«J'ai remis à jour mon Wikipedia», précise-t-il d'emblée. On y lit qu'il a grandi sous deux dictatures: au Chili, fui par ses parents après le coup d'État de Pinochet lorsqu'il avait trois ans, puis en Argentine, avant d'arriver en France à l'âge de douze ans.
L'exil a forgé la conscience politique de Sergio Coronado. Militant de toujours, il a cofondé la FIDL (Fédération indépendante et démocratique lycéenne), premier syndicat lycéen, puis a été membre de SOS Racisme et de l'Unef-ID. Il y côtoie notamment François Delapierre et Delphine Batho, aujourd'hui respectivement directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon et porte-parole de François Hollande.
Le jeune homme y apprend que «rien n'est possible sans médiatisation». Cela tombe bien, les questions d'image le passionnent. Il adhère à l'association Les Pieds dans le PAF, de l'écologiste Patrick Farbiaz, et auditionnera quelques années plus tard pour devenir rédacteur en chef du magazine Têtu.
Ce sont ses bonnes relations avec les journalistes, comme son aspect franc et posé, qui l'amèneront à gérer la communication de la campagne présidentielle de Noël Mamère en 2002 (5,25% des voix, soit le meilleur score jamais réalisé par un écologiste à la présidentielle), et aujourd'hui celle d'Eva Joly.
Intuitif, il possède «une intelligence politique et stratégique rare», souligne Patrick Farbiaz, conseiller politique d'Eva Joly. Sergio Coronado prend rapidement des responsabilités chez les Verts, jusqu'à faillir être élu secrétaire national en 2004. Réformiste et progressiste, il affirme «la primauté de la politique» dans la communication militante.
D'ailleurs, il explique ne pas avoir «beaucoup de compétences techniques sur les questions de communication», qu'il laisse volontiers au directeur de campagne Stéphane Sitbon. Son truc à lui, c'est la stratégie.
«Un homme ou une femme politique, c'est un produit mouvant», lance-t-il. Pour Eva Joly, qui stagne autour de 2% dans les sondages d'intentions de vote, il pense que la difficulté est avant tout politique, elle s'expliquerait par la faible marge de manœuvre des Verts par rapport à l'accord électoral avec le PS.
Ce dernier empêche la candidate de prendre des risques. Or il est convaincu de la nécessité de miser sur des sujets clivants pour susciter des débats, qui «créent les reprises médiatiques». Une «stratégie coups de poing» inspirée par Ingrid Betancourt, dont il a écrit une biographie en 2008.
Pour cet homme d'apparence placide, «une campagne électorale est un exercice guerrier». Parfois perçu comme «froid, métallique», il «peut tuer n'importe qui», affirme Patrick Farbiaz. Mais dans cette campagne, c'est Eva Joly qui estla cible de nombreuses attaques, obligée de pratiquer une «communication de défense».
Sergio Coronado explique aussi que le contexte de crise économique pénalise l'émergence des thèmes écologistes, aux «référents anxiogènes». Autant de freins à une «mise en récit cohérente du projet» et à la construction d'une «mythologie» autour de la candidate.
La personnalité d'Eva Joly explique également ses difficultés dans les médias: nouvelle en politique, «elle n'a jamais pensé à la présidentielle en se rasant». Elle qui ne vient pas du sérail, «n'a pas la culture du verbe, ni celle des déjeuners» emblématiques de la politique française, dit-il. Des handicaps qui l'ont conduite, dans une récente étude de Vae Solis, à être désignée par un panel de journalistes comme la plus mauvaise communicante parmi les candidats.
Pour autant, Sergio Coronado ne prend «rien au tragique» et semble déjà en passe de tourner la page. Son avenir, il le verrait bien comme député: il est candidat dans la deuxième circonscription des Français de l'étranger, celle qui comprend le pays où il est né. D'ailleurs sur Wikipedia, il évoque déjà au passé son statut de directeur de communication d'Eva Joly.
(encadré)
Dates clés
13 mai 1970. Naissance à Osorno (Chili).
1994. Obtention de la nationalité française.
1998. Adhésion aux Verts.
2001-2008. Élu municipal du XIVe arrondissement de Paris.
2005-2008. Porte-parole des Verts (avec Cécile Duflot).
2011-2012. Directeur de campagne d'Eva Joly aux primaires d'EELV, puis de sa communication à la présidentielle