Communication
Longtemps dépendante des financements publics, l’agence spécialisée en food, drink et lifestyle réinvente son modèle au prix d’une mue drastique de sa culture d’entreprise. Explications.

C'est l’histoire d’un acteur économique qui, longtemps dopé aux aides publiques, a vu ses « privilèges » s’abolir en seulement quelques années. 

Cette histoire, c’est celle de Sopexa, créée en 1961 par la volonté conjointe des professionnels agricoles et des pouvoirs publics, avec pour mission de promouvoir tant en France qu’à l’étranger les produits alimentaires tricolores. La Société pour l’expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires [Sopexa] se construit alors sur un modèle où l’État, quoique minoritaire au sein du capital, occupe une place prépondérante en participant entre autres directement à son financement par le biais d’une dotation annuelle. « La société a fonctionné durant des années avec une délégation de service public dégressive. Jusqu’en 2007, cela représentait une part importante des ressources, d’où une image très publique », rappelle Jean-René Buisson, l’actuel président du directoire..

 

Cap sur l’international

 

Cette année-là, dans le sillage d’un rapport du Sénat reconnaissant la réalité du travail mené sur le terrain mais préconisant l’assainissement des relations entre la société et l’État, ce dernier se désengage et revend ses parts, au Crédit Agricole notamment. Sopexa voit s’envoler près de 15 millions d’euros, soit plus d’un tiers de ses ressources annuelles. Un coup dur. En septembre 2013, Jean-René Buisson, ancien président de l’Ania (Association nationale des industries alimentaires), arrive à la présidence dans des conditions  particulières. Son prédécesseur, Jean-Michel Lemétayer, vient de disparaître, et les pertes s’accumulent depuis près d’une dizaine d’années. « Un gros travail a été fourni durant un an et demi afin de bâtir un nouveau modèle qui soit viable pour Sopexa », explique-t-il. Entre 2013 et 2017, les statuts de l’entreprise sont modifiés, la gouvernance, simplifiée et l’actionnariat, recomposé. La relance se fera par l’international.

 

Vers une majorité de clients étrangers

 

Sopexa décide alors d’élargir ses expertises et son champ d’actions. D’une communication axée sur les produits français, elle se tourne vers la promotion des produits alimentaires issus des quatre coins du globe. « Nous sommes passés en trois ans de 0 à 40 % de chiffre d’affaires réalisé avec des clients étrangers », précise le président du directoire, rappelant par la même occasion que « l’agence dispose de 27 bureaux à travers le monde en comptant les ouvertures récentes en Australie ou au Maroc ». Avec près de 190 de ses 250 collaborateurs à l’étranger, Sopexa vient de trouver le bon filon. Moule de Patagonie, kiwi nain, olive d’Espagne… La société met au point un savoir-faire qui s’exporte grâce notamment à sa connaissance pointue des marchés. Dans le même temps, elle renforce ses activités autour des boissons et investit le champ du lifestyle, à travers des produits comme les fleurs de Colombie ou les arts de la table japonais.

 

Entreprise en mutation

 

Au-delà de ces développements, c’est toute la culture d’entreprise ou presque qui est revisitée en quelques années. « Le plan de développement mis en place consistant à faire de Sopexa une agence de communication 360, cela s’est traduit par un fort renouvellement des équipes. On ne recrute plus du tout les mêmes profils », constate celui qui a évolué au sein du groupe Danone pendant 25 ans. Sopexa fait également le choix de revoir très largement ses process. L’entreprise se dote d’un planning stratégique, avec à sa tête Anne-Laurence Schiepan, tout en externalisant la création. « Travailler en partenariat avec des agences locales est un choix stratégique qui semble plus adapté à notre modèle », confirme Anaïs Maury, directrice de la communication, ajoutant que « les teams créa sont sélectionnés en fonction du couple marché/produit ». 

 

Marques porteuses d’avenir

 

Autre changement d’envergure : la société choisit de s’aligner sur des compétitions marques, qui représentent désormais 30 % du business contre 70 % pour les collectives. Là encore, le changement est radical. « Il faut bien comprendre que jusque très récemment, on ne prenait pas position sur les compétitions inférieures à 100 000 euros et on ne prononçait jamais le mot client », relève Jean-René Buisson. Les résultats commencent à se faire sentir. Après un exercice 2017 qui devrait accoucher d’un chiffre d’affaires de près de 65 millions d’euros et d’une marge brute de plus de 19 millions, Sopexa table sur un chiffre d’affaires 2018 supérieur à 70 millions d’euros, pour une marge brute estimée à 23,5 millions. Des données qui permettraient à l’agence « d’être à l’équilibre pour la première fois depuis de longues années », reconnaît le président du directoire.

 

Foodtech et nutrition

 

Point d’orgue de cette révolution qui ne dit pas son nom : l’inauguration récente de nouveaux locaux flambant neufs à Paris, dans le 2e arrondissement. « Impossible à mettre en place il y a encore trois ans, ce lieu est le reflet de l’aboutissement d’une stratégie et du changement culturel de l’entreprise », se félicite Jean-René Buisson, citant également le cas de la « direction de la nutrition créée en ce sens ». 

Signe enfin du nouveau virage pris par Sopexa, ces locaux accueillent deux start-up spécialisées dans la foodtech. Et d’autres devraient suivre. « Connaître l’écosystème foodtech permet de mieux conseiller nos clients », appuie Anaïs Maury, évoquant « un relais de croissance et une opération bénéfique en termes d’image », dans un contexte où « le consommateur devient de plus en plus exigeant sur des thèmes comme le bio, le local ou encore la traçabilité ».

Chiffres clés

4,5 : Montant annuel de la délégation de service public (DSP) pluriannuelle dont dispose actuellement Sopexa. Un montant assuré pour 2018, la DSP ayant été prolongée d’un an, avant une nouvelle mise en concurrence à venir portant sur la période 2019-2020-2021.



27 : Nombre de bureaux de Sopexa à travers le monde. La société compte également 190 collaborateurs à l’étranger sur un total de 250 et opère dans une quarantaine de pays.



33 : Pourcentage des parts détenu par le groupe Hopscotch, entré au capital en même temps que Comexposium (33 %) fin 2016. Si Comexposium est surtout vu comme un référent financier et un actionnaire stable, les synergies opérationnelles attendues du rapprochement avec Hopscotch peinent à se développer, à l’exception de quelques opérations menées avec Hopscotch Luxe et Heaven (agence de communication digitale). 

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