Supplément event
Faut-il y voir une conséquence de la crise ou une simple coïncidence ? Ces derniers mois ont été marqués par une succession de rapprochements d’agences, du simple regroupement à la fusion complète.

Il y a près d’un an, Double 2, Ubi Bene et Obo officialisaient la création de The Banner, une structure chapeau dont les trois agences sont coactionnaires. Début 2021, le groupe S’cape et Chaïkana annonçaient leur rapprochement pour constituer S’cape Chaïkana. En mai dernier naissaient La Phratrie, regroupant une douzaine d’agences sous l’impulsion de La Fonderie, et WMH Project, issu de l’association de FC2 Events, PHB Events et Mondial Events… En douze mois, une bonne quinzaine d’agences ont ainsi franchi le pas.

Une offre étendue

En pleine crise sanitaire, après dix-huit mois d’inactivité et sans visibilité pour envisager sereinement l’avenir, on pourrait y voir un réflexe de survie. Interrogé en début d’année dans Stratégies, Gad Weil, fondateur de La Fonderie, expliquait ainsi le concept de La Phratrie : « Comme les étourneaux, la Phratrie aura la faculté de mobiliser rapidement toutes ses forces pour faire face au danger, tout en gardant leur indépendance de mouvement. » Mais là n’est pas la principale motivation des agences. D’abord parce que la plupart des structures concernées, nourries aux aides de l’État, n’étaient pas en situation de péril. Pour René Célestin, fondateur d’Obo, la création de The Banner répond davantage à un souhait d’atteindre une envergure suffisante pour pitcher sur des appels d’offres jusqu’alors réservés aux grosses structures : « Nous affichons à nous trois – Ubi Bene, Double 2 et Obo – des expertises métiers et une crédibilité internationale forcément bénéfiques. Nous pouvons proposer aux clients historiques de chaque agence une palette de services plus étendue, une réflexion plus large… The Banner est la structure qui fédère tout le new business. » Nicolas Dudkowski, directeur associé de Double 2, complète : « Cette organisation a l’avantage de rassurer nos clients acquis. Ce qui ne nous empêche pas de faire jouer les synergies créatives, stratégiques, etc. 100 % des 70 collaborateurs de nos structures ont déjà un rôle dans The Banner. » Annoncés ces derniers mois, ces regroupements ont le plus souvent été initiés bien avant le début de la crise. « Nous réfléchissions au rapprochement de nos structures depuis 2017, confient Franck Chaud, ex-FC2, coprésident de WMH Project, et Émeline Bernard, ex-PHB, directrice générale et associée. Nous travaillons ensemble depuis longtemps sur des projets événementiels, FC2 comme agence d’événements corporate, et PHB comme expert de la création de stands et de spatial design. Nous avons un ADN commun et une ambition commune : créer de l’engagement au quotidien. Il n’y avait pas d’urgence, mais simplement une envie d’associer nos expertises, d’évoluer et d’aller plus loin en créant des synergies. » Suivant cette logique, WMH Project a récemment intégré Mondial Events et son expertise incentive et travel qui, au terme du processus de fusion, disparaîtra donc comme les autres pour ne faire plus qu’un avec WMH Project. On retrouve le même besoin d’évoluer chez Gad Weil pour lancer La Phratrie : « Il faut bouger, se diversifier, intégrer les usages de son temps. Sans renier ce que nous sommes, il faut apprendre à créer de nouvelles rencontres, à raconter d’autres histoires, à chercher de nouveaux talents. Ces derniers mois nous ont donné le temps de réfléchir, de nous confirmer qu’un ancrage local faisait sens. Nous avons pris le temps d’étudier les dossiers d’agences aux expertises complémentaires (communication médicale, digital, relations médias, communication commerciale…), dont huit ont rejoint les quatre structures qui faisaient déjà partie de La Phratrie. » Organisée autour de trois pôles – event, communication, innovation et services –, tout en respectant l’intégrité des agences qui la composent, La Phratrie revendique une expertise événementielle large servie par 250 collaborateurs répartis sur (presque) tout le territoire.

Des opportunités grâce à la crise

Si elle n’a pas été la cause de ces regroupements, la crise a clairement accéléré le processus, reconnaît Stéphane Abitbol, président du groupe S’cape : « J’avais déjà le projet de compléter mes métiers et mes expertises pour constituer un groupe dédié à l’événement et au live, la crise a provoqué les opportunités. Les discussions avec Chaïkana ont débuté en octobre 2020 pour se conclure en mars 2021. D’ici à 2022, d’autres rachats devraient nous permettre de créer une base solide en événementiel et marketing sportif, en événement grand public et dans l’univers du luxe. » Le groupe espère ainsi devenir pour ses clients l’agence de référence pour traiter toutes les problématiques relationnelles B to B et B to C. Ambitieux. Mais il ne suffit pas d’assembler des expertises complémentaires pour réussir : « Il faut bien garder à l’esprit que tout le monde ne vit pas l’expérience de la même façon. On n’intègre pas six personnes comme on intègre une entreprise complète, rappelle Émeline Bernard. Il faut identifier les différentes compétences ou expertises, se demander qui fait quoi et comment. » Et Franck Chaud d’ajouter : « Il est important de respecter le rythme biologique de chaque partie pour laisser à la greffe le temps de prendre. Il faut contrôler sa boulimie collaborative et accepter de ne pas tout partager tout de suite avec tout le monde. » Car la tentation est grande de vouloir utiliser immédiatement l’ensemble des ressources. « Il faut prendre son temps, insiste Émeline Bernard. Si la situation peut générer de la frustration, elle évite la déception. Il faut bien accrocher les wagons avant de démarrer ! »

Le maître mot : s’adapter

Mais pour assimiler les équipes, les cultures d’entreprise et les technologies, les professionnels comptent aussi, et surtout, sur une de leurs spécificités : leur capacité à s’adapter, à gérer l’imprévu, la nouveauté, les contextes, les contraintes… « Nous mixons les compétences comme on mixe les samples en électro pour créer quelque chose à partir d’éléments disparates (un hélicoptère, une musique baroque, des grenadiers à cheval…), illustre Gad Weil. Les équipes apprennent les unes des autres, ici sur le social media, là sur la compliance dans la finance, ailleurs sur la santé… ». Ce qu’on appelle communément l’agilité. 

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