Génétiquement résilient, le monde de l’événement voit en 2023 une année de reprise et de retour à la normale. Mais malgré une activité soutenue et des indicateurs positifs, la prudence reste de mise. Un article également disponible en version audio.
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Après une année 2022 très spéciale, marquée par une reprise survoltée de l’activité qui, combinée à la pénurie de talents et de matériaux, a mis la filière en surchauffe, 2023 s’annonce comme celle d’un retour à la normale. « Après avoir été bousculés par une reprise face à laquelle nous manquions d’effectifs, la situation est à peu près normale, mais des postes restent à pourvoir, observe Pierre-Louis Roucaries, coprésident d’Unimev et directeur général de Mandelieu Destination. On voit toujours beaucoup d’événements se faire en présentiel, ce qui est plutôt rassurant pour les professionnels. L’activité de la filière est à 90 % de celle d’avant covid. »
Une étude réalisée par Marketing Insight pour Lévénement auprès de 115 annonceurs confirme la tendance, rappelant que la dimension humaine, l’échange et le contact direct sont la principale motivation de 89 % des répondants. Elle souligne également que si 52 % des manifestations sont organisées de façon hybride, 42 % le sont toujours uniquement en présentiel et que seuls 6 % des événements sont désormais organisés en full digital. Un signal fort pour le marché qui, même s’il a su s’adapter aux contraintes imposées par les confinements en intégrant le digital pour dématérialiser l’événement, reste organisé autour la rencontre physique.
Cette reprise du présentiel est particulièrement notable dans l’univers des salons. « Nous avons accueilli en 2022 le même nombre d’événements qu’en 2019, un résultat lié à une reprise de l’activité amplifiée par l’effet de rattrapage des événements déprogrammés, précise Pablo Nakhlé Cerruti, ex-directeur général de Viparis. L’année a également été marquée par le retour des exposants, moins nombreux mais plus satisfaits de leur ROI. » Après les exposants, les organisateurs de salons espèrent pour 2023 le retour des visiteurs, ce qui semble être le cas si l'on se réfère à la densité des allées du dernier Salon international de l’agriculture, qui s'est déroulé du 25 février au 5 mars à Paris Expo Porte de Versailles.
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L’optimisme est également de rigueur du côté de Paris Entertainment Company (nouvelle marque de la SAE POPB, qui gère l’Accor Arena, le Bataclan et la future Adidas Arena). « Nous avons battu notre record de ventes de billetterie. Fin janvier, nous avons réalisé 30 % de ventes de plus qu’en janvier d’une année pré-covid, annonce Nicolas Dupeux, son directeur général. Le besoin de rencontre est fort, notamment sur l’entertainment. La demande confirme le rôle central de l’événement et la place de notre métier pour générer de l’émotion et faire passer des messages. »
Mais si l’optimisme semble de rigueur, notamment du fait d’un calendrier riche pour les mois à venir (Coupe du monde de rugby à l'automne, JO de Paris 2024…), les professionnels restent prudents. « 2023 est une année en suspens, où la visibilité est quasi inexistante et où la situation économique de certains secteurs d’activité reste problématique, rappelle Nicolas Dudkowski, fondateur associé de Double 2. Si les acteurs du luxe, des cosmétiques et des produits premium se portent bien, il n’en va pas de même pour d’autres comme l’automobile [gros consommateur d’événements]. »
L’inflation, l’augmentation des prix de l’énergie, la guerre en Ukraine et ses effets indirects, sans oublier les tensions sociales que connaît le pays sont autant de paramètres qui peuvent impacter l’activité événementielle. « Nous n’avons pas de garantie à moyen et long terme, confirme Pierre-Louis Roucaries. Pour les sites événementiels, le coût de l’énergie est un vrai sujet. Certains ont vu leur facture multipliée par trois, quatre voire cinq, ce qui a forcément un impact sur les résultats. Cette situation nous rappelle que la transition énergétique est notre plus grand défi. »
À l’automne dernier, 2 milliards d’euros avaient déjà été investis au niveau national pour contribuer à l’effort de transition. Mais le chantier est énorme tant la diversité des lieux est grande. Si tous les bâtiments récents et à venir intègrent dès leur conception les nouvelles normes, la mutation est plus compliquée et souvent plus coûteuse pour les autres.
Trois questions à Nicolas Dupeux, directeur général de Paris Entertainment Company
L’année 2023 semble bien commencer. La période de tension est-elle derrière nous ?
L’activité est effectivement très soutenue mais nous sommes revenus à une situation plus raisonnable. Les problèmes de pénurie de matériaux et de matériels sont résolus. Il y a toujours quelques soucis au niveau des ressources humaines du fait de l’accumulation des changements de vie opérés par certains depuis le covid et des besoins des très grands événements à venir que sont la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques de Paris 2024.
On parle beaucoup de mutation des grands sites comme les vôtres vers un concept de lieux de vie…
Ces sites deviennent des lieux de destination dans lesquels les visiteurs doivent pouvoir trouver tout ce dont ils ont besoin en plus des salles et des espaces initialement prévus pour les organisateurs d’événements. C’est la raison pour laquelle nous y intégrons aujourd’hui des restaurants, des bars, des espaces de coworking pour les entreprises. Et parfois, comme à l’Accor Arena, un playground de basket, un cinéma en plein air, ou des espaces comme le Phantom, permettant aux participants de prolonger la fête tard dans la nuit.
L’autre grand sujet est celui de la RSE. Comment la gérez-vous ?
C’est un sujet sur lequel nous sommes très engagés : l’Accor Arena est depuis juin 2022 la première arena certifiée ISO 20121. Plus largement, nous travaillons sur l’économie d’énergie, la gestion des fluides, l’inclusion, la parité... Concernant les bâtiments, l’intégration des nouvelles exigences en matière de RSE demande une vraie réflexion sur nos modes de fonctionnement tant pour l’accueil des événements que dans la vie de tous les jours.