Marché
La période de crise sanitaire a vu se multiplier les évolutions au sein des agences avec l’introduction de nouvelles organisations, l’attribution de nouveaux rôles et l’intégration ou le renforcement d’expertises. De quoi aborder avec ambition la relance prochaine de l’activité.

Si un « monde d’après » n’est pas forcément encore très visible, nombre d’agences ont mis à profit la période de crise pour procéder à un aggiornamento de leur organisation, tout en élargissant leur palette de compétences. Ainsi, Razorfish, agence de Publicis, a intégré de nouveaux talents au sein de la direction générale mais aussi créé une « team RSE » pour structurer les référents existants. « Elle défriche les nouveaux sujets autour de la responsabilité digitale, explique sa présidente Sandrine Vissot-Kelemen, et elle va mettre en place les actions concrètes de Razorfish », afin d’accompagner les clients sur une écoconception digitale, peu consommatrice de ressources, et l’accessibilité numérique. Porté par une forte croissance, Castor & Pollux s’est de son côté organisé en groupe, en créant en avril cinq départements d’expertises, dont un dédié à la formation digitale. « L’objectif est d’accroître la partie sachante chez nos clients, indique Julien Cocquerel, l’un des cofondateurs de l’agence. L’avantage n’est pas tant le gain de temps que la capacité du client de challenger la production et l’amélioration de la qualité des échanges. Cela permet d’avoir un échange unique pour répondre aux besoins des clients. »

Hopscotch mise, elle, sur une organisation matricielle autour de quatre grandes verticales et trois autres en transversal, le tout devant aboutir à un croisement des expertises. « Les équipes sont désormais centrées sur des typologies de clients et des approches de communication », ajoute Cécile Granat, managing director. Un dispositif qui s’accompagne d’une plus forte responsabilisation des seniors responsables des équipes. « Ils sont désormais pleinement en charge des business », précise Charles-Antoine Colomb, autre managing director.

Nouvelles expertises

Se munir de nouvelles compétences devient tout aussi incontournable. Razorfish a renforcé ses expertises dans le social commerce et le live shopping pour s’adapter à la transformation des plateformes sociales en places de marché. Un mouvement similaire est en cours dans le corporate, avec l’intégration de talents capables de « repenser les écosystèmes digitaux et rendre les discours de marque plus en proximité avec les nouvelles audiences », indique Sandrine Vissot-Kelemen. Constatant que les laboratoires pharmaceutiques cherchaient de nouveaux modes d’interaction avec les professionnels et les patients, Publicis Health mise lui aussi sur une plus forte intégration avec les différentes expertises du groupe : Epsilon pour la data ou Publicis Sapient pour la business transformation. « L’enjeu est d’être le point d’entrée privilégié des clients santé vers l’ensemble des expertises du Groupe Publicis, explique son directeur général Matthias Moreau. Nous avons intégré de nouvelles expertises comme le social listening, qui se pratiquait peu dans la communication santé. Or il s’avère vital pour capter les nouvelles tendances ou les signaux faibles. » En parallèle, la création s’est enrichie d’une plus forte expertise digitale et des profils scientifiques ont étoffé les équipes. D’autres agences misent sur des rapprochements pour relever les défis du rebond économique annoncé. Constatant que l’expansion des possibilités techniques a augmenté les opportunités pour les annonceurs, à condition de les maîtriser, et que le territoire de la communication s’étend désormais au B to B et à toutes les parties prenantes, y compris l’interne, Australie s’est rapprochée de M & CSaatchi.GAD. « Aujourd’hui, nous avons une dizaine d’expertises autour de la table, peuplées de gens qui ont des centres d’intérêt différents », résume David Leclabart, coprésident de la nouvelle entité. En parallèle, la hiérarchie verticale a été réduite au profit des relations horizontales et le rôle du « patron de marque », le porteur du projet de l’annonceur, a été renforcé. À l’instar de ses homologues, l’agence avait ponctuellement recours à des freelances avant la crise. Il a baissé avec la réduction d’activité consécutive au premier confinement et n’a guère repris depuis.

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Un bureau sans contraintes

Autre rapprochement, le mariage entre La Suite & Co et MilleSoixanteQuatre, initié durant le premier confinement au nom d’une complémentarité des métiers, s’est conclu fin 2020. « L’un est dans la stratégie, l’image, les concepts et les dispositifs digitaux, alors que l’autre est dans l’activation et la relation presse et les réseaux sociaux », analyse Christian Moisset, président de l’entité. Là encore, un rôle plus important est dévolu au pilote des équipes : « La construction et la composition des équipes se font en fonction du client, poursuit le dirigeant. Pour traiter un projet exposé par un client, le garant du client – c’est comme cela que nous l’appelons – réunit des personnes d’expertises différentes pour élaborer une réponse juste et répartir les missions. Nous voulons ainsi continuer à entretenir notre culture client. » Ogilvy Paris a de son côté absorbé Grey et se prépare à modifier l’organisation du travail en élaborant avec les partenaires sociaux un accord sur le télétravail, où les locaux de l’entreprise constituent un enjeu majeur. « Nous souhaiterions imaginer le bureau comme un lieu dans lequel les collaborateurs décident de se rendre sans contraintes, annonce Matthieu Elkaim, président de l’agence. L’enjeu est de leur redonner le plaisir de retrouver leurs collègues, leurs clients, de travailler ensemble et vivre des aventures collectives. » Toutes ces évolutions rendent peu probable un retour au monde d’avant. Mais, pour Sandrine Vissot-Kelemen, « la reprise porte un enjeu de taille : créer de la valeur par davantage de différenciation alors que le monde digital a plus tendance à standardiser les pratiques. » Elle postule qu’il faudra « imaginer de nouveaux services et fonctionnalités pour créer une préférence de marque sur le digital » mais aussi « inventer les nouveaux termes de la communication digitale pour qu’elle soit plus simple, plus servicielle et plus directe ». Autant de défis qu’il reste à réaliser pour faire entrer la communication publicitaire dans une ère nouvelle.

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