Tribune
Le secteur des relations publiques n'échappe pas au phénomène des fausses informations en ligne. Certaines agences n'hésitent pas à utiliser de faux comptes Twitter et Facebook au service de leurs clients, pour manipuler l'information en ligne, au grand dam des nombreux professionnels qui travaillent avec éthique.

La production de faux contenus à des fins de manipulation de l’information est un phénomène en plein essor. Elle repose le plus souvent sur des logiciels ou robots de génération automatique de contenus. Les content farm automatic collection system réorganisent les mots et les phrases de certains articles pour en faire de nouveaux textes à l’infini et (tenter de) manipuler ainsi les moteurs de recherche. Dès que les articles sont finalisés, un ensemble de sites web et des milliers de faux comptes sur les réseaux sociaux les relaient afin d’influencer l’opinion à grande échelle. Ces fausses informations sont rendues accessibles par les moteurs de recherche, distribuées instantanément dans les flux d'actualité, par emailing, via des applications de messagerie.

Au-delà de la technologie, il existe aujourd’hui une industrie nouvelle faite de sociétés de relations publiques et d’agences marketing prêtes à déployer de faux comptes, de faux récits et de pseudo sites web d'actualité. Ces «professionnels de la communication» organisent des opérations de désinformation pour le compte de tous ceux qui ont les moyens d’acheter leurs services. Depuis quelques années de nombreuses opérations de désinformation ont été partiellement ou entièrement attribuées à des sociétés de «dark PR». Les deux tiers ont eu lieu depuis 2019, illustrant une forte croissance du phénomène depuis quelques mois.

Selon Nathaniel Gleicher, responsable de la cyber sécurité de Facebook, «la professionnalisation de la tromperie est une menace croissante. Nous avons vu des agences s’établir et construire l’essentiel de leur modèle commercial autour de la désinformation.»

Distinction parfois ténue

Certaines agences annoncent publiquement sur leur site web qu'elles «utilisent tous les outils disponibles pour changer la réalité selon le souhait du client». D’ailleurs, la technologie ne fait pas tout. Les entreprises de dark PR s'appuient sur des «usines de trolls».  Des bataillons de producteurs de contenus bien humains se connectent à de faux comptes Facebook pour commenter ou orienter les conversations. Et même si Facebook annonce régulièrement la suppression de nombreux comptes et de groupes animés par des agences de désinformation, les dark PR continuent de prospérer sur les réseaux sociaux.

La distinction est parfois ténue entre les agences de dark PR et les usines de trolls. Certaines agences utilisent de faux comptes Twitter et Facebook au service de leurs clients. Elles utilisent les termes «pages supplémentaires» et «travailleurs de soutien numérique» pour décrire ce qui est autrement connu sous le nom de «faux sites d'information» ou de «trolls rémunérés».

Les instances de l'industrie mondiale des relations publiques luttent contre l’essor des dark PR. L'industrie a pris position contre la manipulation des médias sociaux lorsque la Public Relations and Communications Association a expulsé Bell Pottinger, une agence de relations publiques basée à Londres, après avoir enquêté sur une campagne de désinformation qu’elle avait organisée en Afrique du Sud pour l’un de ses clients.

Jill Tannenbaum, responsable de la communication de Weber Shandwick, a récemment déclaré à BuzzFeed que son agence devait «engager le public avec des informations ancrées dans la vérité, même lorsque l’agence est en concurrence sur des marchés où des tactiques malhonnêtes ont lieu. Nous avons mis en place un processus pour évaluer tout engagement client qui paraît en contradiction avec nos valeurs».

Difficulté des plateformes

L’ICCO, l’organisation mondiale des agences conseils en relations publiques, a établi 10 principes connus sous le nom de Déclaration d'Helsinki. Ils exigent que les professionnels de la communication «soient conscients du pouvoir des médias sociaux et les utilisent de manière responsable» et «ne s'engagent jamais dans la création ou la diffusion de fausses informations». Francis Ingham, directeur général de l'ICCO, a souligné que les entreprises de dark PR jetaient malheureusement le discrédit sur tous les professionnels travaillant avec éthique. Malgré le nombre croissant de campagnes de désinformation attribuées aux agences de dark PR, ces entreprises sont des exceptions, a ajouté Francis Ingham.

Alors que les grandes agences de relations publiques s'efforcent de se différencier de ces pratiques, les plateformes éprouvent de plus en plus de difficultés à empêcher les dark PR d’envahir leurs écosystèmes. «Si une agence travaille sur plusieurs plateformes pour de nombreux clients différents, nous ne pourrons peut-être pas les détruire complètement, précise Nathaniel Gleicher de Facebook. Notre approche consiste à retirer les pages impliquées dans une opération spécifique et à interdire toute l'organisation à l’origine de cette page. Dans certains cas, Facebook interdit également l’accès aux individus identifiés comme trolls. Nous voulons montrer très clairement que ce n’est pas un modèle commercial durable sur notre plateforme.»

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