française », se réjouit Guillaume Cossou, lui-même ancien membre de l’équipe de France de karaté.
Le développement des compétences et la formation font partie des enjeux majeurs des agences engagées dans les JO. « À l’instar des test-events mis en place par le Cojo, The Banner a élaboré des phases de tests et de montée en charge de compétences pour ses collaborateurs », détaille Thomas Deloubrière. Auditoire a mis en place un guichet de talent management afin de doter les équipes des meilleurs profils. « Il s’agit d’assurer nos missions pour les JO mais aussi de faire en sorte que l’agence soit en capacité de poursuivre son développement après », explique Cyril Giorgini.
« Au cœur de l’expérience incroyable des JO, il y a d’abord une aventure humaine, souligne Céline Jobert. En termes d’expérience professionnelle, il y aura un avant et un après Paris 2024. » Stéphane Guerry le confirme : « les Jeux vont nous permettre de former les talents de demain. »
Quel héritage ?
Et après 2024, quel « héritage » (pour reprendre l’un des engagements clés de Paris 2024) laisseront les Jeux dans le paysage de la communication ? « Le vrai sujet, pour nous entrepreneurs, est évidemment de démontrer notre capacité à réaliser nos missions, mais surtout notre capacité à exporter ces savoir-faire », affirme Thomas Deloubrière.
Les poids lourds du secteur espèrent bien capitaliser sur l’expérience acquise pour jouer dans la cour des grands au niveau mondial. « Grâce à Paris 2024 et aux expertises développées, Havas entend se positionner comme un acteur légitime et significatif des Jeux de Los Angeles en 2028 », dévoile Stéphane Guerry. Omnicom Group et Auditoire veulent manifestement aussi jouer un rôle majeur dans l’organisation de l’olympiade américaine. « Auditoire s’inscrit dans une vision à long terme. Notre ambition est de créer une équipe de niveau mondial pour concurrencer les principaux acteurs de l’organisation de grands événements de sportainment », révèle Cyril Giorgini. La course pour LA 2028 est déjà ouverte…
Les principales agences retenues par Paris 2024
Vision Paris 2024 : Buzzman.
Conseil et création : BETC-Havas Sports & Entertainment.
Conseil et achat média : 1000Mercis, Dentsu France, Havas Media France, Labelium et Publicis Media.
Événementiel :
Journée olympique : Double 2 Relais de la flamme (collectif de 7 agences, dont RNK, LaFourmi pour la communication et Double 2 pour l’événementiel).
Cérémonies d’ouverture : Paname 24 (joint-venture entre cinq agences : Auditoire, Havas Events, Double 2, Obo et Uni Bene).
Cérémonies de clôture : Hopscotch Terre de Jeux, Publicis Sports pour l’animation du label et l’activation événementielle.
Produits dérivés : agence W.